dimanche, avril 28, 2013

Catherine Flon



Dans la galerie de nos célébrités féminines et de nos héroïnes, une place à part, nous semble-t-il, doit être faite à Catherine Flon, Cécile Fatiman, prêtresse bien connue du Bois-Caïman, et Défilé. De quelque côté qu'on les regarde, en effet, ces femmes paraissent ne devoir leur renom qu'au fait particulier d'une action, laquelle, pour évidemment majeure, ne semble pas moins revêtir, dans leur parcours même, un caractère unique, fugace, sans véritable lendemain. Tout se passe comme si, toutes entières dans ce moment qui a vu leur gloire, importaient peu pour elles les repères biographiques et encore moins ces garants éprouvés de la renommée que sont la continuité, la constance, l'étendue qui, dans ce cas précis, voient leur rôle de socle habituel de célébrité le céder volontiers et très largement à celui plus palpitant d'un geste lequel, intervenant de manière inattendue, à un moment-clé, capital, s'empare du nom, le pérennise et le voit comme définitivement associé à une situation qu'il aura, par un juste retour des choses, comme pour mission d'évoquer à son tour. Ainsi en sera-t-il de Catherine Flon qui verra son nom légué à la postérité, et, par delà ce moment capital du Congrès de mai 1803 de l'Arcahaie, définitivement associé au drapeau haïtien, et cela, du fait très simple que, s'offrant pour réunir les deux bandes d'un drapeau sur pied de guerre, elle aura le geste essentiel qu'il fallait, ce geste réclamé à grands cris par le moment, celui combien fécond de permettre ainsi à un symbole de s'exprimer, en naissant au jour.

Deux versions de l'Histoire retenues:

1) «Aux yeux de la masse ignorante des Noirs, le drapeau tricolore symbolisait l'union des trois classes de la colonie: les Blancs, les jaunes, les Noirs. D'un geste vif, Dessalines supprima la couleur blanche». Catherine Flon aurait alors réuni les bandes bleu et rouge et les aurait cousues en utilisant ses cheveux comme fil.(1)

2) La deuxième version veut qu'une fille de Dessalines fut maltraitée par un colon sur l'habitation duquel elle serait restée comme servante dans le but évident de rapporter ce qui s'y passait. Dessalines ayant vu sa fille en sang, aurait déchirée sa jupe bleue, pris son foulard rouge et demandé à Catherine Flon de les réunir en s'exclamant: «Jamais, plus jamais, un Francais ne frappera nos filles. Liberté ou la mort». On présente en faveur de cette version l'argument que le bleu du drapeau haïtien ne serait pas identique au bleu francais.

(1) J.C.Dorsainvil, Histoire d'Haïti.

Texte de CLAUDE-NARCISSE, Jasmine (en collaboration avec Pierre-Richard NARCISSE).1997.- Mémoire de Femmes. Port-au-Prince : UNICEF-HAITI

Marie-Claire Heureuse Dessalines 1758 - 1858




A voir cette prestigieuse et solide notoriété dont semble, aujourd'hui encore, s'entourer le nom de Claire Heureuse, on est, à première vue, toujours tenté d'y voir le reflet magnifié d'un renom de cour, le produit du rayonnement d'un nom (celui du Fondateur),vivace et profus, tout au cours de notre histoire, et dont elle n'aurait été, en fait, qu'un des multiples effets. Pourtant, à la considérer de près, la gloire impériale, s'il en a jamais été, de cette femme qui a vécu centenaire, n'a -t-elle pas été, comparée à d'autres, que de très courte durée (1801-1807), et un regard même sommaire, par exemple, sur des contemporaines telles Suzanne Louverture et la reine Marie-Louise, épouses d'hommes d'Etat au demeurant, tout aussi célèbres que Dessalines (Toussaint Louverture, Henry Christophe ), ne les montre-t-il pas plutôt pâlotes et leurs noms, le plus souvent, relégués dans l'oubli? Force nous est donc, on le voit, de faire montre de plus de circonspection et de nous demander si, dans de cette étonnante vitalité d'un nom (il n'a cessé tout au long de l'histoire d'inspirer poèmes et pièces), n'entrerait pas beaucoup plus, tout bien consideré, le fait bien plus probant d'une attachante particularité qui n'a laissé de frapper tout au cours de la longue vie de Claire Heureuse.

Née en 1758 à Léogane, de Bonheur Guillaume et Marie-Sainte Lobelot, famille de condition modeste, Marie Claire Heureuse verra très tôt son éducation confiée à sa tante Elise Lobelot, gouvernante chez les religieux de l'ordre de Saint-Dominique. C'est dans cette atmosphère que l'on imagine toute de piété et de recueillement qu'elle aura à passer une vie dont on ne sait malheureusement rien sinon que l'heure venue, elle se donnera en mariage à Pierre Lunic, maître-charron responsable des ateliers de l'habitation des Frères de Saint-Jean de Dieu dont elle deviendra, du reste, assez tôt veuve (1795). Est-ce à mettre sur le compte d'une éducation fortement pétrie de préceptes bibliques, ou bien d'une disposition d'âme toute exceptionnelle? Cette femme, dont rien ne laisse présager une destinée d'impératrice, ne laissera très tôt de faire montre, vis-à-vis de qui la sollicite, d'une générosité et d'une disposition à secourir confinant tout bonnement à la sainteté et ce, fait remarquable dans un contexte meurtri de préjugés raciaux et des haines les plus larvées, sans discrimination de couleur ni d'aucune sorte.

Déjà lors du siège de Jacmel en 1800 — siège qui, aux dires de certains, lui vaudra, quoique sur une échelle certainement plus réduite, de figurer bien avant Florence Nightingale, comme la première infirmière de guerre connue de l'histoire — ne manquera-t-elle pas de se distinguer hautement à la considération de tous quand, nous rapporte-t-on, la ville ravagée par la famine et par la mort et au bord de succomber, elle parvient, par sa seule force de persuasion, à obtenir du général Jean-Jacques Dessalines, un des commandants des troupes assiégantes, et qu'elle verrait à l'occasion pour la première fois, l'autorisation de pénétrer dans les murs porter aide et assistance aux blessés? Et, «le surlendemain, on vit sortir de Léogane un cortège de femmes et de jeunes filles, montées sur des mulets courbés sur le fardeau des provisions alimentaires, des médicaments et divers objets de pansement.(...) Claire-Heureuse tira de l'angoisse, de la mort, des centaines de vieillards, de femmes et d'enfants. Elle alluma le feu sous des trépieds improvisés, éplucha les légumes elle-même..., on la vit déballer des caisses de médicaments et panser, avec l'aide de ses amies de Léogane, de nombreux blessés de guerre»(1).

L'attrait irrésistible des contraires jouant sans doute à plein encore une fois, on assistera en émoi, le 21 octobre 1801, tout juste après la guerre civile, à l'étonnant et incompréhensible mariage de cette femme au rugueux et vindicatif Dessalines. Elle ne laissera alors de conserver, même «au faîte des honneurs, toujours égales, son humeur, sa douceur, sa charité active, sa force de volonté dans le bien et son élégante simplicité de mœurs». Elle légitimera des enfants adultérins de son époux et plus tard, impératrice, continuera auprès des infortunés un engagement qui se poursuivra même après Pont Rouge. Se placant visiblement hors de ce temps de règlements de compte et de récrimination, son quotidien avec l'illustre tyran la voit redoubler de courage et de bon cœur, s'intéresser au sort des prisonniers, désapprouver publiquement la violence du massacre des Francais dont elle n'hésitera nullement, pour sauver nombre d'entre eux, à braver la fureur proverbiale de son mari. La scène est célèbre du sauvetage de Descourtilz, racontée par Descourtilz lui-même, qu'elle cache, sous son propre lit, et dont elle ne parvint à obtenir la vie sauve qu'à force de supplications, et, en dépit de la présence ce jour-là de nombre d'officiers et aides de camp, en se traînant à genoux et en pleurs, aux pieds de Dessalines(2).

Après la séquestration dont, aussitôt après son assassinat, furent l'objet les biens de Dessalines, Claire Heureuse qui, quoique sans moyen aucun de subsistance, n'accepte pas l'invitation de Christophe à s'installer dans la famille royale du Nord, ne tarda pas à tomber dans la gêne. Elle vécut dans l'indigence à Saint-Marc jusqu'au jour du 21 août 1843 où, suite à la requête bienvenue d'un membre proche du pouvoir, M.J. Charlot, le gouvernement consent à lui allouer une pension viagère annuelle de 1200 gourdes(3) dont elle jouit jusqu'en 1856, année où fut arrêté sous des accusations fallacieuses et exécuté sommairement (le 2 juin) sous l'empire de Faustin 1er le général César Dessalines (petit-fils de Jean-Jacques Dessalines). L'empereur manifestant peu après, à son retour de campagne, le cordial désir de lui faire ses hommages, elle ne le reçut point et crut bon de manifester publiquement sa réprobation en gardant ce jour-là portes closes. Pour attirer alors sa bonne grâce autant sans doute que pour poser au protecteur, l'empereur ne trouva pas mieux alors que de faire voter le 22 juin 1857 une loi qui, triplant la pension de la veuve Dessalines, la porte à 300 gourdes par mois. Claire Heureuse, offusquée et prise d'un profond dégoût, refusa catégoriquement de toucher désormais une pension dont l'augmentation si ostensible ne laissait aucun doute quant a l'intention réelle d'un gouvernement impérial aux abois et désireux, à grands renforts de moyens de faire oublier ses méfaits.

Un an après, aux Gonaïves où elle avait pris demeure chez Mme Chancy(4), son arrière-petite-fille, loin de tout bruit et de toute querelle, elle mourra, dans la nuit du 8 au 9 août 1858, dans le plus extrême dénuement.

(1) Le Document, op.cit. pp88-89.

(2) Thomas Madiou, op.cit. Tome II, p258.

(3) Thomas Madiou, op.cit. Tome VII, pp533-534.

(4) Mme Chancy est la petite-fille de la princesse Célimène, une des filles de son époux, légitimée au temps de gloire.

Texte de CLAUDE-NARCISSE, Jasmine (en collaboration avec Pierre-Richard NARCISSE).1997.- Mémoire de Femmes. Port-au-Prince : UNICEF-HAITI

Léonie Coicou-Madiou 1891 - 1970




Incontestablement une des actrices les plus brillantes de son temps, éducatrice, féministe farouche, activiste politique, elle est tout ce qu'il y a d'inclassable.

1908, année funeste entre toutes, verra, quatre ans après son retour de Paris(1), Léonie Coicou violemment emportée dans le tourbillon de ce qui, événement troublant d'époque, aura sans doute été appelé à demeurer pour elle le cauchemar de toute une vie: l'assassinat du poète Massillon Coicou, son père, ainsi que de deux de ses oncles(2). Quand, dans la foulée de cette enquête mémorable, savamment orchestrée un an plus tard par Pierre Frédérique, il est donné à lire dans les colonnes de l'Impartial, en des termes toute d'une dignité retenue, ce démenti que, pour réhabiliter l'image à trop bon compte flétrie d'un père, elle juge bon d'infliger à un article tendancieux de Clément Magloire(3), ce sera alors l'occasion d'admirer, déjà présente à cet âge (elle n'a alors que 18 ans), cette fermeté de caractère appelée plus tard à constituer l'un des traits fondamentaux de sa personne.

Sur les pas de son père, on la voit, très tôt, s'engager dans la voie ingrate de l'enseignement où, se dépensant sans mesure, elle ne tardera pas, tout comme celui-ci du reste, à s'imposer du meilleur d'elle-même. Promue très vite directrice de l'école des Filles, plus tard débaptisée école Thomas-Madiou en mémoire de l'historien, aïeul de son époux, elle semble s'y être alors consacrée corps et âme et ne s'occuper uniquement que de cet aspect-ci d'un talent pour le moins multiforme, les planches ainsi que la scène politique, fait incompréhensible pour quelqu'un ayant connu très tôt des débuts si prometteurs, ne la recouvrant en effet seulement qu'environ une trentaine d'années après.

Actrice de talent, son nom reste pour plus d'un attaché à celui d'un théâtre de qualité au rayonnement duquel elle ne laissera jamais, les planches une fois reprises, de contribuer. En effet, après un timide mais fructueux début au théâtre de Cluny à Paris qui la verra, très jeune, incarner dans la pièce Liberté, de son père, le rôle de Petit Sim, elle verra son nom figurer dans les années quarante, années d'or du théâtre haïtien, parmi les interprètes de pièces qui semblent avoir gagné pour longtemps le suffrage enthousiaste et admiratif du public. Parmi celles-ci, il convient de citer Le Torrent (18 mai 1940), couronné du Grand Prix dramatique du président de la République et dans laquelle, aux côtés de Simone Barrau, Charles de Catalogne, Martial Day, Simon Desvarieux, Georges Dupont, André Gerdès, Paul Savain, tous talentueux acteurs de l'époque, elle tient sans conteste une place de premier plan; la Famille des Pitite-Caille, roman de Justin Lhérisson adapté pour la scène par Pierre Mayard, gros succès de l'année 1942, Le Triomphe de la terre d'Antoine Salgado, Sanite Belair de Jeanne Perez (10 août 1942), Min Coyo(1943), Barrières (1945), Lococia de Marcel Sylvain...(4),autant d'œuvres qui auront vu la confirmation d'un talent dont l'éclat et la constance ne laisseront jamais de séduire.

Militante sociale, on ne manque pas également de la retrouver à la même époque membre active d'une dizaine d'associations culturelles et civiques dont La Ligue féminine d'action sociale qui la compte en 1950 au comité administrateur du premier Congrès des femmes haïtiennes. Vice-secrétaire du Comité d'action féminine (CAF) qui, depuis sa création le 8 janvier 1946, participe activement à la lutte politique, Léonie se fera aussi, lors de ce grand «vent de janvier», le porte-parole convaincu des révendications féminines. En 1955, elle est la première femme à briguer le poste de maire de Port-au-Prince, formant aux côtés de Maud Hudicourt-Dévarieux et de Lydia Jeanty, candidates assesseurs, ce trio de femmes qui, à l'époque, provoquera tant de remous. Une constante implication politique qui lui vaudra d'être appréhendée et battue en 1950 lors d'une manifestation en faveur des droits politiques de la femme, la verra à deux reprises en janvier 1946 et en mai 1957, faire les frais également de séjours en prison.

Tant d'activités, jointes à l'astreignante tâche du soin quotidien de ses huit enfants, n'empêcheront nullement Léonie Coicou-Madiou, à la Division de conciliation et d'arbitrage du Bureau du travail, où elle est nommée en 1947 de participer activement, aux côtés de Denyse Guillaume, à la mise sur pied d'une section féminine préoccupée de la protection de la mère et de l'enfant. Elles ne l'empêcheront pas non plus, sur la nomination, en octobre 1959, du président Francois Duvalier, d'être membre quelques années plus tard de la Commission communale de Port-au-Prince.

Léonie Coicou-Madiou s'est vue, par deux fois, l'insigne objet d'une décoration: d'abord celle de l'Ordre national Honneur et Mérite pour son dévouement à l'éducation de la jeunesse décernée par le président Sténio Vincent puis celle de l'Ordre de Toussaint-Louverture par le président Francois Duvalier pour son action sociale et sa contribution à la formation de la jeunesse.

(1) Léonie Coicou-Madiou fera une partie de ses études à Paris où son père a été secrétaire de la Légation haïtienne puis chargé d'affaires.

(2) Massillon Coicou, écrivain et firministe convaincu et ses deux frères Horace et Louis, soupçonnés d'un complot visant au renversement de Nord Alexis, ont été, ainsi qu'une vingtaine de leurs amis, sauvagement assassinés, dans la nuit du 14 au 15 mars 1908, sur l'ordre du général Arbau Nau. (Voir : Gérard Jolibois, L'Exécution des Frères Coicou et Jean Desquiron, Haïti à la Une, tome 2)

(3) G. Jolibois, op.cit. p74

(4) G. Corvington, op.cit, Tome 7, p293 et suiv.

Texte de CLAUDE-NARCISSE, Jasmine (en collaboration avec Pierre-Richard NARCISSE).1997.- Mémoire de Femmes. Port-au-Prince : UNICEF-HAITI

Alice Garoute (1874 - 1950)




«... la conquête de nos droits n'est qu'une partie de notre programme.... et même si nos frères ne nous élèvent jamais au rang de citoyennes d'Haïti, nous poursuivrons notre œuvre de pitié et de solidarité envers les femmes du peuple et les paysannes.»

Alice Garoute

Figure pour le moins attachante et qui tient, sans doute, son opiniâtre ardeur d'une mère (Pauline Brice) dont les démêlés avec le général Hyppolite ainsi qu'avec le président Salnave, n'ont pas laissé, en leur temps, de remplir d'échos bruyants la petite histoire de ce pays, cette femme d'une énergie exemplaire demeure, indéniablement, une des personnalités les plus saillantes du féminisme haïtien.

D'un souvenir particulièrement vif restera pour Alice Thézan cette maison emménagée en terre d'exil par ses parents, témoin de leur fuite des terribles représailles s'étant abattues, au lendemain de la guerre civile de 1882, sur les partisans et proches de Bazelais, et de leur tentative de prendre pied à Kingston. Maison toujours hospitalière, disait-elle, et qui, outre le pain et d'autres libéralités, offrait un confortable abri à d'incessantes et orageuses discussions sur la situation alarmante du pays. Alice Garoute, qui se souviendra avoir pris, très jeune, une part active à ces passionnés débats, ne laissera, sa vie durant, de vouer un culte reconnaissant à ce climat chaleureux qu'ils ne manquaient pas de faire naître. Climat, au demeurant, sans doute peu étranger à cette combativité et ce sens de la chose publique qui, en tout, seront sa marque, et que laisseront, fort heureusement, inentamés, un mariage malheureux et la mort inopinée et en bas âge de deux enfants.

Quand, après ses secondes noces, elle se retrouve à Jérémie, ville natale de son mari, elle ne manquera nullement de s'y distinguer et bien vite se fera adopter par une cité dont la réticence envers les étrangers et une muette hostilité, sont pourtant, à l'époque, choses proverbiales. Organisatrice née, elle deviendra en peu de temps l'âme même de cette ville et, en dépit des charges absorbantes d'une famille nombreuse, se retrouvera à se dépenser sans mesure, se donnant ici et là dans tout ce qui y semble en mouvement. En effet, animant avec assiduité et en présidente honorée un cercle mondain qui voit régulierèment la réunion de l'élite littéraire et bien pensante de la ville, elle est aussi celle qui organise les bals, les réunions, les conférences, les excursions, celle qui, soucieuse du bien-être des détenus, met sur pied une œuvre de bienfaisance en leur faveur, celle enfin qui, sympathisant tout entière à la lutte contre l'occupant se consacre notamment à la dure et pénible tâche de recueillir des fonds à l'Union patriotique, agissant, se démenant avec une telle force d'abnégation, nous dit-on, que son entourage conquis, la gratifiera du surnom combien reconnaissant de «la mère».

1934 la retrouve à Port-au-Prince à faire montre et activement de cette même opiniâtre ardeur, dans la mise sur pied de La Ligue féminine d'action sociale, ligue dont d'abord, elle sera vice-présidente (1934-1945) puis présidente de 1945 jusqu'à sa mort en 1950. L'action de «la mère» des plus tenaces, semble alors tenir dans ces seuls mots: «Nous lutterons avec courage et persévérance jusqu'au triomphe de la Justice; nous lutterons pour renverser les barrières qui limitent notre champ d'action jusqu'à les rendre inexistantes».

Difficile, on s'imagine bien, de se figurer, ne fût-ce qu'un instant, les succès éclatants de cette Ligue sans l'action vigoureuse de cette femme. Et quand on sait, par ailleurs, que cette membre à part entière de la «Federacion de mujeres de America», insensible aux moqueries auxquelles, dans ce pays, ne laisse pas d'exposer une adhésion trop nette à de frondeuses idées, ne ratait la moindre occasion, dans les réunions publiques et privées et quelquefois, jusque dans les rues, de faire entendre haut et clair la voix trop longtemps contenue de sa cause, et qu'elle trouvait du temps de reste à se donner sans relâche dans les écoles du soir, dans les prisons, les hôpitaux aussi bien que dans bon nombre d'œuvres sociales et associations culturelles, on ne peut que difficilement se défendre à son endroit d'une certaine pointe d'admiration.

En dépit du recul, les protestations d'Alice Garoute contre les interdictions mises sur la jouissance par la femme de ses pleins droits gardent aujourd'hui encore ces mêmes accents de soufre qui à l'epoque leur conféraient une sonnerie haute. En témoigne par exemple cette lettre publique, adressée le 16 juillet 1946 aux membres de la Commission constitutionnelle après qu'ils eurent jugé bon, sous de fallacieux prétextes, d'écarter tout bonnement les justes révendications féministes dont la Ligue s'était faite par devant elle l'écho. Dans cette lettre en effet, après avoir traduit l'étonnement de la Ligue «que les commissaires aient bafoué avec une telle légèreté les idéaux de justice et de liberté de la Révolution du 7 janvier..., et rappelé à leur juste attention qu'Haïti est signataire des «Accords de Lima, de Chatapultec, de San Francisco et de la Charte des Nations-Unies qui tous reconnaissent que l'homme et la femme naissent et demeurent égaux»... ne prend-elle pas le soin de souligner que «le verdict d'infériorité prononcé contre les femmes depuis 1804 lui répugne et la révolte», et ce, pour mieux laisser fuser, sans doute, ce qui aujourd'hui encore, en dépit de l'avancement certain d'une cause dont on ne saurait nier d'évidents acquis, revêt les accents clairs d'un véritable manifeste: «... Nous ne voulons plus nous résigner à n'être que des machines à reproduction et les servantes du seigneur et maître.» (1)

Le 10 avril 1950, Alice Garoute, déjà minée par la maladie, trouvera à puiser on ne sait où, la force de venir personnellement présenter au premier Congrès national des femmes haïtiennes, le cahier des doléances féminines et c'est de son lit de mort quasiment que se formulera son dernier appel à l'Assemblée constituante. Ce même lit du reste qui, moins d'un mois seulement avant ce moment d'exaltation que sera l'obtention par les femmes du droit de vote, qu'elle n'aura malheureusement pas la chance de vivre, la verra, le 30 octobre 1950, quelques heures avant sa mort, exprimer dans un murmure, ce vœu de toute une vie: «Nous aurons la victoire... Je désire que le jour où les femmes voteront pour la première fois, une délégation vienne déposer des fleurs sur ma tombe».

* Basé sur la relation de Madeleine Sylvain-Bouchereau dans Femmes haïtiennes, op.cit. p199.

(1) Alice Garoute dans La Nation, 19 juillet 1946, cité dans Claude Moïse, op.cit. p288.

Texte de CLAUDE-NARCISSE, Jasmine (en collaboration avec Pierre-Richard NARCISSE).1997.- Mémoire de Femmes. Port-au-Prince : UNICEF-HAITI

samedi, avril 27, 2013

DISPARITION DE MIMI BARTHELEMY, UNE GRANDE DAME DE LA CULTURE HAITIENNE -



Nous venons d'apprendre la disparition aujourd'hui de notre grande amie la conteuse haïtienne mimi Barthélemy. La cause du décès serait la même que pour Richie Havens: une crise cardiaque. Mimi n'était âgée que de 74 ans. Richie en avait 72... C'est comme si devant l'état désastreux du monde actuel, leur cœur immense avait décidé de s'arrêter là, tout simplement!... Dors en paix, Mimi!

Michèle Armand dont le pseudonyme est Mimi Barthélémy, est née en Haïti le 3 mai 1939. Ancienne élève de l'Institut des Sciences Politiques à Paris, elle obtient une licence et une maitrise en lettres espagnoles à Paris X en 1978, un doctorat de troisième cycle d’Études Théâtrales et Cinématographiques à Paris VIII, en 1984 sur les indiens caraïbes noirs, dit garifunas du Honduras.

Elle se consacre à un théâtre fondé sur la mémoire de sa famille et de son pays d'origine et participe comme dramaturge, auteur et comédienne à la création de plusieurs spectacles notamment, " L'autre rive lointaine " avec Rafaël Murillo Selva au Honduras en 1981," Madea " avec Eduardo Manet en 1985 à Paris, " Sebastian goes shopping" avec Mike Griggs et le Red Rose Théâtre de Santa Cruz en 1983 en Californie, " La Cocarde d'Ebène " avec Claude Alranq en 1989 à Montpellier, " Soldats-marrons " 1989 à Ris - Orangis, " La dernière lettre de l'Amiral " 1991 reprise sous le nom de " Caribana " avec Emmanuel Plassard en 1999, Mistero Buffo Caraïbe d'après Dario Fo sous la direction de Dominique Lurcell en 1999 à Paris, " Une Très belle mort " avec Nicolas Buenaventura 2000, à Avignon. Elle participe à des créations collectives en France comme " Ainsi soient-elles " avec cinq conteuses en 1998 en Bretagne.

Depuis le milieu des années 80 jusqu'à ce jour, puisant dans la tradition orale de son pays, elle conte en récital, seule ou accompagné de musiciens. Son travail de conteuse s'oriente vers le conte musical à partir de la tradition haïtienne du conte chanté qu'elle développe. " L'oranger magique " (1985), " La reine des poissons "(1987), " Tendez chante L'amour " (1995) et Le Fulgurant, épopée mythique (2007). Elle joue en France dans le monde francophone et non francophone. Elle publie chez différents éditeurs français et francophones, de nombreux livres de contes et comptines, des compacts-disques de contes pour enfants et adultes et des pièces de théâtre. Son premier roman est en passe d'être publié.

En 1989 elle obtient, lors du 3ème festival d'acteurs d'Evry, le Becker d'Or pour " La reine des poissons " et en 1992, le prix Arletty de l'universalité de la langue française pour " La dernière lettre de l'Amiral ".

En 2000 elle reçoit le grade de Chevalier de l'Ordre National du Mérite et en 2001 celui d'Officier de l'Ordre des Arts et des Lettres. Elle vient d'être promue chevalier de la Légion d'Honneur (Africultures - décembre 2010).

Une histoire manipulée pour une mémoire contrôlée


Au Congo comme partout ailleurs , les manuel d’histoire étaient écrit par les colonisateurs. De plus ils avaient le monopole de la parole, si bien qu’entre 1908 et 1960 les belges purent, en toute liberté et en toute impunité, manipuler l’histoire de ce pays et enseigner aux Congolais combien ils devaient vénérer la mémoire du roi Léopold. « un texte de 1959, relève Hochschild, destiné aux jeune soldats congolais pour devenir sous-officiers dans la force publique, expliquait que l’histoire révélait comment les Belges, par leurs actions héroïques, avaient réussi à créer un immense territoire. En combattant les esclavagistes « arabes » pendant trois années de sacrifices et de persévérance acharnée, ils avaient brillamment accompli la campagne la plus humaine du siècle, en libérant les peuples décimé et exploités de cette partie de l’Afrique. Quant aux adversaires du régime, qui n’étaient pas nommés, les critiques émises au cours des campagnes de diffamation entreprises par des étrangers jaloux s’étaient révélées sans fondement. Au Congo, grâce à leur supériorité militaire, les bourreaux gardèrent le pouvoir, la maîtrise de l’histoire et de son interprétation.

la chicote


"Dans la vue de s'assurer jusqu'à quel point l'homme pouvait compter sur les chiens dévoreurs que les colons français avaient fait venir à Cuba, un sacrifice humain fut ordonné et un noir qui n'avait commis aucun crime, fut destiné à éprouver, au milieu de la place publique, la voracité de ces animaux. Les principaux blancs et toutes les illustrations coloniales, réunis dans des banquets préparés autour de l’amphithéâtre où était placé la victime, savourèrent à loisir les délices de ce spectacle, vraiment dignes des cannibales. Pour accomplir cette réjouissance infernale, ce malheureux noir fut livré à une meute de chiens affamés qui le dévorèrent et en firent leur repas aux acclamations universelles des colons"

vendredi, avril 26, 2013

LE RAPPORT SUR LE GÉNOCIDE DES INDIENS DU BRÉSIL QUI SCANDALISA L'OPINION INTERNATIONALE




Le rapport FIgueiredo, sur le génocide des indiens du brésil, qui fut à l’origine de la création de Survival Internationa,l refait surface après 45 ans de disparition.

Dans ce document de 7 000 pages, récemment été retrouvé au musée de l’Indien au Brésil, le procureur public Jader de Figueiredo Correia énumère les meurtres de masse, la torture, l’esclavagisme, la guerre bactériologique, les abus sexuels, les spoliations territoriales dont furent victimes les Indiens du Brésil. Suite à ces atrocités, certains peuples ont complètement disparu et de nombreux autres ont été décimés.

L’un des faits les plus horribles de ce rapport est celui du ‘Massacre du 11e parallèle’ au cours duquel une avionnette largua de la dynamite sur le village des Indiens cint.

D’autres exemples relatent l’empoisonnement de centaines d’Indiens avec du sucre mêlé d’arsenic ou bien des méthodes de torture employées contre les Indiens, comme celle qui consistait à écraser lentement les chevilles des victimes avec un instrument connu sous le nom de ‘tronc’.

jeudi, avril 25, 2013

Message de mobilisation pour le 10 Mai…





8 Mai, 14 Juillet, 11 Novembre, autant de dates distribuées par le calendrier à des citoyens peu soucieux  de faits historiques, qui consommeront ces jours comme temps de repos visé par le Code du travail.

 Un exemple… demandez à une personne la signification de la fête du 14 Juillet, et elle vous répondra sans hésitation…La prise de la Bastille, c’est faux.

 Si en ce 14 Juillet 1789, le peuple de Paris en colère contre Louis XVI, et la monarchie, prit d’assaut cette forteresse censée retenir prisonniers les victimes des lettres de cachet, elle était vide et le Gouverneur de Launay, présent paya de sa personne, avec sa tête au bout d’une pique, déambulant dans les rues de Paris.

Un an après le 14 Juillet 1790 se tiendra au Champs de Mars ( Paris) la grande réunion baptisée…Fête de la Fédération, sous la présidence de l’Evêque d’Autun, monsieur de Talleyrand, futur ministre des affaires étrangère de l’Empereur Napoléon, diplomate hors du commun.

Et donc chaque année c’est bien ce 14 Juillet 1790 devenue fête nationale par une loi 6 Juillet 1880, dont je vous fais grâce des débats houleux qui ont précédé ce vote, qui est commémoré.

Chacun donc à sa vision de l’Histoire, en la manipulant souvent à son profit, or j’ai toujours considéré que cette date du 14 Juillet 1790 marquait la naissance de la Bourgeoisie triomphante, placée à droite de l’échiquier politique.

Mais dans une société fortement marquée par cette forme de monaco-républicaine avérée, ce dysfonctionnement historique passe inaperçu voir même toléré, dès lors que de nos jours, il est difficile de faire le distinguo entre une gauche, supposée humaniste et solidaire, face à une droite qualifiée autoritaire et individualiste, car ce sont les valeurs de la République, et le comportement républicain qui sont partis malgré les discours trompeurs, remplacés par la lâcheté,  l’hypocrisie et la malhonnêteté intellectuelle.

Et le 10 Mai dans tout ça, une date qui devrait avoir la même signification symbolique politique et historique que celles évoquées ci-dessus.

Contrairement à ce que pourraient supposer certains, ce n’est pas une date de commémoration de fin de la Traite négrière transatlantique et l’Esclavage, mais un jour de mémoire et de souvenir imposé par la loi à tous les citoyens de ce pays pour rappeler les heures sombres de leur Histoire, caractérisée par une exploitation de l’homme par l’homme, une déportation massive durant plus de 350 ans de millions d’Africains vers un destin de malheur et d’humiliation, par le travail forcé pour la richesse des autres.

Et cette loi du 10 Mai 2001 n’est pas exemptée de critiques dès lors qu’elle ne désigne pas d’une façon formelle les Nations ayant eu recours à ces pratiques, à savoir par lettre alphabétique.. L’Espagne, la France, la Hollande  le Grande Bretagne, le Portugal...

Imaginez une Cour d’Assises condamnant un prévenu à perpétuité, sans aveu, sans cadavre, sans mobile et sans l’arme du crime…  

Et donc à Lyon, nous placeront cette date à la hauteur de sa dimension historique par/

  Un rassemblement avec  lecture de textes

   Une retraite au flambeau  suivant un circuit autorisé par arrêté préfectoral

   Une soirée culturelle à la Mairie de Lyon 3 è

Le principe d’une messe a été abandonné en raison d’impératifs horaires

Enfin les communautés caribéennes et africaines n’ont ni la culture ni les moyens pour inonder les écrans de cinéma de  télévision de leur douloureuse Histoire, transformant ces drames en fonds de commerce, mais où est l’éthique dans tout ça

Ils savent se souvenir autrement…

Bonne journée 
  
Léonce
          

mercredi, avril 24, 2013

Commémoration de l’esclavage 10 mai 2013


Il est temps de se prendre en charge et de se rassembler !

  

par Claude Ribbe

La loi Taubira, votée en 2001, a permis de fixer une date : le 10 mai, journée de commémoration de l’esclavage. En France hexagonale et aussi en Corse où moururent plusieurs centaines de patriotes déportés en 1802 par Bonaparte, l’homme glorieux qui a remis l’outre-mer en esclavage.
 
Cette loi, pourtant symbolique, est ouvertement contestée depuis 12 ans par une frange de racistes de tous bords qui demandent régulièrement l’abrogation des lois « mémorielles ».  Surtout de celle qui concerne les Afro-descendants .
 
Une division sciemment organisée depuis 2006
 
D’autres, plus subtils, s’attachent à minimiser la portée pratique de la loi Taubira en tentant de faire de la journée du 10 mai l’anniversaire de l’octroi de la liberté par les bourreaux à leurs victimes.
 
Ceux-là, tous les 10 mai depuis 2006, organisent la division en multipliant de prétendues actions commémoratives en région parisienne pour que les Afro-descendants apparaissent divisés, insignifiants, en un mot dominés.
 
Mais les descendants d’esclaves n’ont pas à dire merci. La liberté ne s’octroie pas. Elle est le propre de l’humanité.
 
Les esclaves n’ont jamais été libérés par la République française. La République française  n’a fait que prendre acte de leur résistance qui n’a jamais cessé.
 
La logique de l’esclavage était d’aboutir à une mort rapide de l’esclave et à son remplacement. Tout survivant était, du fait même de son existence, un résistant.
 
Les descendants d’esclaves en sont la preuve vivante. Ils doivent être fiers de leurs ancêtres.
 
Tous les 10 mai le même scénario : la parole confisquée aux associations.
 
La forme de la commémoration est bien souvent consternante : des politiques non-descendants d’esclaves disposant d’une parole «officielle» systématiquement confisquée aux descendants d’esclaves auxquels le système de représentation ne permet pas de se faire entendre dans les assemblées, ni dans les médias, sauf allégeance à un système dont le racisme est caricatural.
 
Un système où le nègre, pour inspirer confiance, doit être le plus incompétent, le plus bête, le plus négatif possible à l’égard de ses frères et sœurs. La France ne s’est jamais débarrassée de ses vieilles lunes paternalistes et coloniales.
 
Les descendants d’esclaves ne peuvent être représentés que par leurs associations, lesquelles sont ouvertement méprisées des politiques de tous bords qui n’y voient que des instruments électoraux.
 
On aura tout enduré : jusqu’aux descendants d’esclavagistes se faisant passer pour des descendants d’esclaves et tentant, sans qualification, mais par la seule autorité du népotisme, de faire de la mémoire de l’esclavage un monopole rémunérateur.
Des descendants d’esclavagistes poussant à la politique du pire qui consiste à agiter, sans débat préalable dans le cadre des institutions, le spectre des réparations afin de discréditer à jamais dans l’opinion l’aspiration des Français descendants d’esclaves à un minimum de respect.
 
Les Africains, pourtant victimes, désignés comme coupables.
 
La commémoration de l’esclavage négrophobe, reconnu en 2001 crime contre l’humanité, ne peut s’accorder avec le révisionnisme qui rejette la faute sur les Africains et désigne une infime poignée de collaborateurs comme les responsables d’un crime pourtant organisé depuis l’Europe et  l’Amérique coloniale.
 
La commémoration de l’esclavage négrophobe ne peut être l’occasion de stigmatiser telle ou telle religion, en particulier l’Islam. Si l’Islam a pratiqué l’esclavage, cela ne s’est jamais produit d’une manière qui puisse être comparée aux pratiques racistes et déshumanisantes organisées de manière génocidaire par les autres religions monothéistes à partir du XVe siècle.
 
La commémoration de l’esclavage négrophobe ne peut être l‘occasion de banaliser l’esclavage transatlantique en comparant ce crime déshumanisant et raciste perpétré à grande échelle par l’Europe et  l’Amérique avec des formes de servitude antiques, médiévales ou contemporaines qui, tout en étant atroces et condamnables, n’ont rien à voir.
 
La prétendue « concurrence des mémoires » invoquée par les racistes.
 
La commémoration de l’esclavage négrophobe n’a pas à susciter la crainte des représentants des victimes d’autres crimes contre l’humanité. Tout crime contre l’humanité est unique. Et aucun crime n’est plus unique qu’un autre, tout simplement parce que l’humanité est une et indivisible.
 
En mai 2012, les descendants d’esclaves, dont les suffrages n’appartiennent à personne, ont librement et massivement voté, non pas pour un homme ou un parti, mais pour le changement.
 
La persistance de l’idéologie de la race dans la constitution de la République.
 
Le symbole le plus évident de ce changement, qui ne coûte rien à l’État et ne peut léser que les racistes,  est la suppression du mot de «race» de l’article 1 de la constitution de la République française. Cette suppression, annoncée dans le cadre de la campagne électorale du candidat socialiste, devait être portée devant le Parlement dès le lendemain de l’élection.
 
Un an plus tard, on peut espérer que le Président de la République n’a pas oublié ses promesses vis-à-vis des descendants d’esclaves.
 
 
Le général Dumas toujours discriminé plus de deux siècles après sa mort.
 
Outre Atlantique, l’histoire du général Dumas est ouvertement évoquée dans le dernier film de Tarantino et vaut un prix Pulitzer à un biographe. À Paris, c’est toujours un refus de Légion d’honneur pour délit de gueule. D’aucuns vont jusqu’à tenter de le dissocier de la mémoire de l’esclavage.
 
En réponse à ces injustices, rassemblement unitaire et populaire à 18 heures le 10 mai 2013 place du général-Catroux Paris 17e métro Malesherbes.
 
Dans ces conditions, on ne peut que s’écrier : non au révisionnisme, non au racisme, non aux tentatives de récupération de la mémoire de l’esclavage !
 
Ne craignons pas d’être considérés comme «incontrôlables» par les esprits qui se déclarent négrophiles parce qu’au fond d’eux-mêmes ils ne supportent les descendants d’esclaves qu’enchaînes dans leurs têtes.
 
La date du 10 mai appelle à se rassembler et à se prendre enfin en charge.
Toutes celles et tous ceux qui se sentent concernés, au lieu de se diviser, doivent converger vers un rassemblement populaire  autour d’un symbole non pas octroyé, mais obtenu de haute lutte à l’issue d’un combat opiniâtre.
 
En ce sens, les chaînes brisées de la place du général-Catroux sont le pôle d‘attraction incontournable pour toute cérémonie populaire rendant hommage aux esclaves et à leurs descendants.
 
Elles permettent, à travers un héros toujours discriminé malgré les promesses de changement - le général Dumas - de réunir des Français de toutes couleurs, de toutes croyances et de toutes opinions autour d’un héros républicain né esclave et encore victime  des séquelles de l’esclavage.
 
Car si la République, sous des prétextes fallacieux, refuse la Légion d’honneur à un héros de la trempe du général Dumas - qui est honoré outre Atlantique - on peut imaginer le mépris qu’elle peut avoir pour tous les anonymes discriminés.

C’est pourquoi toutes les associations, quelles que soient leurs divergences, doivent relayer cet appel pour que leur présence,

place du général-Catroux à Paris 17e, métro Malesherbes, ligne 3, le 10 mai 2013 à 18 heures,  

témoigne de la résistance à la négrophobie, au racisme et au mépris.

mercredi, avril 17, 2013

HISTORIQUE DU QUAI DE MARIGOT (Martinique)


Le quai de Marigot fait partie intégrante de l’histoire de l’Usine du Lorrain (1889-1955) qui joua, à l’époque, un rôle considérable dans le développement économique et social de la commune et de la région. Fondée le 03 janvier 1889 par Pierre Guillaume ASSIER DE POMPIGNAN, principal actionnaire et premier administrateur de l’Usine, Ingénieur des Arts et Manufactures, l’Usine du Lorrain se situait sur le territoire de Marigot à environ 3 kilomètres de son bourg, dont les ruines sont visibles jusqu’à nos jours. A l’origine, le quai de Marigot possédait un appontement en bois dont l’autorisation de construction fut délivrée par Marie Alexis Emmanuel ANICET, 1er Maire de la Commune de 1889 à 1900. Le 05 novembre 1908, Pierre Guillaume ASSIER DE POMPIGNAN, reçoit l’autorisation du gouverneur FOUREAU de construire un appontement-môle en maçonnerie avec pieux et poutrelles métalliques portant une voie ferrée, pour l’embarquement des produits de la région (rhum et sucre) et le débarquement des approvisionnements destinés à la dite Usine. Le train devait s’y engager en marche arrière. Les barques acheminaient les marchandises jusqu’à des bateaux mouillant au large pour être chargés avant de faire voile vers leurs destinations. Trois pirogues effectuaient des navettes Marigot-Trinité et Marigot-Fort de France pour le transport des produits et du matériel. De même que les usines de Vivé, Sainte-Marie, Bassignac, l’Usine du Lorrain utilisera un bateau magasin nommé « Dock » pour servir au transport de son sucre à destination de Trinité. Plusieurs hangars de stockage furent construits le long de la rivière en bordure de mer. L’actuel Restaurant « Le Ghetto », situé non loin de ce quai est un ancien entrepôt de sucre de l’Usine du Lorrain. L’ouvrage, dont la longueur était de 50 mètres à partir de la lame, possédait une partie en raccord au rivage de 15 mètres. Cet appontement avait un axe longitudinal dans la direction N. 85° et 30° E et était raccordé à la voie ferrée de l’Usine. La plate-forme d’une largeur de 1m80 était, à la côte, 2m50 au dessus du niveau de la mer. Vendant ses actions et une partie de ses terres dans le courant de l’année 1916, Pierre Guillaume ASSIER DE POMPIGNAN se fit remplacer aux fonctions d’administrateur par son gendre Jean-Baptiste Marie Léon BALLY. L’usine du Lorrain deviendra la propriété de la famille BALLY qui en assurera l’administration pendant près de 40 ans. La fermeture de l’Usine du Lorrain en 1955, conséquence d’une conjoncture économique, sociale et technique, provoque la désaffection de l’appontement, devenu depuis un lieu de promenade unique en Martinique pour les amoureux et autres amoureux de la mer.

Affaire des frères de Jaham



Deux planteurs, les frères Jaham, habitants de Champ-Flore, à deux lieues de Fort-Royal, ont fait subir à des nègres des tortures qui dépassent tout ce que l’imagination peut concevoir. Leur procès, qui restera dans les monstrueuses annales de la servitude, constate des faits que l’on ne voudra pas croire en Europe.

C’est par la mère d’un enfant assassiné, que l’on a su cet atroce épisode de l’esclavage ; égarée par le désespoir, elle vint à Fort-Royal, criant au milieu des rues : «Mon maître a tué mon fils ! mon maître a tué mon fils !»
Audience du 18 décembre 1845.

La grave accusation qui était dirigée contre deux jeunes créoles, les frères Octave et Charles de Jaham, avait vivement excité l’attention publique, et un nombre considérable de curieux se pressait dans l’enceinte de la Cour.
Rosette avait trois enfants ; elle était enceinte de quatre mois, lorsqu’au mois de juillet elle vint se plaindre au Parquet. Les faits reprochés à Octave Jaham en particulier :

1° d’avoir infligé à Rosette, enceinte, des coups de fouet, le corps mis à nu, coups qui ont occasionné des lésions de l’épiderme avec effusion de sang, et d’avoir fait imprégner les blessures saignantes de citron et de piment ;

2° d’avoir, quelques jours après, renouvelé le même châtiment, parce que Rosette n’était pas remonté assez tôt de la ville, où elle avait été envoyée vendre du charbon ;

3° d’avoir tenu aux fers Gustave, malade, dans un parc à veaux, ouvert à tous les vents ;

6° d’avoir accablé de chaînes et de fers le petit Jean-Baptiste, âgé de douze ans ;

7° d’avoir ainsi occasionné la mort, sans intention de la donner, de Jean-Baptiste et de Gustave ;

8° d’avoir frappé et fait frapper Vincent, âgé de six ans, d’une manière excessive, et lui avoir causé une maladie de plus de vingt jours.
L’accusation reproche aux deux frères, en commun, d’avoir complètement négligé la nourriture et l’entretien, et d’avoir fait avaler à leurs esclaves des excréments d’hommes et d’animaux mélangés…
Résumons les faits.
D’un côté, l’accusation du maître : vol de quelques ignames, marronnage, insolence ;

De l’autre, une femme grosse, fouettée jusqu’à ce qu’on tue dans son sein une pauvre créature, torturée avant que de naître ; trois enfants si cruellement traités que deux y perdent la vie.

Et un verdict d’acquittement ! 

V. Schoelcher, « Histoire de l’esclavage pendant les deux dernières années », Paris, 1847.

lundi, avril 01, 2013

Pourquoi les crabes le lundi de paques aux Antilles (Martinique-Guadeloupe) ?


Pendant l'esclavage, l'Eglise imposait le carême aux esclaves, si bien que la viande (salée) leur était proscrite. 

Toutes les habitations avaient donc à cette époque son stock de crabes à l'occasion, vu qu'on considérait ces petites bestioles comme nourriture maigre. Le dimanche de pâques, tout le monde avait coutume de se réunir dans les rues case-nègres pour écouler le trop-plein de crabes. 

Après l'abolition, les niveaux de vie s'étant un peu améliorés (mais aussi par snobisme car on se sentait indigent de manger cette nourriture d'esclave un 'gros' dimanche de pâques), les affranchis prirent l'habitude de manger des coqs, du mouton, en ce jour de la naissance du Christ, reléguant les crabes au lundi de pâques à partir de 1884, vu que ce jour était de nouveau devenu férié.