mardi, avril 12, 2011

AIMÉ CÉSAIRE, ET APRÈS?


Hommage a été rendu à Aimé Césaire, la semaine dernière. On ne peut que s’en réjouir. La cérémonie fut belle, émouvante et solennelle. Cependant, quelques détails ont en partie terni la joie de cette circonstance.


Pour commencer, le service public fut un peu en dessous de lui-même: pour l’occasion, France Télévisions avait invité des chanteurs, des gens sympathiques, certes, mais pas toujours bien informés, car il n’y avait aucun expert d’Aimé Césaire sur le plateau. Aurait-on agi de même s’il s’était agi de Camus, par exemple? 

Du coup, les approximations et les erreurs furent nombreuses, personne ne put définir clairement le concept de négritude, et M. Jean-Marie Rouart, dont on ne sut jamais à quel titre il figurait sur le plateau, se demanda publiquement si Césaire méritait d’aller au Panthéon, compte tenu de ses attaques envers les valeurs de la France et de l’Occident en général (sic)! Et dire qu’on avait réussi à éviter Eric Zemmour…


On l’aura sans doute remarqué, dans son discours, Nicolas Sarkozy exalta longuement le poète, mais fut moins éloquent quant à l’homme politique, celui qui avait farouchement combattu le racisme, le colonialisme et le capitalisme. Par ailleurs, poursuivant cette logique d’euphémisation, il affirma qu’Aimé Césaire était opposé aux réparations, puisque l’esclavage avait été un crime «irréparable». Or, il est vrai que Césaire, dans ses entretiens avec Françoise Vergès, avait affirmé: «je le répète, pour moi, c’est irréparable»

Mais sa position était beaucoup plus complexe et ambiguë que cela sur le sujet, car il affirmait aussi, quelques lignes plus loin: «Je crois que l’Afrique a droit moralement à une réparation. Essayons d’employer d’autres termes… Bon, on va croire que je suis contre la réparation. Je pense que les Européens ont des devoirs envers nous, comme à l’égard de tous les malheureux, mais plus encore à notre égard, pour des maux dont ils sont la cause. C’est cela que j’appelle réparation, même si le terme est plus ou moins heureux.» 


On conviendra, à la lecture des quelques lignes, qu’il est difficile de déclarer qu’Aimé Césaire était opposé aux réparations, comme Nicolas Sarkozy l’expliqua de manière unilatérale dans son discours. Que l’on soit pour ou contre les réparations, il est certain que Nicolas Sarkozy a faussé la pensée de Césaire sur ce point.


Mais au-delà de ces reproches, il faut saluer la décision prise par Nicolas Sarkozy: cette plaque au Panthéon était justifiée, elle était nécessaire. La cérémonie était belle, le discours était fort. Mais il faudrait aller plus loin. Le 10 mai approche à grands pas. A l’occasion de cette journée de commémoration de l’esclavage et de l’abolition, le chef de l’Etat devrait aller plus loin, et annoncer le lancement des travaux devant aboutir à la création du musée de l’esclavage. Cette promesse de la république fut sans cesse négligée, voire trahie.


Aimé Césaire l’aurait voulu, Edouard Glissant y avait travaillé, ceux qui aiment la liberté l’exigent. M. le Président, lancez dès le 10 mai le musée national de l’esclavage que nous attendons tous!

Louis-Georges Tin

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