jeudi, mars 31, 2011

POURQUOI UN FRONT UNI POUR DÉFENDRE LA LOI TAUBIRA ? RDZ 9 avril 15 h



Madame, Monsieur, Cher (e) membre du CM98,

LE 23 mai 1998, à l’occasion du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, 300 associations antillaises, guyanaises et réunionnaises rassemblent 40.000 personnes entre les places de la République et de la Nation pour honorer la mémoire de leurs Aïeux esclaves. Cette marche marque le début du combat des Français descendants d’esclaves pour que la Nation rétablisse dans leur dignité et leur honneur les esclaves de la France.


Devant cette mobilisation, le parlement français vote le 10 mai 2001, la loi dite Taubira, officialisée le 23 mai 2001, tendant à reconnaître la traite négrière et l’esclavage colonial comme un crime contre l’Humanité. Suite à cette loi et à la mobilisation qui ne faiblit pas, le gouvernement publie le 29 avril 2008, une circulaire instituant la journée nationale du 10 mai commémorant l’abolition de l’esclavage et la journée du 23 maidédiée spécifiquement en France hexagonale à la mémoire des victimes de l’esclavage colonial.


Ces conquêtes citoyennes résultant des luttes des associations antillaises, guyanaises et réunionnaises sont aujourd’hui menacées par des forces nostalgiques d’une France « monochrome », « uni-race » refusant le caractère multiple de l’identité française.


C’est ainsi que le 2 mars 2011, le chroniqueur Erick ZEMOUR, condamné avec sursis, le 18 février, à 2000 euros d’amende pour provocation à la discrimination raciale, reçoit une ovation des députés de l’UMP réunis à l’assemblée nationale lorsqu’il propose de supprimer les lois mémorielles ainsi que les subventions aux associations anti-racistes.


Le lendemain, 3 mars 2011, c’est au tour de Christian VANESTE, député UMP du Nord, de déclarer sur le site « le nouvel observateur.com », que : « la loi Taubira est une honte pour notre pays, une honte pour la liberté d'expression dans notre pays. Il faut la supprimer tout de suite. C'est une loi anti-française ».


Ces personnes considèrent que toute date de commémoration de l’esclavage, que ce soit celle de l’abolition (10 mai) ou celle en mémoire des victimes (23 mai) doit être supprimée. Pour le conseil d’administration du CM98, il s’agit d’une déclaration de guerre contre les acquis de nos combats depuis plus de 10 ans.
En dépit des divergences qui ont opposé le CM98 au CPME (CPMHE) de 2004 à 2008 sur la question des dates et des concepts qu’il véhiculait, malgré les réserves que nous avons sur la loi Taubira (voir site), nous avons décidé de construire avec Le CPMHE (Comité pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage) un front uni contre ces forces racistes.


Nous avons entamé des discussions avec sa présidente, Mme VERGÈS, pour qu’en cette année 2011, 10ème anniversaire de la loi Taubira, les descendants des esclaves de la France soient unis pour faire entendre leur détermination à conserver les acquis de toutes ces années de lutte.


Nous avons envisagé d’être présents le 10 mai à la cérémonie officielle qui se fera en présence du Président de la République. À la différence du 10 mai 2008, où nous étions présents en spectateurs, nous amènerons nos parents avec nous de façon à ce que la République les honore comme il se doit.


De même, le CPMHE participera activement à la cérémonie du 23 mai et aux autres manifestations organisées par le CM98.


Nous montrerons par là, que nous savons aujourd’hui l’importance d’une identité, la force de la mémoire et qu’aucune force ne nous fera reculer. Nous nous sommes levés avec eux et pour eux le 23 mai 1998. Nous resterons debout.

Une série de manifestations communes et d’interventions dans la presse auront lieu durant les mois d’avril et de mai.


La première est une réunion publique que le CM98 organise le samedi 9 avril à partir de 15 heures à Paris (la salle est encore à confirmer) et dans laquelle Françoise VERGÈS et moi-même interviendront.

Nous vous savons mobilisés. Nous comptons sur vous pour être debout et présents tout au long de cette campagne.

Nou sé dé Lanmèkannfènèg
Vive le 23 mai !

Pr Serge ROMANA
Président du CM98

POURQUOI UN FRONT UNI POUR DÉFENDRE LA LOI TAUBIRA ? RDZ 9 avril 15 h

Madame, Monsieur, Cher (e) membre du CM98,

LE 23 mai 1998, à l’occasion du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, 300 associations antillaises, guyanaises et réunionnaises rassemblent 40.000 personnes entre les places de la République et de la Nation pour honorer la mémoire de leurs Aïeux esclaves. Cette marche marque le début du combat des Français descendants d’esclaves pour que la Nation rétablisse dans leur dignité et leur honneur les esclaves de la France.
Devant cette mobilisation, le parlement français vote le 10 mai 2001, la loi dite Taubira, officialisée le 23 mai 2001, tendant à reconnaître la traite négrière et l’esclavage colonial comme un crime contre l’Humanité. Suite à cette loi et à la mobilisation qui ne faiblit pas, le gouvernement publie le 29 avril 2008, une circulaire instituant la journée nationale du 10 mai commémorant l’abolition de l’esclavage et la journée du 23 maidédiée spécifiquement en France hexagonale à la mémoire des victimes de l’esclavage colonial.
Ces conquêtes citoyennes résultant des luttes des associations antillaises, guyanaises et réunionnaises sont aujourd’hui menacées par des forces nostalgiques d’une France « monochrome », « uni-race » refusant le caractère multiple de l’identité française.
C’est ainsi que le 2 mars 2011, le chroniqueur Erick ZEMOUR, condamné avec sursis, le 18 février, à 2000 euros d’amende pour provocation à la discrimination raciale, reçoit une ovation des députés de l’UMP réunis à l’assemblée nationale lorsqu’il propose de supprimer les lois mémorielles ainsi que les subventions aux associations anti-racistes.
Le lendemain, 3 mars 2011, c’est au tour de Christian VANESTE, député UMP du Nord, de déclarer sur le site « le nouvel observateur.com », que : « la loi Taubira est une honte pour notre pays, une honte pour la liberté d'expression dans notre pays. Il faut la supprimer tout de suite. C'est une loi anti-française ».
Ces personnes considèrent que toute date de commémoration de l’esclavage, que ce soit celle de l’abolition (10 mai) ou celle en mémoire des victimes (23 mai) doit être supprimée. Pour le conseil d’administration du CM98, il s’agit d’une déclaration de guerre contre les acquis de nos combats depuis plus de 10 ans.
En dépit des divergences qui ont opposé le CM98 au CPME (CPMHE) de 2004 à 2008 sur la question des dates et des concepts qu’il véhiculait, malgré les réserves que nous avons sur la loi Taubira (voir site), nous avons décidé de construire avec Le CPMHE (Comité pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage) un front uni contre ces forces racistes.
Nous avons entamé des discussions avec sa présidente, Mme VERGÈS, pour qu’en cette année 2011, 10ème anniversaire de la loi Taubira, les descendants des esclaves de la France soient unis pour faire entendre leur détermination à conserver les acquis de toutes ces années de lutte.
Nous avons envisagé d’être présents le 10 mai à la cérémonie officielle qui se fera en présence du Président de la République. À la différence du 10 mai 2008, où nous étions présents en spectateurs, nous amènerons nos parents avec nous de façon à ce que la République les honore comme il se doit.
De même, le CPMHE participera activement à la cérémonie du 23 mai et aux autres manifestations organisées par le CM98.
Nous montrerons par là, que nous savons aujourd’hui l’importance d’une identité, la force de la mémoire et qu’aucune force ne nous fera reculer. Nous nous sommes levés avec eux et pour eux le 23 mai 1998. Nous resterons debout.

Une série de manifestations communes et d’interventions dans la presse auront lieu durant les mois d’avril et de mai.
La première est une réunion publique que le CM98 organise le samedi 9 avril à partir de 15 heures à Paris (la salle est encore à confirmer) et dans laquelle Françoise VERGÈS et moi-même interviendront.

Nous vous savons mobilisés. Nous comptons sur vous pour être debout et présents tout au long de cette campagne.

Nou sé dé Lanmèkannfènèg
Vive le 23 mai !

Pr Serge ROMANA
Président du CM98

mardi, mars 29, 2011

L'exposition des Outre-mer au Jardin d'acclimatation est un scandal

"Nous n'irons pas à l'exposition coloniale" écrivaient les Surréalistes en 1931 en boycottant l'apothéose impériale qui s'ouvrait à Vincennes. Quatre-vingt ans plus tard, quasi jour pour jour, nous sommes nombreux à dire que "nous n'irons pas au Jardin d'acclimatation" à l'invitation de l'Année des outre-mer pour y "visiter" les cultures ultramarines à partir du 8 avril.
Alors que le zouk a été à l'honneur au Zénith dans le cadre des Nuits tropicales et que l'exposition "Aimé Césaire, Lam, Picasso" a été inaugurée au Grand Palais, une polémique éclate sur une des manifestations majeures programmées dans le cadre de l'Année des outre-mer. De fait, les organisateurs et le ministère de l'outre-mer (rattaché au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration) ont prévu de regrouper à partir du mois d'avril au Jardin d'acclimatation les différentes populations des outre-mer (dans le cadre d'"Un jardin en outre-mer"), dans ce lieu de mémoire et d'histoire, qui de 1877 (avec des Nubiens) jusqu'en 1931 (avec les "Kanaks cannibales") fut un des lieux majeurs d'exhibitions de "sauvages" avec notamment celle des Amérindiens de Guyane (Ka'lina) en 1892 qui se termina par la mort sur place de plusieurs "exhibés".
Ces exhibitions ethniques, organisées par des impresarios privés, que l'on désigne habituellement sous le nom de zoos humains, ont été organisées régulièrement au Jardin d'acclimatation, puisque trente-quatre troupes de "sauvages", et même des "nains", ont été exhibées devant des millions de visiteurs pendant plus d'un demi-siècle. La dernière "troupe" a été présentée en 1931 (à l'initiative de la Fédération française des anciens coloniaux) : il s'agissait de "Kanaks cannibales" notamment des membres de la famille de Christian Karembeu, récit douloureux évoqué dans son livre Kanak (La Martinière, 2011). Ironie de l'histoire, les "manifestations" prévues en 2011 dans le Jardin "zoologique" d'Acclimatation se termineront au début du mois de mai, date commémorative (80e anniversaire) de l'immense exposition coloniale de Vincennes.
Des élus de Guyane se sont déclarés offensés de cette programmation et du choix de ce lieu symbolique à la suite de l'émotion de nombreux Amérindiens (Ka'lina). De nombreuses personnalités et chercheurs se sont également indignés et ne comprennent pas la décision des organisateurs, qui devraient très bien connaître cette histoire, décrite notamment dans l'ouvrage collectif Zoos humains. Aux temps des exhibitions humaines publié en 2004 (La découverte, 2004). En outre, aucun des chercheurs travaillant sur la question n'a été à ce jour contacté pour apporter conseil et expertise quant à l'opportunité d'un tel choix ou, au minimum, sur l'organisation d'un programme pédagogique devant expliquer l'histoire de ce lieu.
La réaction de la ministre des outre-mer, Marie-Luce Penchard qui répond à Christiane Taubira, affirme que cette "année des outre-mer ne doit pas être l'occasion que chacun puisse interpréter l'histoire" et assimilant ces critiques à une"opération de destruction", est sidérante. La ministre  ne voit dans ces critiques que menées "électoralistes" et ne semble pas prendre la mesure, selon les membres du collectif "Nous n'irons pas…", des enjeux historiographiques et mémoriels d'une telle installation dans le Jardin d'acclimatation. Daniel Maximin, écrivain et commissaire de l'Année des outre-mer, dans un communiqué publié le vendredi 4 mars sur Tahiti Info rappelle que cette initiative est venue d'une "proposition des responsables du Jardin d'acclimatation" et que "l'idée leur avait été soufflée par les salariés ultramarins du Jardin". Argumentaire repris par le directeur du Jardin d'acclimatation dans l'émission "Toutes les France" sur France Ô, Marc-Antoine Jamet, qui est en outre le secrétaire général de LVMH dont la fondation sur l'art contemporain doit être installée prochainement sur le site. On reste hautement dubitatif devant le processus qui aurait conduit à cette programmation et le manque d'anticipation des responsables du Jardin d'acclimatation autour de la manifestation. On apprend également que cette manifestation vise en priorité les familles et les enfants, et qu'à leur intention aucune action pédagogique n'est envisagée par les organisateurs, ni par le Jardin d'acclimatation, ni par le partenaire majeur de la manifestation le groupe Bernard Hayot, (principal acteur économique aux Antilles dans le domaine de la grande distribution) qui par la voix de son responsable pour l'opération souhaite avec cette manifestation toucher "350 000 à 400 000 personnes".
Tristes tropiques… L'inquiétant dans de telles prises de position, est que les programmateurs de cette année des outre-mer ne prennent conscience que maintenant de l'impact symbolique du lieu et annoncent dans la précipitation que des débats. Nous avons emprunté le titre de cet article à Claude Lévi-Strauss et nous invitons les organisateurs à méditer un de ses textes : "Jamais mieux qu'au terme des quatre derniers siècles de son histoire l'homme occidental ne put-il comprendre qu'en s'arrogeant le droit de séparer radicalement l'humanité de l'animalité, en accordant à l'une tout ce qu'il retirait à l'autre, il ouvrait un cycle maudit, et que la même frontière, constamment reculée, servirait à écarter des hommes d'autres hommes…"
En outre, et cela mérite d'être signalé ici, l'exposition en préparation depuis dix-huit mois pour le Musée du quai Branly ("Exhibitions. L'invention du sauvage") porte explicitement sur ce thème et sur l'ensemble des pays concernés. Or, cette exposition est l'une des rares manifestations du musée qui ne soit pas soutenue par l'Année des outre-mer, ce qui risque d'ajouter à la confusion. De même, pas de présentations spécifiques sur la mémoire du lieu ou sur son histoire pour accompagner les festivités (ni sur le site du ministère, ni dans le programme officiel, ni sur le site du Jardin d'acclimatation où doit être prochainement installé le Musée d'art contemporain de la Fondation Vuiton, ni sur celui de la ville de Paris propriétaire du lieu). Rien…
Le seul argumentaire de Daniel Maximin est d'affirmer que le "présent" permettra d'effacer ce "passé"… Cela ne nous semble guère pertinent, si suffisant, ni même respectueux du passé. Dans un tel contexte, il serait légitime et bienvenu de reconnaître, tout simplement, que l'on a pu se tromper (Daniel Maximin et le directeur du Jardin d'acclimatation ont clairement tenté de démontrer le contraire le vendredi 11 mars sur France Ô) et il faudrait prendre toute la mesure de la puissance symbolique du lieu, démarche plus constructive que de lancer des anathèmes envers les voix qui s'élèvent. Nous voulons croire que cette position défensive est la conséquence de l'absence de connaissance de cette facette de notre histoire, alors que le gouvernement chilien vient de rapatrier les corps des Fuégiens exhibés à Paris et en Suisse pour leur donner une sépulture officielle sur une terre qu'ils avaient quitté il y a plus d'un siècle.
Il est dangereux d'ignorer un tel passé. Il ne s'agit nullement de repentance, mais bien d'affirmer que la valorisation de la diversité culturelle issue des outre-mer ne peut faire l'impasse sur les pages sombres et ambigües de notre histoire. Les Kanaks, les Nubiens, les Sénégalais, les Ceylanais, les Achantis, les "Négresses à plateaux" (en 1929), les Galibis (en 1882 et 1892), les Fuégiens, les Omahas, les Araucans, les Hottentots (dans la continuité de la Vénus Hottentote), les Dahoméens, les Cosaques, les Caraïbes (avant leur extinction aux Antilles), la caravane égyptienne et ses populations du Moyen-Orient, les Peaux-Rouges, les Lapons, les Guinées, les Marocains, les Algériens et bien d'autres "exhibés" (femmes, hommes et enfants, à côté d'animaux), mesurés et étudiés par les savants, observés par les visiteurs derrière des barrières et des grillages, sont liées à une histoire complexe, souvent douloureuse. D'ailleurs, prenant la mesure de l'histoire, le président du conseil régional vient d'ailleurs de signer une motion, le lundi 14 mars, avec des chefs coutumiers Ka'lina, demandant un respect du passé et des "obligations de la France en matière des droits des peuples autochtones". Celle-ci comporte plusieurs points, et notamment qu'un monument et une plaque commémorative soient apposés dans le Jardin cette année. Une telle décision, qui devrait être également engagée par les conseils régionaux de Guadeloupe et de Martinique au sujet des Caraïbes exhibés, comme de la Nouvelle-Calédonie au sujets des Kanaks de 1931, souligne la nécessité d'une prise de conscience collective d'un tel passé.
Alors, oui, Mme la ministre, un minimum de vigilance s'impose. De toute évidence, si dans ce pays un musée de l'esclavage, de la colonisation ou des mondes ultramarins existait (comme le souhaitait dès 1993 le grand écrivain Edouard Glissant, qui vient de nous quitter), ce scandale eut pu être évité. Il ne reste que quelques jours pour déployer ce geste fort et mettre en place un véritable programme d'expositions et de conférences, programmer des débats télévisés et des films (plus de quinze documentaires existent), ouvrir les archives du jardin aux chercheurs et proposer des actions pédagogiques pour les scolaires… autour de l'histoire du jardin et des exhibitions ethniques.
Sinon, il serait souhaitable de choisir un autre lieu dans la capitale pour le Jardin des outre-mer.
L'histoire doit être regardée en face : point de repentance ni de rancœur, juste la tâche de transmettre l'histoire dans sa complexité, afin de ne pas reconduire les points aveugles qui minent notre "vivre ensemble". En 1998, Wole Soyinka, Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau signaient une déclaration où ils affirmaient : "Aucun lieu au monde ne peut s'accommoder du moindre oubli d'un crime, de la moindre ombre portée." Mme la ministre, M. le commissaire, vous pouvez prendre toute la mesure de la situation et profiter de cette Année des outre-mer pour les entendre, il est temps en cette année qui va rendre l'hommage de toute la nation à Aimé Césaire. Lui qui écrivait ces lignes, qui dans cette triste polémique trouvent toute leur actualité et méritent d'être méditées : "Le colonisateur, qui, pour se donner bonne conscience, s'habitue à voir dans l'autre la bête, s'entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en bête."

Le collectif "Nous n'irons pas…" regroupe des chercheurs, des responsables associatifs et culturels, des romanciers et des cinéastes. Nicolas Bancel, son porte-parole, est historien et professeur à l'Université de Lausanne. Il a codirigé l'ouvrage Zoos humains. Aux temps des exhibitions humaines (La Découverte, 2004).
Nicolas Bancel, historien

vendredi, mars 18, 2011

Ghana: le passé esclavagiste dope le tourisme grâce à l'effet Obama

CAPE COAST (Ghana) - La vue sur l'océan est imprenable, mais c'est le passé esclavagiste de la côte ghanéenne qui attire de plus en plus les touristes, en partie grâce au président américain Barack Obama qui a foulé cette terre en 2009.

 

Cape Coast Castle trône sur la côte ouest-africaine balayée par les vents. L'imposant fort blanchi à la chaux, bastion majeur de la traite négrière sur le continent africain, est devenu une véritable attraction touristique depuis que le président américain l'a visité en famille.

Barack Obama, dont l'épouse Michelle est descendante d'esclaves, avait choisi le Ghana pour sa première visite en Afrique sub-saharienne en juillet 2009. Il avait tenu à faire étape à Cape Coast Castle, site inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco.

"Nous ressentons dans cet endroit une profonde tristesse, mais d'un autre côté, nous avons le sentiment que c'est ici qu'a commencé le voyage de nombreux Afro-américains", avait commenté le président, évoquant "un moment d'émotion".

Les sombres donjons rappellent le sort cruel infligé à partir du XVIIe siècle à nombre d'Africains qui ont été retenus entre ces murs avant d'être embarqués comme esclaves vers les Amériques et les Caraïbes.
Cette triste période attire à Cape Coast Castle un nombre croissant de descendants d'esclaves, notamment nord-américains, ainsi que des férus d'histoire.

"C'est quelque chose que je veux voir une fois dans ma vie, c'est tellement fort", confie sur place Hannah Richardson-Smith, une touriste australienne.

"Depuis la visite du président Obama, nous constatons une hausse constante du nombre de visiteurs étrangers au Ghana", souligne le vice-ministre ghanéen du Tourisme Kobby Akyeampong.

Le nombre moyen de visiteurs annuels s'élève désormais à 748.000 contre 587.000 il y a deux ans, et l'objectif est d'atteindre le million de touristes, en partie grâce à "l'effet Obama". Le tourisme représente 6% du produit intérieur brut du Ghana.

Dans l'ancien fort, des guides racontent aux touristes comment les Africains, kidnappés dans leur village, ont été jetés dans des cachots exigus avant d'être "expédiés" par bateau vers les plantations du Nouveau Monde, de l'autre côté de l'Atlantique.
Construit au XVIIe siècle à environ 160 km à l'ouest de la capitale Accra, Cape Coast Castle était le plus important comptoir d'esclaves parmi les soixante forts, la plupart en ruines, qui jalonnaient les 300 km de la côte ghanéenne.

Un touriste afro-américain en visite à Accra, James Clarke, admet qu'il ne connaissait rien du Ghana si ce n'est les exploits de son équipe nationale de football. La visite d'Obama "m'a fait comprendre qu'il y a quelque chose d'intéressant dans ce pays que je dois voir par moi-même", raconte-t-il.

"La visite du président Obama en 2009 a permis de mettre l'accent sur le climat de sécurité générale du pays tout en mettant en valeur la riche histoire de cette nation et le rôle important qu'elle a joué dans le passé des Etats-Unis", commente Yaw Oduro-Frempong, analyste au sein du cabinet new-yorkais DaMina Advisors.

Parmi ses atouts, le pays est l'un des pays les plus stables d'une région marquée dans son histoire par des violences politiques et ethniques.
Le Ghana occupe aussi une place particulière dans l'histoire du continent, puisque l'ancienne colonie britannique est le premier pays d'Afrique sub-saharienne à avoir obtenu l'indépendance en 1957.

La découverte récente de pétrole pourrait en outre doper l'afflux de visiteurs étrangers, cette fois des investisseurs en voyage d'affaires.
Par AFP  

mercredi, mars 16, 2011

Franklin D Roosevelt, declaration sur Haiti


"Il faut constamment soulever les va-nu-pieds contre les gens à chaussures et mettre les gens à chaussures en état de s'entre-déchirer les uns les autres, c'est la seule façon pour nous d'avoir une prédominance continue sur ce pays de nègres qui a conquis son indépendance par les armes. Ce qui est un mauvais exemple pour les 28 millions de noirs d'Amérique."

DÉCLARATION SUR HAITI
Franklin Delano Roosevelt
Président des Etats-Unis.

jeudi, mars 10, 2011

Réponse de Christiane Taubira au sujet des manifestations organisées au jardin d’acclimatation dans le cadre de l’année des Outremers


Réponse au texte co-signé par Mrs Jean-Aubéric Charles et Jean-Pierre Jospeh ; Mme Tiwan Couchili 

Madame, Messieurs, 
Le texte que vous avez publié laisse apparaître que vous confondez le principe de participation aux manifestations de l’année des outremers avec les questions que peut soulever le lieu de certains évènements. 

Quoi que vous ayez envie d’écrire aujourd’hui, le Jardin d’acclimatation porte une forte charge symbolique. Quel que soit votre rapport personnel à cette histoire, la charge émotionnelle est intense, et toute ambivalence dans l’usage de ces lieux est délicate et périlleuse. Vous évoquez cette cérémonie d’Epekodonon qui eut lieu en 1996 au Parc Floral de Paris. Que n’avez-vous demandé que la manifestation de cette année se tienne dans ce lieu où les Chamans ont libéré les âmes. A moins de considérer qu’un lieu vaut pour tous les lieux. Dans ce cas, il n’y a plus de problème de lieu, et la cérémonie elle-même aurait pu se tenir n’importe où. 

Vous contestez « cette demande faite au nom de [votre] communauté ». Ce singulier me surprend, je sais les communautés amérindiennes plurielles. Mais comment prétendrais-je parler au nom de ces communautés, alors que vous-mêmes qui en êtes issus n’avez pas qualité pour le faire ? La preuve, c’est que d’autres, dont certains ont une légitimité démocratique bien supérieure à la vôtre, ne partagent pas votre indifférence sur la charge émotionnelle du lieu. Ce n’est pas au nom d’une ou de plusieurs communautés que j’ai formulé mon interpellation, c’est au nom de la dignité humaine. Elle est pour moi indivisible. 

Vous avez pardonné, dites-vous, « les erreurs du passé car les enfants ne doivent pas porter les péchés de leurs pères ». Je ne sais pas qui vous a demandé pardon, je ne sais pas non plus à quel titre vous pardonneriez, qu’avez vous souffert ? Et je ne suis pas dans le registre du péché, mais sur le champ des valeurs républicaines et de la responsabilité de l’Etat vis-à-vis des citoyens, quels qu’ils soient. Il est question de faire souvenir, vérité et justice au nom de ces ancêtres, d’exiger le respect de leur mémoire et le recueillement devant leurs souffrances. C’est ainsi que je comprends la protestation, que je salue avec estime, élevée par le maire d’Awala Yalimapo et d’autres personnalités amérindiennes. 

Vous avez débattu à l’Assemblée Nationale avec des « parlementaires nationaux, des membres du gouvernement français et de la mairie de Paris ». Que n’avez-vous réussi à les convaincre de ratifier la Convention 169 de l’OIF reconnaissant les communautés autochtones, et que ne parvenez-vous à les faire avancer sur l’accès aux savoirs traditionnels et le partage des avantages, le fameux programme APA. 

Soyez sans crainte, vous participerez à cette manifestation, au Jardin d’acclimatation ou ailleurs, et ceci pour trois raisons. D’abord parce que vous avez accepté d’en être et vous êtes souverains sur cette décision, nul ne songe à le contester. Ensuite parce que le gouvernement tient à une présence amérindienne, et peu importe que ses raisons soient louables ou équivoques. Enfin parce que personne ne demande ni l’annulation de cette manifestation ni la suppression de vos prestations. Le débat porte, et exclusivement, sur la symbolique du lieu. 

En août 1882, le grand Man Kavanaya Touseya, fils du grand Man Ayeramo récemment décédé, est exposé au Jardin d’Acclimatation avec sa famille, sa mère, sa femme, ses enfants, ses neveux et nièces. Les articles de l’époque décrivent leur kalenbé, leurs coiffures, leurs costumes d’apparat, leurs parures, les dessins au roukou sur leurs corps, leur carbet. Ils concluent que ce sont « les plus grands ivrognes de la terre et de grands paresseux ». En 1892, des Amérindiens Kalin’a devaient mimer, à l’aide d’os factices de tibias, des scènes d’anthropophagie. Les préjugés sont fréquents. Ils sont aussi tenaces. Mais le plus important est ce qu’il advint de certains d’entre eux, qui ne passèrent pas l’hiver en si léger équipage. C’est ce sort que nous estimons ne pas devoir laisser traiter comme s’il fut anodin. 

Vous parlez volontiers de valeurs, vous n’en définissez aucune. Parmi les valeurs qui me paraissent de grand secours par ces temps difficiles, il y a l’égale dignité des cultures. De ce postulat, je tiens et j’entretiens la conviction que, bien plus que dans la panoplie de bonne volonté du préfet, c’est dans le patrimoine culturel et social amérindien que se trouvent les meilleures réponses au désarroi et au mal-être qui produisent les pathologies et les actes de désespoir révélés ces dernières semaines. Nous en avons été ébranlés. 
Un groupe amérindien a participé à la grande parade du carnaval à Cayenne ce 6 mars. J’y ai vu une belle audace et j’en étais enchantée. Je pense qu’ils ne doivent s’interdire aucun espace, renoncer à aucune expérience, et je crois leurs cultures assez vigoureuses pour oser tous les contacts. J’eus cependant un haut-le-cœur en lisant la banderole. Elle mentionnait ‘Culture primitive’ ! J’y vois le signe du travail qu’il reste à faire pour retrouver l’estime de soi. 
Je ne doute pas que vous aurez le souci d’y prendre votre part. 

Vous voyez que ce n’est pas là une affaire de « bon sens d’élus ». 


Christiane Taubira 
Députée de Guyane, Commission des Affaires étrangères 

Ce 6 mars 2011. 

Le Jardin de la négation


Même dans leurs rêves les plus fous, les idéologues de la colonisation et de l’assimilation n’auraient pu envisager atteindre un tel degré de soumission à leurs thèses, un tel déni de soi, de la part d’hommes et de femmes, instruits à l’école de la République, ayant un cerveau qui fonctionne, parfois avec un certain éclat qui suscite l’admiration.

Jamais au pire de leurs cauchemars les hommes des outre-mer français n’auraient pensé voir atteindre un tel degré d’asservissement de la part de leurs élites.

L’année des outre-mer, voulue par Sarkozy, pour « créer un lien nouveau avec l’outre-mer », a été lancée début janvier par Mitterrand, Penchard et Hortefeux, qui, à cette occasion, déclarait : « 2011 est une année pour répondre à l’attente de 2 millions d’Ultramarins peu connus des Métropolitains ». De quelle attente parle-t-il ? A quelle occasion s’est-elle exprimée ? Depuis quand le choix des élites est-il considéré comme volonté du peuple ?

L’exposition coloniale en 1931 répondait-elle déjà à l’attente des colonisés, qui voulaient s’exhiber, dans leurs tenues traditionnelles, exécutant chants et danses de leurs cultures, afin de mieux séduire ceux de l’Hexagone  ?

Répondait-elle déjà à une nécessité de reconnaissance de la part des hexagonaux ?

Ou n’était-elle pas l’expression d’un déni de l’homme, voulue par les colonialistes avec la complicité de quelques élites, d’une infériorisation de ces peuples dits sauvages qu’il fallait faire connaître aux enfants et à la population, afin qu’ils comprennent mieux le rôle civilisateur des Européens et des Français en particulier ?

Le lieu choisi, le Jardin d’acclimatation, ne correspondait-il pas à l’idée que se faisaient les colonialistes de ces peuples, qui n’avaient aucune humanité à leurs yeux, mais qui permettaient à la France d’être présente sur les cinq continents ?

Le 8 avril 2011, le temps fort de cette année des outre-mer se déroulera au …Jardin d’acclimatation, transformé pour l’occasion en «  Pôle d’excellence de l’Outre-mer », comme le soulignait l’écrivain guadeloupéen D. Maximin. Comme si Drancy ou le Vel d’Hiv devenaient un « pôle d’excellence » accueillant une fête juive ! Ces lieux de mémoire douloureux et tristes qu’il faut connaître, en aucun cas, ne sauraient être des espaces de liesse et d’abandon festif. Il y a des peuples que l’on respecte, parce qu’ils se respectent eux-mêmes. Il y a des peuples que l’on bafoue parce que leurs élites n’ont aucune clairvoyance quant aux manipulations dont ils font l’objet.

Deux Guadeloupéens, l’une ministre, l’autre écrivain, une Réunionnaise, historienne, et d’autres encore, dans le droit fil de Sarkozy qui préconise à nos peuples, surtout ceux issus de l’esclavage, de digérer leur histoire, applaudi à Petit-Bourg(Guadeloupe) en février 2011 par nos élus politiques de droite comme de gauche, viennent cautionner le choix d’un lieu lourd de signification, pour une manifestation, où les outre-mer pourront exhiber leurs costumes traditionnels, leurs chants et danses et faire la fête.

Le même Sarkozy qui préconise d’étudier à l’école les bienfaits de la colonisation, qui refuse d’assumer le passé colonial de la France et les meurtrissures que ses actes ont engendrées.

Le même Sarkozy qui refuse toute idée de repentance ou de réparation de la part de la France, qui rejette par ordonnance, décrets, lois toute immigration surtout celle venant des Maghrébins et des Africains. Celui-là même qui a dit que les Africains n’étaient pas encore rentrés dans l’histoire.(Discours de Dakar)

C’est dans les pas de cet homme-là que des élites issues de l’outre-mer s’engagent. Et pour cela, elles avancent les meilleurs sentiments du monde. Le dépassement, le pardon, l’oubli.

Un véritable exorcisme selon les dires de D. Maximin, une manière de « réinvestir ce Jardin, de répondre aux errements du passé en y affirmant la vitalité de cultures dont nous ne pouvons qu’être immensément fiers et de les présenter avec toute l’exigence d’excellence qui préside au choix des spectacles et activités envisagées. » Non moins qu’une vitrine montrant les bienfaits de la présence française chez nous et laissant croire en sa tolérance et son respect pour ce qui constitue nos êtres diversifiés.

Alors que parallèlement, les langues et coutumes dans les différents outre-mer sont combattues et ont peu d’espace d’expression et ce n’est pas le fait que l’on va traduire en créole (lequel ?) des classiques français qui changera la donne. Cette démarche si elle aboutit, aura principalement comme effet de financer quelques traducteurs et éditeurs et de mettre en lumière la culture de la France. Les mêmes élites qui goûtent déjà à la littérature française s’extasieront devant cette « reconnaissance » qui justifiera leur assimilation aux mœurs et traditions françaises, et continueront d’avoir le même dédain et un mépris souverain pour nos propres créations.

Les polémiques suscitées par cette année des Outre-mer ne font que commencer. Nous souhaitons pour notre part qu’elles enflent et mettent à l’index un colonialisme revanchard, qui use de tous les stratagèmes pour durer, qu’elles dénoncent les digesteurs d’histoire et de cultures attachés aux basques des Sarkozy et consorts et surtout qu’elles éclairent nos peuples à la manière de Taubira (députée de Guyane) qui soutient la démarche de certains Kali’ na de boycotter le Jardin d’acclimatation, parlant de « choix d’un lieu où avaient été déshumanisés des peuples du monde » ou encore Greg Germain (comédien, metteur en scène) qui s’interroge sur ce choix :« une mauvaise idée qui rappelle l’exposition coloniale ».



Nous connaissons la capacité des dirigeants français à s’accaparer nos valeurs et nos chantres pour les détourner et les folkloriser, leur enlevant ainsi toute vitalité, tout ferment de révolte. Il en a été ainsi de notre musique, du gros-ka, du bèlè, de la biguine ou du zouk, de la mazurka, du maloya,… Il en est ainsi de nos langues. Il en a été ainsi de nos écrivains. Césaire à leurs yeux n’était plus militant anti-colonialiste et ni nègre. Il n’était qu’écrivain français et donc sa place est au Panthéon ! Il en a été ainsi de Glissant qui n’a pas été contre la guerre d’Algérie, parce qu’il était écrivain du « Tout Monde ». Il en sera ainsi de Patrick Saint-Eloi, qu’ils vont porter au pinacle, oubliant son engagement aux côtés de son peuple et son combat pour la valorisation de la langue et de la musique guadeloupéennes. Il en sera ainsi du Festival de Gros-ka de Sainte-Anne en Guadeloupe qui n’a pas attendu l’année des Outre-mer pour acquérir ses titres de noblesse et des groupes de carnaval. Gommer. Gommer, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le vernis français, voilà leur démarche. Et en ce sens, ils reçoivent, aujourd’hui comme hier, l’assentiment, la complicité d’élites complètement assimilationnistes.

C’est peu dire que la bataille contre l’assimilation sera une des grandes questions que l’Outre-mer français aura à régler et une année ne suffira pas pour cela. Ce travail exaltant sera celui d’hommes et de femmes, enseignants, artistes, écrivains, historiens, politiques de nos différents pays qui voudront vivre en «  citoyens libres, responsables, instruits de leur histoire et de nos histoires, soucieux pour faire destin commun, de ne pas laisser nier leur dignité ni piétiner leurs meurtrissures. »(Extrait Réplique de Taubira à Penchard).

Roger Valy-Plaisant, écrivain guadeloupéen.

mercredi, mars 09, 2011

Afin que le passé révolu ne fasse pas reculer l’avenir

Certaines voix viennent de s’élever pour exprimer la crainte que le Jardin d’Acclimatation, qui va accueillir du 8 avril au 9 mai prochains la manifestation "Un Jardin en Outre-mer", ne soit pas un lieu approprié pour présenter avec respect et dignité les cultures des outre-mer. Nul n’ignore, ni nous organisateurs de cette année des Outre-mer, ni les actuels responsables du Jardin, que des actions passées au XIX° siècle et jusque dans les années 30 ont laissé des traces ô combien douloureuses : l’exhibition insensée, et aujourd’hui heureusement inconcevable d’hommes et de femmes de tous les continents, choisis pour leur différence et leur "attraction" exotique, Nubiens, Cosaques, Soudanais, Indiens, Lapons, Hindous, Galibis de Guyane, Kanaks et bien d’autres, livrés à la curiosité de visiteurs inconscients de l’humiliation infligée.

Nous souhaitons lever ces inquiétudes et répondre à des critiques sans doute nées de la méconnaissance du contenu exact d’une programmation en cours de finalisation. 

Il est temps pour l’Outre-mer de réinvestir ce Jardin , de répondre aux errements passés en y affirmant la vitalité de cultures dont nous ne pouvons qu’être immensément fiers et de les présenter avec toute l’exigence d’excellence qui préside au choix des spectacles et activités envisagés. Valoriser ces cultures, partager leur découverte, célébrer leur diversité, manifester avec force leur dignité, tels sont les critères fondamentaux qui ont présidé au choix du lieu et du programme de cette manifestation et ce à l’intention des quelque 300.000 visiteurs attendus : une majorité d’enfants amenés par leurs familles ou par les centres aérés, et venus de toute la France en cette période de vacances scolaires.

Dispersés sur l’ensemble du globe, réunis par les océans, les territoires d’outre-mer : Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna, Mayotte, ont répondu présent au rendez-vous proposé. Il s’agira de montrer leurs réalités multiples, loin des clichés réducteurs, dans les domaines les plus variés : arts plastiques, photographie, danses, musique, contes, artisanat, gastronomie, écologie, découverte de la nature, savoir-faire traditionnels comme technologie de pointe, histoire, tourisme, sports… sous forme de spectacles et de nombreux ateliers dans le respect de leurs traditions comme dans le dynamisme de leur modernité.

C’est dans cet esprit que le Commissariat a répondu à la proposition des responsables du Jardin d’Acclimatation de consacrer aux Outre-mer français leur grand rendez-vous annuel avec les cultures du monde, à la suite de l’Inde, du Japon, du Maroc, de la Corée, des Etats-Unis, de la Chine, de la Russie et bien loin des "exhibitions" du siècle précédent. L’idée leur avait été soufflée par les salariés ultramarins du Jardin qui souhaitaient que "leurs" outre-mer puissent à leur tour y révéler la diversité de leurs ressources et de leurs richesses. De multiples contacts ont été pris avec plus d’une centaine d’artistes, d’artisans, d’entrepreneurs et d’associations, afin que soient pleinement représentés et appréciés les talents et ressources de tous les outre-mer.
Afin que le passé révolu ne fasse pas reculer l’avenir.

Daniel Maximin 
Commissaire de 2011 Année des outre -mer

Christiane Taubira : “Nous n’irons pas au jardin d’acclimatation"

Les Indiens Kali’na de Guyanne, "exposés" en 1892
Rares sont les Français qui le savent mais 2011 est officiellement « l’année des Outre-mer ». Toute une série de manifestations et d’expositions, en métropole et dans les DOM-TOM, accompagnent cette année, qui célèbre pêle-mêle Aimé Césaire, Frantz Fanon, le zouk ou l’histoire de ces territoires, dix ans après l’adoption de la « loi Taubira » reconnaissant l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Mais Christiane Taubira, justement, la député de gauche qui a porté cette loi, n’apprécie pas du tout certains aspects du programme des festivités.
Dans une lettre adressée à Marie-Luce Penchard, la ministre de l’Outre mer, la député s’indigne que l’opération « un jardin en Outremer » , l’un des temps forts de l’année, ait choisi le Jardin d’acclimatation de Paris pour organiser une série de spectacles et d’ateliers du 8 avril au 8 mai prochain. La député relaie la voix d’élus amérindiens de Guyane qui rappellent que « le jardin d’acclimatation, appelé également « jardin colonial » a été un des sites d’accueil des expositions coloniales des XIXe et XXe siècles de la France ( …) des Indiens Kali’na du bas Maroni furent exposés entre 1882 et 1892 (à trois reprises) dans ce jardin d’acclimatation. Ils y avaient reconstitué un village et devaient vaquer à leurs occupations, dites traditionnelles, sous les yeux des visiteurs. »

Christiane Taubira qui rappelle dans sa lettre que ces expositions d’êtres humains ont duré durant l’époque coloniale, jusqu’aux années 1930 (le grand-père du footballeur Christian Karembeu a ainsi été exhibé au milieu d’autres Kanaks) demande de « respecter les symboles » et exhorte la ministre de l’Outre mer à changer de lieu pour cet événement. Au « Nous n’irons pas à l’exposition coloniale » des surréalistes boycottant la vitrine de l’empire colonial en 1931, Christiane Taubira répond en quelque sorte, quatre vingt ans plus tard, par un« Nous n’irons pas au Jardin d’acclimatation ».

Réaction exaspérée du commissaire de l’année des Outre-mer, l’écrivain Daniel Maximin : « Changer de lieu ? Hors de question ! Ce serait la victoire du passé. Il faut investir ce lieu, inverser les symboles, pour changer ainsi le regard de nos contemporains. Christiane Taubira a réagi trop tôt ; notre programme n’est même pas encore bouclé. Mais on sait qu’il y aura trois spectacles par jour, pendant un mois, avec des troupes de théâtre, des chanteurs, des conteurs venant de l’Outre-mer. Il ne s’agit pas, en 2011, d’exhiber des « sauvages » pour la joie des Parisiens mais au contraire de montrer la dignité des pratiques artistiques de l’Outre-mer. »

Pour le choix et l’enjeu symbolique du Jardin d’Acclimatation (concédé par la mairie de Paris au groupe de luxe LVMH qui veut y construire sa fondation pour l’art contemporain), Daniel Maximin est plus évasif. Réagissant à la lettre de Christiane Taubira, il affirme qu’un débat avec « des spécialistes des zoos humains » était prévu mais visiblement personne n’a encore été contacté. « Choisir le Jardin d’acclimatation, ancien lieu d’exhibition des Indiens amérindiens Kali’na et des Kanaks présentés en 1931 comme des sauvages cannibales  ? Pourquoi pas mais alors il faut saisir l’occasion pour faire une vraie leçon d’Histoire, ce qui ne semble pas vraiment le cas ». rétorque l’historien Pascal Blanchard, auteur d’un livre collectif de référence sur les « Zoos humains » (1) En compagnie de l’ancien footballeur antillais Lilian Thuram, il prépare d’ailleurs une exposition sur ce sujet, pour la fin de l’année, au musée du quai Branly. Elle aura pour titre « Exhibitions. L’invention du sauvage ». La fondation LVMH aurait-elle envie de la faire tourner au Jardin d’Acclimatation ? 

Thierry Leclère

(1) Zoos humains, ouvrage collectif sous la direction de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Éric Deroo et Sandrine Lemaire (La Découverte, 2002)