dimanche, février 20, 2011

Tuskegee – un nom et toute une histoire



Février est le Mois de l’histoire des Noirs. Il m’apparaît donc approprié de le souligner en présentant le sujet de Tuskegee. En effet, le nom de cette ville d’Alabama porte en elle le souvenir de moments tragiques de l’histoire des Noirs aux États-Unis.
L’aspect tragique se résume dans le titre Tuskegee Study of Untreated Syphilis in the Negro Male (Étude de Tuskegee de la syphilis non traitée chez le mâle de race noire). Il s’agit d’une étude notoire présentant un parfait exemple où la science, ou ce qui semblait l’être, a fait exclusion de toute considération éthique.
L’étude a débuté en 1932, sous la direction du Service de santé publique des États-Unis. Pour les besoins de l’étude, 399 Noirs souffrant de syphilis ont été enrôlés, de même que 201 sujets en santé, à titre de groupe-contrôle. À l’époque, les antibiotiques demeuraient à découvrir et les traitements disponibles, à base d’arsenic, de mercure et de bismuth, étaient à la fois dangereux et peu efficaces. L’étude avait pour but de déterminer s’il ne serait pas mieux, pour l’état des syphilitiques, que ces derniers ne soient pas soumis à ces traitements.
Les patients inscrits à l’étude de Tuskegee, de pauvres fermiers sans éducation, n’ont jamais donné leur consentement éclairé. De plus, les chercheurs responsables, parmi lesquels, il faut le dire, se trouvait du personnel médical afro-américain, ont caché aux patients leur véritable état. Les sujets ont simplement été informés qu’ils étaient traités en raison de leur « mauvais sang », un terme générique alors utilisé pour décrire une variété de problèmes médicaux.
En échange de leur participation, les hommes recevaient des « traitements gratuits ». De plus, le jour de visite à la clinique, leur transport était aussi gratuit et un repas chaud leur était servi. En cas de décès, les frais funéraires étaient couverts, mais seulement si la famille acceptait qu’une autopsie soit effectuée. La notion de « traitements gratuits » est particulièrement choquante. En fait, non seulement les sujets n’ont-ils pas reçu de tels traitements, mais on leur a également empêché d’en recevoir lorsque cela est devenu possible. Mentionnons par ailleurs que ces « traitements gratuits » consistaient entre autres en de douloureuses ponctions lombaires (voir la photo ci-dessus) dont le seul objectif était de déterminer la progression de la maladie.
Ne devant au départ que durer six mois, l’étude s’est prolongée pendant 40 années, avec des ramifications difficiles à imaginer aujourd’hui. Lorsque les États-Unis sont entrés dans la Deuxième Guerre mondiale, 250 des participants ont voulu s’enrôler dans l’armée. À ce moment, les examens de routine ont découvert la présence de la syphilis et les hommes ont été sommés de se faire traiter avant de pouvoir joindre les forces militaires. Les chercheurs du Service de santé publique ont empêché ces sujets de recevoir un traitement adéquat, car cela aurait nui à la tenue de l’étude.
Soulignons par ailleurs qu’à la fin des années 1940, lorsque des programmes efficaces de traitement de la syphilis avec pénicilline ont été mis en place, les chercheurs en sont, une fois de plus, arrivés à en soustraire « leurs patients ».
À compter de 1966, Peter Buxtun, chercheur au Service de santé publique, a entrepris d’interroger ses supérieurs quant à la moralité et l’éthique de l’étude de Tuskegee. Mais le Centre de contrôle et de prévention des maladies – à qui la supervision de l’étude avait alors été confiée – a soutenu qu’il était nécessaire de mener l’étude à sa conclusion. En d’autres termes, le Centre soutenait qu’il fallait constater le décès des sujets et procéder à une autopsie des cas!
N’obtenant pas les résultats escomptés, Peter Buxtun décida finalement d’alerter les médias, et le scandale éclata le 25 juillet 1972 avec un article en première page du Washington Star. Cela donna lieu à des audiences au Congrès américain, conduites sous la direction du sénateur Kennedy. Celles-ci mirent à jour le manque flagrant d’éthique de l’étude, forçant les chercheurs à y mettre fin.
Parmi les 399 sujets enrôlés 40 années plus tôt, seuls 74 vivaient encore. Parmi les sujets décédés, 128 étaient morts de syphilis ou de ses complications. D’autre part, 40 des conjointes des sujets de l’étude avaient été infectées et avaient donné naissance à 19 enfants atteints de syphilis congénitale.
En 1974, une poursuite en dommage collectif donna lieu à l’octroi d’une somme de dix millions de dollars aux survivants, à leur famille et aux familles des personnes décédées. Le 16 mai 1997, l’affaire fut officiellement close avec la présentation d’excuses publiques prononcées par le président Clinton, au nom des États-Unis.
Malheureusement, l’étude de Tuskegee continue d’avoir un impact négatif sur la santé de la population afro-américaine. Plusieurs études ont mis à jour le manque de confiance des Noirs, surtout chez les personnes issues de milieux défavorisés, vis-à-vis des programmes de santé publique, lesquels leur seraient pourtant bénéfiques. L’étude de Tuskegee est aussi citée comme source de la rumeur selon laquelle l’épidémie de sida était perpétrée par le gouvernement américain, contre la communauté noire.
Malgré tout, Tuskegee est également associé à une page glorieuse de l’histoire des Noirs aux États-Unis (voir deuxième photo). C’est le nom populaire de l’escadrille composée exclusivement de pilotes noirs, l’armée américaine étant ségrégée à l’époque. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les aviateurs surnommés « Tuskegee Airmen » se distinguèrent sur les fronts européens et d’Afrique du Nord. Ironiquement, Tuskegee fait également référence au programme de formation de ces pilotes. Ce programme fut mis au point à l’Institut Tuskegee, établissement où cette tristement célèbre étude a été réalisée.
Ariel Fenster

mardi, février 15, 2011

Massacre de la Saint-Valentin : le 14 février 1952


14 Février 1952 : la grève des ouvriers au Moule (Guadeloupe) noyée dans le sang
En février 1952 a lieu le mouvement revendicatif le plus important qui ait impliqué petits planteurs et colons dans toute la Guadeloupe depuis les grèves de 1910.
Le mouvement démarre au mois de novembre 1951 dans le nord Grande-Terre : 
Les revendications portent au départ sur la rémunération de la journée de travail et sur l’allègement des tâches sur les champs des usiniers békés. 
Elles s’élargissent rapidement à la demande d’un meilleur prix de la tonne de canne.
En janvier 1952, les ouvriers et cultivateurs mobilisés trouvent le soutien des fonctionnaires qui réclament la revalorisation de leurs salaires. 
Un appel à la grève générale illimitée est lancée sur toutes les habitations-plantations. 
La mobilisation enfle et à Capesterre, Ste Rose, Anse Bertrand..., les débrayages se multiplient...
Le 11 février 1952, les CRS prennent position et occupent la ville : la boucherie est alors soigneusement programmée et organisée, de concert avec les usiniers békés.
Le 14 février 1952, un barrage est érigé à l’entrée du boulevard Rougé pour empêcher l’accès de l’usine Gardel aux charrettes à cannes. 
Les militaires français (CRS) qui occupaient la ville depuis trois jours tirent alors sur la foule ; tuant 4 Guadeloupéens (CONSTANCE DULAC , CAPITOLIN JUSTINIEN , EDOUARD DERNON et FRANCOIS SERDOT) et en blessant 14.
"Des victimes qui pour certaines n’avaient pas de liens avec le conflit. Des curieux, de simples passants..."
Chaque année des manifestations commémoratives (du massacre et de la mémoire des victimes) sont organisées par des organisations syndicales et politiques de Guadeloupe.