vendredi, octobre 29, 2010

Traite négrière


"Nous pensons avoir établi que l’Afrique au sud du Sahara, avec un climat tout de même peu différent dans l’ensemble de celui d’aujourd’hui, nourrissait largement, dans le contexte d’une économie préindustrielle, une population de 600 à 800 millions d’habitants, fin 15è/début 16è siècle, représentant une moyenne de 30 à 40 habitants au km2. »

Au 19è siècle, la population africaine n’est plus que d’environ 150 millions d’habitants ; soit 4 à 5 fois moins qu’à l’orée de la Traite transatlantique. Cette traite négrière européenne a donc décimé plusieurs centaines de millions d’Africains ; au lieu des chiffres ridicules habituellement évoqués par les descendants d’esclavagistes. C’est cette réalité, d’un effondrement démographique (mais aussi culturel, politique, agricole, économique, technique, scientifique, etc.) sans précédent que « la vérité sur l’esclavage » tente grossièrement de dissimuler."

Quant aux chiffres : "estimation de Louise Maes Diop qui precise entre 600 millions et 800 millions"


mercredi, octobre 20, 2010

Le mystère de la rue du chevalier-de-Saint-George


On sait que la rue Richepance, à Paris, longue d’une centaine de mètres, est devenue en 2001 la rue du chevalier-de-Saint-George. On sait aussi que la plaque mentionnant cette nouvelle dénomination était , à l’origine, une succession d’erreurs et d’incongruités liées au fait que les édiles parisiens ne s’était visiblement pas adressés, à l’époque, aux bonnes personnes, c’est le moins que l’on puisse dire, pour avoir des informations sérieuses sur le héros. D’abord le chevalier de Saint-George était privé de patronyme. Ensuite on le faisait naître en 1739 simplement parce que les informateurs de la mairie, autoproclamés biographes officiels, s’étaient fondés sur l’acte de décès du chevalier dont l’âge est estimé par erreur à 60 ans en juin 1799, pour en inférer qu’il était donc né en 1739. Des esprits plus déliés auraient compris que le chevalier, étant mort, ne pouvait demander aux officiers de l’état civil du Directoire de préciser qu’il n’avait pas soixante ans, mais seulement cinquante trois au jour de son trépas, puisqu’il était né le 25 décembre 1745, ce qu'attestent au moins trois biographes, au nombre desquels j'ai le plaisir de m'inscrire. Mais comme si cela ne suffisait pas, sur la plaque d’origine, le métier de Saint-George restait vague : «musicien et chef d’orchestre». L’épithète « compositeur » n’était pas venue à l’esprit des rédacteurs. Par ailleurs, sa célébrité d’escrimeur et celle de violoniste, qui lui ont valu aussi de passer à la postérité, disparaissaient. Mais ce n’était pas encore fini. Saint George devenait « colonel de la garde nationale », alors qu’il fut élu seulement capitaine à Lille, mais que ses épaulettes de colonel lui furent en revanche officiellement décernées pas la Convention en qualité de chef de brigade de la légion des Américains et du Midi, futur 13e Chasseurs. Ce n’était pas un titre de complaisance attribué par des camarades, mais le premier grade d’officier supérieur accordé en France par un gouvernement à un afro-descendant. Du coup son rôle fédérateur pour lever et commander une troupe d’Antillais et d’Africains pendant la Révolution se trouvait effacé. Pas de patronyme, six ans d’erreur sur l’état-civil, un emploi et un grade approximatifs. Et surtout aucune allusion aux origines. Pas d’esclavage ni de Guadeloupe. Je ne reviendrai pas sur le choix assez curieux qui consistait à opposer Saint-George à Richepance. J’aurais préféré que la rue Saint-George fût plus longue (pourquoi ne pas débaptiser la rue Bonaparte qui fut plus coupable que Richepance puisque les ordres venaient de lui ?), j'aurais aimé que la rue Richepance devînt rue Delgrès ou rue Ignace. Une rue Ignace, ce n’est pas pour demain. Mais Delgrès a un « passage ». C’est déjà ça. Le 15 avril 2010 j’ai exprimé une fois de plus, lors d’une conférence accompagnant la sortie de mon dernier ouvrage, Mémoires du chevalier de Saint-George, mon sentiment sur la nécessité qu’il y aurait, un jour, de rectifier, en donnant les éléments évoqués ci-dessus. Il semblerait que, depuis, la rectification ait bien été faite, en tout cas sur certain points. Sur une nouvelle plaque, la date de naissance est correcte (1745), Saint-George accède enfin à la dignité de compositeur et de colonel de la légion des Américains et du Midi. Cependant, il perd sa particule, mais en gardant son titre de chevalier. Jusque là, rien de bien mystérieux. Mais là où l’affaire se complique, c’est que la mairie de Paris n’a jamais fait changer les plaques de cette rue, même si elle en a eu le projet, suite à mon intervention. Les plaques de la rue du chevalier-de-Saint-George se seraient donc changées toutes seules et nuitamment. Autre explication : quelqu’un les aurait changées. Les commerçants du quartier se sont offusqués, paraît-il, se la disparition de la particule. Les maires des deux arrondissements concernés, MM. Lebel et Legaret, auraient même déposé une plainte à laquelle le procureur aurait attaché toute l’importance qu’elle méritait. Il y aurait même eu des dénonciations, dont une m’accusant nommément, oui moi, Claude Ribbe, d’être venu avec ma salopette, mon échelle et ma caisse à outils, par une nuit de printemps, à quelques dizaines de mètres du consulat des Etats-Unis, dans le quartier de l'Elysée, et sous la protection de la police, dévisser, revisser et riveter en toute quiétude une fausse vraie plaque d’où deux erreurs auraient disparu pour une troisième ajoutée. On aurait même aperçu le chevalier tenant l'échelle.
On se doute que les enquêteurs n’ont pu découvrir les auteurs de cette curieuse initiative, dont je n’arrive toujours pas à comprendre les mobiles. S’agit-il d’un admirateur de Saint-George, excédé par une telle accumulation de contrevérités sur une plaque de rue ? Est-ce un de mes ennemis, par ailleurs maladivement obsédé par Saint-George, qui ne se serait donné tout ce mal que pour mieux m’accuser ensuite de vandalisme ? Je ne sais. En tout cas j’ai eu l’insigne honneur d’être contacté (très poliment) par un officier de police judiciaire qui s’est cru obligé, après m’avoir appris la curieuse nouvelle, de me faire comprendre que j’avais été dénoncé. Du coup, il se s’est intéressé à mes livres. J’aurai donc gagné un lecteur. Un admirateur, peut-être. Toujours est-il que les plaques ne vont toujours pas et que la mairie de Paris va devoir les remplacer. Il y a peu de chances, cette fois, que les erreurs soient rétablies. Mais au cas où le généreux pourvoyeur de plaques ou le malade mental que Saint-George et moi obsédons à ce point serait prêt à une nouvelle action, je lui suggère cette fois la rédaction idoine, qu’on en finisse.
Rue du chevalier de Saint-George (Joseph de Bologne de Saint-George, Guadeloupe 1745- Paris 1799) Compositeur, violoniste et escrimeur Colonel, en 1792, de la légion des Américains et du Midi.

Claude Ribbe

source

jeudi, octobre 14, 2010

Alain Locke (1885-1954) et la Renaissance de Harlem



Alain Locke.

Alain Locke est une des grandes figures noires américaines de la génération née après l’abolition de l’esclavage (1865), c’est-à-dire celle qui a pu accéder aux études supérieures et à faire carrières dans l’enseignement ou dans les professions libérales, voire dans le domaine politique. La période dite de la “Reconstruction” (1865-1875) est marquée par l’émergence des premières universités noires (Atlanta, Fish, Howard, Oberlin, Hampton, Tuskegee…). C’est ainsi que W.E.B. Du Bois (1868-1963), Carter Godwin Wood (1875-1950) et Alain Locke (1885-1954), entre autres, ont pu étudier respectivement à Fisk University et rejoindre par la suite l’Université d’Harvard pour leurs doctorats d’Histoire (Du Bois et Woodson) ou de Philosophie (Locke). Du Bois et Locke auront même la possibilité d’aller étudier en Europe, à l’Université de Berlin et à Oxford.
Mais comme le contexte post-Reconstruction tourna très vite à la ségrégation raciale et au lynchage (les lois Jim Crow), cette élite noire, formée dans ces grandes universités, va se trouver devant des responsabilités nouvelles, à savoir comment, d’une part, lutter contre ces lois et pratiques ségrégationnistes et, d’autre part, réhabiliter l’image de l’homme noir. Deux outils vont être créés pour répondre aux enjeux de ce nouveau contexte : un mouvement des droits civiques pour transformer les rapports de domination entre monde blanc et monde noir et un mouvement littéraire et artistique, connu sous le nom de Harlem Renaissance (la Renaissance de Harlem), mais également nommé le “Mouvement du Nouveau Nègre”.


La Renaissance de Harlem

Même si dans l’imaginaire mondial Harlem est associé à la communauté afro-américaine, ce quartier situé au nord de Manhattan était, au début du XXème siècle, un quartier blanc, de surcroît, interdit aux Noirs. Mais, entre 1911 et 1922, Harlem devient un quartier noir gagné par un foisonnement artistique et littéraire. Et ce, grâce à un double mouvement : l’afflux d’émigrants noirs — plusieurs milliers — en provenance du sud vers les villes industrielles du nord, à la recherche du travail, de moins de discriminations raciales et de nouveaux espaces, et, d’autre part, la désertion progressive de ce quartier par la communauté blanche.
En effet, durant cette période, Harlem attire une foule d’artistes de talents : écrivains, peintres, sculpteurs, photographes, musiciens, acteurs, hommes de spectacles, avocats, médecins et hommes d’affaires. Les grandes Églises noires, les associations, la plupart des organisations sociopolitiques noires, les rédactions des journaux tels que “Amsterdam News, Age” et “The Negro World”, s’y installent également. Ce bouillonnement culturel et artistique est animé par de jeunes écrivains de talents, formés à Harvard ou dans d’autres universités : Langston Hugues (1902-1967), journaliste, poète et dramaturge ; Countee Cullen (1903-1946), poète ; Claude Mckay (1889-1948), poète et romancier ; Sterling Brown (1901-1989), poète et écrivain ; Jean Toomer (1894-1967), poète et romancier ; Zora Neale Hurston (1891-1960), romancière, anthropologiste et l’historien et Arturo Alfonso Schonburg (1874-1938), surnommé le père de l’histoire noire américaine, parmi les plus connus.
Les créations artistiques et littéraires explosent et les premières barrières tombent. En 1922, Claude Mckay publie son recueil de nouvelles “Harlem Shadow”. C’est un succès qui dépasse les cercles de gens de couleur. Une année plus tard, les poèmes de Countee Cullen, sont publiés dans les quatre publications de la communauté blanche. Les œuvres de Langston Hugues et quelques autres séduisent également les Blancs. Dans la même période, Bessie Smith enregistre “Downheated blues” et “Gulf Coast blues” et s’impose comme la grande chanteuse de blues dans l’ensemble des États-Unis. En 1924, Duke Ellington (1899-1974) débarque à New York avec son orchestre, The Washingtonians, pour y intégrer la scène du jazz, courant musical, inventé dans le Sud, qui connaît alors un grand engouement. Louis Armstrong (1901-1971) qui se produit au célèbre Roseland Ballroom fait de l’orchestre de Fletcher Henderson, le plus populaire de New York. Joséphine Baker(1906-1975) fait son apparition à Broadway dans le spectacle “Chocolate Dandies”. Le Cotton club, le plus vaste et le plus célèbre cabaret de Harlem, ouvert jusqu’ici seulement aux Blancs, ouvre ses portes à Duke Ellington et quelques autres artistes noirs.
En l’espace de quelques années, Harlem s’est imposé non seulement comme le centre de New York mais comme la « capitale mondiale de la culture noire ». La culture noire, dans sa diversité créatrice, est reconnue, récompensée et diffusée plus largement. Elle féconde par sa créativité la culture américaine.


Valoriser l’identité noire

Si ce mouvement, connu sous le nom de Renaissance de Harlem, a pris une telle ampleur dans les années 20, avant de connaître un certain déclin avec la crise économique mondiale de 1929, c’est, certes, grâce à la présence de nombreux artistes et écrivains noirs à Harlem. Mais cela est dû également au soutien financier des hommes tels que le photographe et écrivain blanc Carl Van Vechten (1880-1964), le philosophe Afro-américain Alain Locke et au soutien de la presse, de W.E.B. Du Bois, de son magazine “The Crisis” et de son organisation qui milite en faveur de l’égalité des minorités (voir notre article sur Du Bois dans le journal “Témoignages” du 21 juin 2010).
L’objectif de cette élite noire de Harlem est de valoriser l’identité noire américaine en insistant sur les notions de fierté, d’estime et de réalisation de soi, tout en dénonçant les injustices et les intolérances et en réclamant une pleine et entière citoyenneté pour tous. Ce programme est esquissé par Alain Locke, en 1925, dans le “New Negro, An Interpretation”, anthologie réunissant à la fois des contributeurs venus de divers horizons — hommes et femmes, noirs et blancs, américains, antillais et européens — et rassemblant des textes et des œuvres de création ainsi que des essais critiques, sociologiques, anthropologiques et historiques pour mettre en perspective et en question les rapports de domination auxquels on a soumis le monde noir, tout en cherchant une nouvelle logique pour penser la rencontre et l’interaction entre les cultures : la logique du « donner et du recevoir ».
La participation d’Alain Locke au mouvement de la Renaissance de Harlem et son soutien aux artistes, écrivains et musiciens de Harlem sont connus et reconnus, tout comme son implication pour la reconnaissance de la culture afro-américaine. En 1925 toujours, il édite dans le magazine “Survey Graphic” un numéro intitulé Harlem : “Mecca of the New negro” (“La Mecque du renouveau noir”) consacré à la renaissance de Harlem. Pour Locke, le« Mouvement du Nouveau Nègre » marque une rupture dans la vie des Afro-Américains, comme le terme “Nouveau” l’indique. Ils ont su répondre à leur environnement ségrégationniste par la solidarité, l’inventivité et la création. « Cette renaissance de la dignité et de la confiance en soi ouvre une nouvelle phase à la vie de la communauté nègre », écrit Locke dans “The New Negro”.
L’influence de l’homme noir sur la culture des Amériques
Pour aider le nègre à se construire positivement, quoi de mieux que de montrer son influence dans la culture de l’Amérique et des Amériques ? C’est la tâche que s’est donnée Locke à travers deux essais : “The Negro’s Contribution to American Art et Literature” (1928), “The Negro’s Contribution to American Culture” (1939) et une série de six conférences délivrées et publiées en Haïti en 1943 sous le litre “Le rôle du Nègre dans la culture des Amériques”. Les Éditions l’Harmattan nous ont proposés, en 2009, sous le même titre, une réédition de ces conférences, avec une présentation d’Antony Mangeon.
Mais déjà, dans “The Souls of Black Folk” (1903), Du Bois avait souligné en conclusion de son ouvrage la contribution majeure de son peuple à l’histoire culturelle, sociale et économique de l’Amérique. Pour Locke, les Afro-américains ont contribué tout autant que les Blancs à la formation de la nation américaine. Il recense dans une de ses conférences intitulée : “Les réalisations des Nègres aux États-Unis” les contributions artistiques et scientifiques des Noirs, tout en dressant une liste biographique de modèles noirs de réussite.
La culture populaire américaine est née et s’est nourrie des échanges entre Blancs et Noirs et ce, dit-il, depuis l’interaction entre le maître et l’esclave. L’interaction est toujours à l’œuvre dans la rencontre entre porteurs de cultures différentes, dit Locke inlassablement. Il y a toujours influence réciproque entre majorité et minorité, entre Noirs et Blancs. Il formule dès 1930 un principe de « libre échange et de réciprocité culturelle », participant à cette nouvelle logique d’intégration sociale, tout en insistant sur la notion du don.
La réflexion de Locke sur la place du Noir déborde le local et le national pour atteindre le transnational. Pour Locke, il existe une expérience culturelle commune à tous les peuples qui ont connu l’esclavage et dont l’héritage africain, entre rupture et continuité, est le ciment.
“Like Rum in the Punch”
Ce positionnement lui interdit toute séparation raciale. Pour Locke, qui n’ignore pourtant pas les effets du racisme, la « race » est un marqueur de division de la société. Locke ne comprend pas comment une société — la société américaine — qui met l’idée de démocratie au cœur de son identité peut discriminer sur son territoire des millions d’hommes en raison de leur « race ». Et il en appelle à la formation d’un nouveau modèle de démocratie respectueuse de toutes les différences. « En Amérique, nous sommes tous des Suisses, mais encore plus mélangés », écrit-il.
Exit donc toute identité culturelle noire au profit d’un melting pot ? Nullement. Mais tout en affirmant la singularité nègre, est affirmé également et simultanément l’intrication et la« fertilisation réciproque » (« cultural cross-fertilization ») des héritages africains et européens. « Les produits culturels nègres, commente Antony Mangeon, sont alors définis, dans une curieuse alliance de mots, comme des « hybrides distincts » (« distinctive hybride »), issus du métissage culturel mais avec des « accentuations particulières sur certains éléments communs aux Noirs et aux Blancs ». Et l’image qui lui vient à l’esprit pour décrire l’influence culturelle nègre est le rhum , né dans le contexte de la traite et de l’esclavage. Image suggestive de l’importance de la culture noire.
Ceux et celles qui réfléchissent sur la question du vivre-ensemble savent que les idées de Locke sur la rencontre des cultures, l’identité culturelle, l’hybridité, une vision transnationale de la question noire, sont toujours l’objet de nos débats et de nos recherches. C’est dire toute l’actualité de sa pensée.
Reynolds Michel 

Sources


- Mangeon Anthony, “Le Nègre nouveau” d’Alain Locke, in “Le Point”, Hors-série, “La Pensée noire”, avril-mai 2009.

- Mangeon Anthony, “Like Rum in the Punch : le New Negro et la culture américaine”, paru dans Loxias 24, mis en ligne le 23 mars 2009.

- Fila-Bakabadio Saray, “Alain Locke, Le Rôle du nègre dans les Amériques”, Granghiva, 10/2009, mis en ligne le 3 février 2010.

- Gbané Siriki, “La Renaissance de Harlem : le rayonnement de la culture « black »”,www.Africultures.com.

- Atelier identité Noire II–Harlem Renaissance, site : atelier-milady.skynetblogs.be.

mercredi, octobre 13, 2010

Bienvenue aux parents haïtiens, de retour dans le pays de leurs ancêtres

Si la République d’Haïti est si chère au cœur du monde noir, c’est parce qu’elle incarne un symbolisme incandescent, un modèle admirable de dignité et de courage, d’humanisme et de grandeur, de fierté et d’audace et une continuité historique de résistance et de stoïcisme, qui a su affronter toutes les épreuves, malgré une conspiration internationale sournoise et obstinée, qui a déployé des trésors d’ingéniosité, pour l’empêcher, à tout prix, d’être une référence et un exemple pour l’Afrique et sa Diaspora.



Ce fut le 06 Décembre 1492, que Christophe Colomb, après avoir jeté l’ancre dans l’Île d’Espagnola, y établit l’autorité de l’Espagne. Les premiers africains ont été débarqués à Haïti, dès 1503. Ce processus connut une accélération, à partir de 1515, lorsque le religieux LAS CASAS parvint à convaincre Charles QUINT, de renoncer à utiliser les indiens, qui occupaient l’île avant l’arrivée des espagnols, dans les travaux des mines et des plantations et à les remplacer par la main-d’œuvre noire dans la culture de la canne à sucre, de l’indigo et du tabac et l’exploitation de l’or. 
Dès 1526, des troubles sont signalés dans les rangs des esclaves noirs, à cause des mauvais traitements que leur infligeaient leurs bourreaux blancs. 
Malgré la cruauté de la répression, cette forme de résistance n’a, jamais, cessé. Ce furent les espagnols, qui restèrent les maîtres de l’île jusqu’au début du 17ème  siècle, qui en portent, largement, témoignage. 

Les français ne prirent pied sur cette terre, qu’en 1625. 
40 ans plus tard, Louis XIV y nomma un Gouverneur. 
En 1697, date de la signature du Traité RUYSWICK, consécutive à la guerre de la Ligue d’AUGSBOURG, la France obtint de l’Espagne, la propriété du tiers de l’Île de Saint Domingue. 

Pendant tout le 18è siècle, elle est considérée comme « la perle des Antilles » et contribuera, fortement, à enrichir la Métropole. 
Un pays comme le Sénégal, a d’autant plus de devoirs, vis à vis de Saint Domingue, que, selon Jean FOUCHARD, sur les 355 navires négriers, qui ont jeté l’ancre au cap Haïtien, entre 1783 et 1789, près d’une cinquantaine, au moins, venaient de notre pays, alors que la traite négrière sévissait, à vaste échelle, sur toute la côte occidentale d’Afrique. 
Ce fut un fils de Gorée, Jean Baptiste BELLEY, qui, lors des Assemblées Révolutionnaires, proposa que le mot Fraternité soit ajouté à la Devise française, qui, à l’origine, se résumait à Liberté et Egalité. 

Cet attachement du peuple haïtien à des valeurs cardinales fortes, a poussé le Contre-amiral d’ESTAING, à se porter, avec 800 soldats, au secours des troupes de Georges WASHINGTON, à la bataille de Savannah, mettant, ainsi, en échec la contre- offensive, que le Colonel MAITLAND avait déclenchée, pour couper la retraite de l’Armée américaine et anéantir l’essentiel de ses troupes. 

Ce fut au nom des mêmes valeurs, que, pour mettre fin aux injustices, à l’oppression et aux humiliations infligées par les 30 000 colons blancs à l’écrasante majorité du peuple noir, que la révolte armée éclata en 1791, pour gagner, ensuite, peu à peu, toute l’île, avant de connaître son épilogue, par un pacte de sang, à l’occasion duquel, les révolutionnaires haïtiens s’engagèrent à mettre un terme à l’esclavage et à libérer leur pays de la domination coloniale, fût-ce au prix de leur vie. 

Et, c’est pourquoi, lorsqu’en 1793, les révoltés haïtiens décrètent la suppression de l’esclavage (mesure qui ne sera prise par la Convention, en France, qu’un an après, c’est-à-dire, en 1794), les propriétaires d’esclaves se dressèrent comme un seul homme, pour faire échec à cette décision. 

Le Combat du peuple Haïtien n’en triompha pas moins, puisque, le 14 Décembre 1801, Saint Dominique proclama sa propre Constitution (l’une des plus avancées de l’époque), remplaça le nom de l’île de Saint Domingue, par celui d’Haïti (exemple que N’KRUMAH va dupliquer, en 1957, en remplaçant le nom de Gold Coast, par celui de Ghana), que les Indiens Harawaks, qui occupaient l’île avant l’arrivée de Christophe COLOMB, avaient donné à leur pays et organisa la résistance, pour faire face au projet de reconquête de Napoléon. 

Ce dernier, après le coup d’Etat du 18 Brumaire, qui le nomma 1er Consul, décida d’envoyer plus de 80 vaisseaux, fortement équipés, pour rétablir l’autorité de la France dans l’île, sous la houlette du Général LECLERC. Sa mission consistait à reconquérir Saint Domingue, à y rétablir l’esclavage, par la force, à arrêter tous les meneurs et à les exiler, cela fait, en Métropole. 

Toussaint LOUVERTURE était l’âme de cette insurrection armée. 

Attiré dans un guet-apens, honteusement arrêté, exilé du Fort de Joux, il y meurt en 1803, dans des conditions mal éclairées. 

Sa disparition, loin d’affaiblir la révolution, la radicalisa, au contraire. 
Tour à tour, les Généraux LECLERC, puis ROCHAMBEAU et leurs troupes sont écrasés. 
A la bataille de Vertières, le 18 Novembre 1803, la révolution haïtienne triompha, définitivement, de la colonisation. 

Le 31 Décembre, les Généraux noirs, réunis à Gonaïves, décident de proclamer, le 1er Janvier 1804, l’indépendance d’Haïti. 

Ainsi, non content d’avoir sauvé la Révolution américaine, d’avoir terrassé l’esclavage, le grand peuple noir d’Haïti venait, en plus, à bout de la domination coloniale, dès le début du 19ème siècle, c'est-à-dire, bien avant la Révolution Industrielle et l’entrée en scène des théoriciens de «la mission civilisatrice», «du fardeau de l’homme blanc» et autres niaiseries, qui servaient de justification à l’aventure coloniale et connaîtront leur couronnement à la Conférence de Berlin de 1884-1885. 

On le voit, la trajectoire historique d’Haïti contredisait, dès le début du XIXème siècle, toutes les thèses de légitimation de la colonisation, toutes les théories raciales et racistes et les fausses idées, dont Hegel et Gobineau seront les thuriféraires attitrés sur l’infériorité de la race noire. 
Cela, l’impérialisme ne pouvait le supporter. 

Son exemplarité était d’autant plus inquiétante pour lui, que la nouvelle République d’Haïti avait décidé, dès sa souveraineté recouvrée, d’encourager, à travers Simon BOLIVAR et MIRANDA, la libération de l’Amérique Latine, de la domination espagnole. 

Son action au Venezuela, à Cuba, au Mexique, en Bolivie et ailleurs a été déterminante, dans les succès enregistrés par le Mouvement de Libération Nationale, dans cette partie du monde. 

Pour éviter qu’Haïti ne soit, jamais, un symbole vers lequel, tout le monde noir allait regarder et une référence à imiter, l’impérialisme organisa, systématiquement, son étouffement politique, économique, culturel et diplomatique. 

Pour tuer dans l’œuf, la nouvelle république noire naissante, l’impérialisme occidental décida, en effet, de poser une chape de plomb sur l’Île d’Haïti. 

La France, qui ne la reconnait qu’en 1825, organisa sa faillite économique, par le biais de l’endettement de l’île, auprès de la banque LAFFITE, dès 1826. 

En 1874, ce processus d’endettement s’emballa et permit de mettre le pays en coupe réglée. 

Allant plus loin, elle imposa à la Nouvelle République noire, le paiement de compensations d’un montant de 150 millions de francs or, qui seront, ensuite, ramenés à 60 millions. 

Cet endettement visait la recolonisation du pays, par les banquiers étrangers, la mise sous tutelle de ses douanes et de ses recettes diverses, son appauvrissement durable et sa dépendance économique endémique. 

Ce processus connut son apogée en 1915, avec l’occupation douanière de Haïti, par les Etats-Unis, ouvrant, ainsi, une période de recolonisation, qui s’étendit jusqu’en 1934. On connaît la suite. 

On oublie, souvent, que ce sera la même politique d’endettement en vue de la colonisation, qui sera appliquée, plus tard, en Egypte, à travers les Banques Rothschild, Paribas, Société Générale, Oppenheimer, etc., puis, au Libéria et en Ethiopie et, plus tard, au reste de l’Afrique Noire, au point de nécessiter l’instauration de l’ajustement structurel, qui fut un véritable processus de paupérisation. 

Tous ces mécanismes visaient à plomber l’économie, à retarder le pays, à détruire tout progrès significatif, à promouvoir une culture de sous-développement permanent, de coups d’Etat, de violences institutionnalisées, de violations massives des Droits de l’Homme et de contreperformances invincibles, dans le domaine de l’Education, de la Santé, de l’Emploi, de l’Habitat Social et, en règle générale, du bien-être économique et social, pour culpabiliser la révolution haïtienne, dont l’effet repoussoir serait la démonstration de l’incapacité du monde noir à se gouverner seul et la légitimation de sa mise sous tutelle, par des puissances extérieures. 

Haïti devait être puni d’avoir osé défier et triompher de l’impérialisme colonial. 

Aujourd’hui, encore, pour décourager les noirs des Antilles et de la Guyane, de réclamer l’indépendance, on leur dit, souvent : « Allez voir ce qui passe en Haïti, avant de rêver ». 

Tout ceci s’accompagne, évidemment, d’un processus de falsification délibérée de l’Histoire.

Alors que les haïtiens ont écrasé les troupes de LECLERC et de ROCHAMBEAU, dès 1803 et que les éthiopiens avaient défait les italiens, en 1896, à Adoua, on continue d’enseigner aux écoliers français, par exemple, que, ce n’est qu’en 1905, que, pour la première fois, un peuple blanc a été vaincu par un peuple non blanc, lors de la guerre russo-japonaise, comme si ceux qui avaient triomphé des Anglais, des Espagnols et des Français étaient des extra-terrestres, venus d’une autre planète. 

Malgré la dictature de DUVALIER et les exactions des Tontons Macoutes, les fils d’Haïti n’ont, jamais, baissé la tête, ni courbé l’échine. Debout, fiers, ils ont continué de lutter avec dignité, courage et honneur. 
Adossées à leur culture, ils nous ont donné des personnes comme Antênor FIRMIN, qui réduisit à néant, les thèses de Gobineau sur l’inégalité des races, ainsi que quelques-uns des pères fondateurs du Panafricanisme et de la Négritude. Ce fut FIRMIN, qui, dès 1885, avait annoncé le triomphe d’OBAMA. 
Des haïtiens, comme Benito SYLVAIN établirent, dès le début du siècle, des relations entre leur pays et l’Ethiopie. 

Des haïtiens comptent parmi les premiers, qui ont volé au secours de la Guinée, en 1958 et du Congo, en 1960, à l’ère des indépendances. 
Leur rôle dans le Festival Mondial des Arts Nègres, de 1966 à Dakar et de 1977 à Lagos, a été déterminant. 
Tout cela fait qu’Haïti occupe dans le cœur du monde noir, une place à part, que personne ne pourra lui ravir. 
Nous devons à son peuple, notre indépendance, parce qu’il nous a montré comment vaincre ceux qui « n’ont pas raison », comme le firent, également, Benkos BOHIO, entre 1599 et 1621, en Colombie, dans la Province de Carthagène, ZOUMBI, au Brésil, dans l’Etat de Palmarès, entre 1630 et 1667, Nat TURNER, aux USA, en 1831. 

Il nous a donné les plus belles leçons de dignité, de courage, d’abnégation, de refus de la soumission, de résistance contre toutes les formes de domination. 

Voilà pourquoi, Thabo MBEKI avait tenu à honorer, de sa présence, le bicentenaire de la Révolution haïtienne, en 2004. 

En choisissant de revenir dans la mère-patrie, par le Sénégal, Haïti a honoré notre pays. Il a réconcilié SENGHOR, Cheikh Anta DIOP et Abdoulaye WADE. Il a, définitivement, rétabli le cordon ombilical entre l’Afrique et sa Diaspora, pour écrire, ensemble, les nouvelles pages de l’Histoire du Monde Noir, au seuil du XXIème siècle. 

Le Sénégal doit être, pour les Haïtiens, que nous accueillons ce jour, avec fierté et honneur, une terre de paix, de bonheur, d’amour, de fraternité, de solidarité agissante, de réconciliation, de pardon et de confiance retrouvée ; une seconde patrie, où ils trouveront tout le réconfort auquel, ils ont droit sur la parcelle de ce continent, qui est, aussi, le leur. 

C’est pourquoi, nous leur disons, du fond du cœur, « Bissimillah », comme le veut l’usage au Fouta. 

Professeur Iba Der THIAM 
Agrégé de l’Université 
Docteur d’Etat 

Ancien Ministre 
Député à l’Assemblée Nationale 

dimanche, octobre 03, 2010

Les Juifs et la traite des noirs | Mystère et phénomène inexpliqué .


Post on octobre 2nd, 2010 by bm77

Bien entendu, l’ histoire n’a pas retenu l’ implication des négociants juifs dans la traite des noirs . Et pourtant, l’esclavage des noirs fut importé vers les Amériques par des navires dont les propriétaires étaient bien juifs .

Qui sont les négriers qui amenèrent les esclaves noirs en Amérique du 15ème au 19ème siècle ? L'information ci-dessous se trouve documentée dans les 4 volumes de Elizabeth Donnan. Ils peuvent être trouvés à la Librairie Nationale de Washington (National Library Washington, D.C.) et à la Librairie de l'Institut Technologique de Carnegie à Pittsburg (Carnegie Institute of Technology Library, Pittsburgh, PA.)
Bateau de négriers
Nom du navire – Propriétaires

Abigail - Aaron Lopez, Moses Levy et Jacob Franks

Crown - Isaac Levy and Natham Simpson

Nassau - Moses Levy

Four Sisters - Moses Levy

Anne and Eliza - Justus Bosch et John Adams

Prudent Betty - Henry Cruger et Jacob Phoenix

Hester - Mordecai et Davdi Gomez

Elizabeth - Mordecai et Davdi Gomez

Antigua - Natham Marston et Abram Lyell

Betsy - William De Woolf

Polly - James De Woolf

White Horse - Jan de Sweevts

Expedition - John et Jacob Roosevelt

Charlotte - Moses et Sam Levy ; Jacob Franks

Caracoa - Moses et Sam Levy



L’esclavagisme aux États-Unis commence avec la conquête du nouveau monde.

Les navires effectuent alors un triangle entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques. Ils vendent des produits manufacturés en Afrique, prennent des esclaves à destination du Brésil, des Caraïbes ou des Etats-Unis et reviennent en Europe avec du sucre et d’autres matières premières.

C’est l’art de l’optimisation des investissements dans lequel on peut rendre hommage au génie créatif en affaires des Juifs. Durant quasiment 4 siècles des millions d’Africains sont « exportés » vers les Amériques. Durant le 18ème siècle, les Juifs participent activement dans le négoce d’esclaves. Certains Juifs contrôlent même les marchés où sont fixés les prix, telle une denrée !

L’esclavagisme des colonies d’Amérique du Sud et des Caraïbes

Les négociants d’esclaves juifs fournissent des Noirs par dizaines de milliers vers les plantations d’Amérique du sud et des Caraïbes. On ne retrouve plus aujourd’hui de trace écrite de protestation contre ce comportement. C’est alors une affaire purement commerciale dans laquelle la religion n’intervient nullement.

Daniel M. Swetschinski estime que la part des négociants juifs dans les affaires internationales est alors disproportionnée. Ils représentent 75% des affaires mercantiles alors qu’ils ne constituent que 10% de la population. Cette domination du marché des esclaves les met en position d’équilibre avec les autres communautés. Les planteurs de sucre au Brésil utilisent abondamment cette main d’œuvre d’esclaves d’Indiens et de Noirs, fournie par les négociants juifs. Dans les années 1600, les plantations qui constituent la majeure partie du réservoir d’esclaves avec quasiment 10.000 Africains et l’exportation du sucre raffiné est dans les mains des négociants juifs.

La compagnie hollandaise d’Inde de l’ouest est créée en 1621 dans le seul but de gagner de l’argent. Les Juifs investissent massivement dans l’entreprise qui se destine à toute forme de commerce, y compris l’esclavagisme. Les dirigeants hollandais, en faisant la promotion du développement économique, encouragent ainsi les Juifs à émigrer [très astucieux...] et la Hollande devient très rapidement le centre du pouvoir et de la fortune juive.

Marcus Arkin écrit « depuis le développement des industries dans lesquels les Juifs investissent : tailleurs de diamants, sucre, soie, textiles, le mélange du tabac, denrées alimentaires,…) sont dépendantes des colonies, il n’est nullement surprenant que de retrouver les Juifs d’Amsterdam concernés par le commerce vers l’Asie et le nouveau monde.

Au 18ème siècle, environ un quart des participations dans les compagnies internationales hollandaises sont détenues par des Juifs et son déclin amène ensuite la ruine de la plupart des familles aisées ».

Le chercheur juif Arnold Wiznitzer est beaucoup plus explicite concernant l’implication des Juifs au Brésil : « A part leur position importante dans l’industrie sucrière, ils dominent le négoce des esclaves . De 1636 à 1645, un total de 23.163 Nègres [dans le texte] arrivent d’Afrique et sont vendus pour 6.714.423 Florins [soit environ 290 Florins par individu, tel est le prix de la vie humaine d'un Noir à l'époque...], Les acheteurs, lors des ventes aux enchères étaient tous Juifs et du fait de ce manque de compétition dans le négoce d’esclaves, ils étaient achetés à vil prix. Par ailleurs, il n’existait pas non plus de compétition pour l’achat des esclaves qui étaient payés à crédit jusqu’à la prochaine saison de vente du sucre. Si les enchères avaient lieu un jour de fête juive, elles étaient automatiquement reportées. ».

Moshe Kahan déclare sans ménagements qu’en 1653-1658, « les négociants Juifs-Marranes possédaient le contrôle du commerce espagnol et portugais , donc détenaient quasiment le contrôle du commerce levantin…avaient d’importantes sommes d’argent à leur disposition ».

Seymour B. Liebman dans le New World Jewry (Nouveau Monde Juif), indique clairement que « les navires n’appartiennent pas seulement aux Juifs, mais sont commandés par des capitaines juifs avec des équipages composés de Juifs ».

samedi, octobre 02, 2010

Les Caraïbes des Petites Antilles. Tenir compte de l’Histoire

L’article que nous proposons est une importante contribution de l’historien caribéen Henry Petitjean Roget à un colloque qui s’est tenu à Porto Rico. 

A son retour du premier voyage, le récit de Christophe Colomb promettait la découverte de telles richesses que dès 1493 le Pape Alexandre VI concédait aux Espagnols, par la Bulle « Inter Coetera » les territoires nouvellement reconnus. Les Traités signés à Tordesillas en 1493 et 1494 entre Espagnols et Portugais sous l’autorité du pape partageaient le monde au seul profit des Espagnols et des Portugais. François 1er demanda à voir, dit-on, « l'article du Testament d'Adam qui faisait la part si belle aux espagnols et aux portugais ».

Dès le début du XVI° siècle, les français, écartés des îles par la présence espagnole, décident de s’implanter au Brésil. Les voyages de Colomb sont tout de suite connus en Europe, mais la première traduction en français de la « Lettre de Colomb », paraît seulement en 1553. Marthyr de Angleria est le premier à écrire une histoire du Nouveau Monde. Ses « Décades, de Orbo Novo », sont publiées en français à Paris en 1532. « L’histoire naturelle et générale des Indes, isles et terres ferme de la grande mer océane », d’Oviedo est traduite par Jean Poleur à Paris en 1536.

Jusqu’à la première moitié du XVII° siècle, des navires français reviendront en France, chargés de bois rouge (2) pour les teintureries de Rouen et de Dieppe et de marchandises troquées avec les indiens. Les voyages français vers le Brésil, et les contacts avec les Tupis expliquent l’origine du nom « Caraïbe » qui a remplacé le véritable nom des Callinagos (3) des Petites Antilles et la présence de nombreux mots tupis dans leur langue qui sont restés en français.




Un peu d’histoire de France

Pour mieux situer l’action des navigateurs français dans le contexte de luttes entre nations pour l’appropriation de l’espace américain nouvellement découvert, un bref rappel des souverains français qui se sont succédés entre 1498 et 1654 s’avère nécessaire. De 1498 à 1654, la France a connu huit souverains et deux régences. Ce sont celles de Catherine de Médicis, épouse d’Henri II, mère du roi Charles IX, de 1560 à 1564 et celle de Marie de Médicis, femme d’Henri IV et mère du roi Louis XIII, de 1610 à 1617. Dès les traités de Tordesillas, les rois de France ont encouragé les voyages des navigateurs et des marchands en direction du Nouveau Monde. Il fallait découvrir des terres à disputer aux Espagnols et aux Portugais.

Les souverains Français. 1498-1643

Louis XII Roi de France de 1498 à 1515
François 1°Roi de France de 1515-1540
Henri II Roi de France de 1547 à 1559
François II Roi de France de 1559-1560
La Régence par Catherine de Médicis épouse d’Henri II de 1560 à 1564
Charles IX Roi de France 1564-1574
Henri III Roi de France 1574-1589
Henri IV Roi de France 1589-1610
Régence de Marie de Médicis de 1610 à 1617
Louis XIII Roi de France de 1610-1643
Régence d’Anne d’Autriche 1643 à 1654, infante d’Espagne, épouse de Louis XIII.
Louis XIV Roi de France 1654- 1715

Les Français en Amérique

Les frères Verrazzano (1) explorent pour le compte de François 1er, les côtes nord américaines en 1523 et la Floride et les Petites Antilles en 1528. 

Girolamo y est tué et "dévoré" par des Callinagos. Le drame se serait probablement déroulé en Guadeloupe (2). 

Jacques Cartier effectue trois voyages en direction des côtes nord américaines avec l’aval du roi de France Henri II entre 1534 et 1542. Sous le règne de Charles IX, Ribault, explore la Floride en 1562 puis René de la Laudonnière en 1564 tente de s’y implanter à son tour. 

Samuel de Champlain, sous Henri IV, est au Canada en 1603. La période qui concerne plus particulièrement l’espace antillais, s’étend de la découverte du Brésil à l’installation officielle des Français à la Martinique et en Guadeloupe en 1635.

Les Français au Brésil au XVI° siècle : L’émergence d’un exotisme américain

Écartés des îles par la présence espagnole, les français se tournent vers le continent, le Brésil en particulier. On sait que, parallèlement aux expéditions qui ont fait l’objet de récits ou de rapports à leurs commanditaires, de nombreux voyages à vocation commerciale ont eu lieu. Tous ces navigateurs ont relâché aux Petites Antilles sur leur route de retour pour éviter les îles espagnoles. Dès 1504, Paulmier de Gonneville avait abordé le Brésil. Il avait ramené avec lui, Essomericq le fils d’un chef indien Carijo. Faute de pouvoir le rapatrier chez les siens, comme il s’était engagé à le faire, il l’adopta et le maria à l’une de ses nièces. (Deschamps 1891 : 5). 

En 1519, Denis de Honfleur revint à Rouen avec « sept sauvages brésiliens » (Deschamps 1891 : 6). Un riche armateur de Dieppe, Jean Ango, organisa en 1522 un voyage au Brésil avec Denis de Honfleur qui s’y était déjà rendu trois ans plus tôt. L’idée d'occuper les territoires que se partagent espagnols et portugais s’impose peu à peu aux Français. En 1531 une centaine de français tentent d’installer un fort non loin de Recife sur l’île Saint Alexis. Au bout de quelques mois, les portugais réussissent à mettre un terme à cette tentative d’implantation étrangère sur leur territoire. En 1546 une flotte française composée de 18 navires quitte le port du Havre pour le Brésil. Quatre ans plus tôt à Rouen, sur les berges de la Seine, avait eu lieu la reconstitution d’une somptueuse fête brésilienne avec des Indiens, des arbres d’Amazonie et des animaux exotiques. (Vidal 2008 : 23). Henri II et Catherine de Médicis, accompagnés par la cour, y assistèrent. Cette fête persuada le roi Henri II d’encourager les voyages en direction du Brésil. En 1556, il envoie au Brésil le cartographe havrais, Le Testu, pour dresser une carte des cotes.

Sur ordre de Coligny, l’Amiral calviniste, Nicolas Durant de Villegaignon, part en 1555 pour implanter une colonie protestante . Il l’installe sur une île de la baie de Guanabara, l’actuelle baie de Rio de Janeiro. Cette tentative de colonisation française, s’achève en 1560. Le moine cordelier André Thevet qui avait accompagné de Villegaignon, résida un an au Brésil. Il écrivit une relation de son séjour et de sa rencontre avec les Indiens(3). Elle est publiée à Paris en 1557. Alors que Thevet avait déjà quitté la colonie protestante, Calvin, pour venir en aide à de Villegaignon en buttes à de nombreuses dissensions au sein de la colonie, lui avait envoyé quelques protestants dont, Jean de Léry, un calviniste convaincu. De Léry débarque en 1557 et reste dix mois sur place. Le récit de son séjour, « Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil » fut publié en 1578. Une autre tentative de colonisation française du Brésil eut lieu dans la région d’Ibiapaba-Ceara entre 1590 et 1604. Henry IV avait décrété en 1604 que le commerce maritime ne dérogeait pas. Tout noble pouvait s’y livrer, sans perdre ses titres et ses qualités. Une telle décision avait pour but de développer des voyages dans des buts commerciaux. En 1604, Daniel de la Touche de la Ravardière effectua une expédition en Guyane pour rejoindre une expédition française qui s’était installée sur l’Oyapock. A son retour en 1605, le roi lui avait concédé, « les Isles et terres du Maragnon et contrées adjacentes ». Ce territoire correspondait à celui où l'Amiral de Villegaignon avait tenté, cinquante ans auparavant, d’implanter sa colonie protestante. Tous les espoirs français d’installation dans la région de São Luis de Maranhão, s’évanouissent entre 1612 à 1615, lors de l’expédition conduite par Daniel de la Touche de la Ravardière qui espérait fonder la « France équinoxiale ». Il était accompagné du moine cordelier Yves d’Évreux. De retour en France, d’Évreux obtint du roi Louis XIII l’autorisation de publier le récit de son voyage « Les Singularités de la France Antarctique » qui paraît en 1557. Pour de raisons politiques, l’ouvrage est saisi et détruit(4). Yves d’Évreux est autorisé à publier en 1615 la seconde partie de sa relation, « La suite de l’Histoire des choses mémorables advenues sur le Maragnon es années 1613 et 1614 ».


Les premiers relations des voyages contribuent peu à peu à changer la mentalité et le goût de l’époque(5). Un allemand, Hans Staden, partit pour le Brésil en 1547 avec des marins . Il effectua un second voyage durant lequel, capturé par les Tupis, il resta prisonnier 9 mois et failli être mangé. Le récit de Staden, publié en allemand en 1557(6), révélait pour la première fois la réalité de l’anthropophagie de Tupinambas. Il rencontra un succès incroyable. Au début du XVII° siècle l’influence des voyages vers le Brésil prit de l’ampleur. Elle se manifesta par un engouement accru pour les objets exotiques. Montaigne, qui avait à son service un domestique qui avait servi de truchement au Brésil, rapporte : « II se void en quelques lieux et entre autres chez moi, la forme de leurs lits, de leurs cordons, de leurs espées et bracelets de bois de quoi ils couvrent leurs poignets au combat et de grandes cannes ouvertes par un bout, dont le son desquelles ils soutiennent la cadence de leurs danses »(7). Les publications de voyages au Brésil ont finit par faire comparer la vie des Sauvages à un âge d'or. « Le bon Indien va paraître réunir en lui toutes les vertus antiques et chrétiennes, c'est de l'Amérique et des Îles que l'on va rêver et c'est des récits de voyages qui abondent avant Rousseau et dont Rousseau s'inspire » (Chinard(8) 1934 : 7).


16th century image of a Caribbean native house.

Les relations des missionnaires.

Des missionnaires accompagnent les premiers émigrants. Ce sont eux qui, au XVII° siècle, ont contribué à faire connaître les îles et leurs habitants. En outre, comme l’a souligné Chinard, « ces prêtres étaient en même temps des hommes « cultivés et quelques uns des érudits, presque tous en tout cas d'anciens professeurs …. Leur idéal de vie n'est pas purement chrétien, il est en même temps classique ou antique, et les sauvages américains vont leur apparaître sous les traits des Romains de la République, ils leur prêteront la gravité et l'éloquence de Caton ou de personnages de Tite-Live... »(9) (Chinard 1934 : 6). Jésuites, Capucins, dominicains ou laïcs ont rédigé leurs « Relations » en gardant présent à l'esprit un désir de satisfaire le besoin d'exotisme du public français, par la description détaillée de leur voyage, des plantes et des animaux qu’ils ont vus, des « Sauvages » qu’ils ont côtoyé.

L’influence sur les Callinagos des contacts entre indiens tupis du Brésil et Français.

Après les premières tentatives d’implantation au Brésil, les français prennent réellement pied en Amérique sous le règne du Roi Louis XIII. En 1620, Richelieu se fait décerner par le roi la charge de Grand Maître et Surintendant de la navigation et commerce de France. Courant 1625, un flibustier français, Pierre Belain d’Esnambuc, s’était réfugié sur l’île de Saint Christophe. L’île avait été abandonnée par les Espagnols et était occupée par des Anglais et des Callinagos. Anglais et Français s’entendent pour se partager l’île, mettant rudement à l’écart les Sauvages. Dès 1626, Richelieu fonde, avec l'accord papal (Urbain VIII), la Compagnie de Saint Christophe. En 1627, le Cardinal crée la Compagnie des Indes d'Amérique, sur le modèle de la Compagnie des Indes fondée aux Pays Bas en 1621. L'un des buts avoués de ces compagnies était de fonder des colonies et « maintenir la religion catholique à l'exclusion de toute autre » (Deschamps 1891 : 79). Charles Liénard de l'Olive et Jean du Plessis d’Ossonville prennent possession de la Martinique le 25 juin 1635, au nom du Roi de France. La scène se déroule à Fonds Laillet, non loin du village actuel de Belle-Fontaine, devant un groupe de callinagos (10). Effrayés par les serpents, les français se rembarquent précipitamment et se dirigent vers la Guadeloupe. Ils y débarquent le 28 juin.


Plus de 100 ans de contacts entre les Français et les Tupis au Brésil, puis entre les Callinagos et les Français ont laissé des traces dans la culture callinago. Elles sont surtout perceptibles dans la langue caraïbe avec des mots, qui ont été conservés en français et en créole. Dans le domaine de la cuisine, le « migan », à l’origine une sorte de purée de patates douce et de manioc, dans laquelle les tupis délayaient les cendres de leurs parents défunts, est devenu aux Antilles une préparation à base de fruit à pain, d’épices et de porc. Le « coui », une calebasse coupée en deux, qui est un contenant ou une écope pour vider les canots, se nommait « atagle » en caraïbe insulaire. Manioc est le mot tupi pour désigner la racine que les Callinagos consommaient sous le nom de « kiere ». Le mot « tapioca » est tupi. « Ouassou » désigne en tupi une grosse écrevisse. Le mot est resté en créole de la Guadeloupe pour une écrevisse de grande taille (Macrobrachium Holthuis) aux pinces impressionnantes. Le « carbet », la maison des hommes c’est « taboui » en caraïbe. Le nom « Agouti », qui s’applique à un petit rongeur, que l’on peut rencontrer à la Désirade, devenu plus rare sur la côte sous le vent de la Basse terre de Guadeloupe, est tupi. Il a supplanté le mot « picouli » en caraïbe insulaire. « Giraumon », une citrouille, est tupi. « Maringouin », un moustique, et « Sarigue » (Didelphis marsupialis ), un opossum sont aussi tupis. L’expression faire un « caouinage » que l’on retrouve dans les relations de chroniqueurs du XVII° siècle, pour désigner les grandes fêtes durant lesquelles les Callinagos buvaient énormément de bière de manioc, le « ouicou », vient du tupi. C’est enfin un autre mot tupi, « caraïbe », qui désignait le chamane, qui, par confusion avec le mot caribe utilisé par les Espagnols et carib en anglais, a conduit à appeler les « Callinagos », les Caraïbes. On ne devrait pas substituer au nom Callinago, celui de « Caraïbe » pour remplacer le terme « Caribe » des chroniques espagnoles antérieures à la découverte du Brésil. Enfin, l’une des expéditions tardives vers le Brésil, sous la direction d’un certain Capitaine Fleury, s’est effectuée en 1618-1620. Elle est à l’origine de la plus ancienne relation connue sur les Caraïbes. Arrivés à la Martinique avec un navire en piteux état, au terme de nombreuses péripéties, alors qu’ils revenaient vers la France plus pauvres qu’au départ, les français affamés et épuisés furent accueillis dans un village de caraïbes. Parmi l’équipage se trouvait un érudit. Il a relaté son voyage dans la chronique qu’il tenait. C’est ainsi qu’il a décrit dans le détail la vie quotidienne des habitants du village dans lequel il a séjourné dix mois. Ce séjour s’est passé quinze ans avant l’arrivée du père Raymond Breton à la Martinique. Cette « Relation d’un infortuné voyage fait en la terre de Brésil », dont l’auteur n’est toujours pas identifié, a été découverte par Jean Pierre Moreau, dans les manuscrit de la bibliothèque Imguibertine de Carpentras, en France. Il l’a publiée en 1987, sous le titre « Un flibustier français dans la mer des Antilles en 1618/1620 ».

Maisons des Tainos

Il m’a semblé intéressant d’évoquer les liens commerciaux et culturels qui reliaient au 16° et 17° siècles des îles des Petites Antilles au Brésil, par le biais des voyageurs français. Les descriptions des amérindiens brésiliens quoique leur culture soit différente de celle des Caraïbes apportent d’importantes informations qui contribuent à éclairer des aspects des croyances et des pratiques des Caraïbes insulaires relatées par les chroniqueurs qui les ont côtoyés.

H. Petitjean Roget



Notes

(1) Mollat du Jourdin, Michel et Jacques Habert. Giovanni et Girolamo Verrazano navigateurs de François I er. Imprimerie nationale. Paris 1982.

(2) Mollat du Jourdin…1982 : 124.

(3) André Thevet. Le Brésil et les Brésiliens ». Les français en Amérique durant la deuxième moitié du XVI° siècle. Choix de textes et notes par Suzanne Lussagnet. Presses Universitaires de France 1953

(4) La relation n’est connue que par un seul exemplaire qui a été conservé par chance par François de Razilly qui avait participé à l’expédition.

(5) « C’est Rabelais, avec son « Pantagruel » publié en 1552 qui reflète le plus la pensée des français de l’époque. « Il n’a pu connaître que les explorations portugaises et espagnoles et les premières explorations françaises. Marthyr de Angleria, Oviedo, les relations de Colomb, de Vespuce, Jacques Cartier ont été à peu près ses seules sources d’informations » (Deschamps 1891 : 22)

(6) Staden Hans , véritable histoire et description d’un pays habité par des hommes sauvages, nus et anthropophages , situé dans le nouveau monde nommé Amérique, inconnu dans le pays de Hesse avant et depuis la naissance de Jésus-Christ jusqu’à l’année dernière. Hans Staden de Hombourg, en Hesse, l’a connu de sa propre expérience et le fait connaître actuellement par le moyen de l’impression. Marbourg, chez André Kolben, 1557 Traduction française . Éditions AM Métaillé. Paris 1979

(7) Essais 1. 31, cité par Deschamps 1831 : 37

(8) Chinard, Gilbert. L’ Amérique et le rêve exotique dans la littérature française au XVII° et au XVIII° siècle. Paris Librairie E. Droz. 1934

(9) Chinard, Gilbert. L’ Amérique et le rêve exotique dans la littérature française au XVII° et au XVIII° siècle. Paris Librairie E. Droz. 1934.

(10) Un tableau du peintre Théodore Gudin (1802-1880), a évoqué de façon très romantique sur fond de cocotiers en bord de plage, la scène de prise de possession de l’île.


Orientations bibliographiques

Chinard, Gilbert. L’Amérique et le rêve exotique dans la littérature française au XVII° et au XVIII° siècle. Paris Librairie E. Droz. 1934

De Dampierre, Jacques. Essai sur les sources de l’histoire des Antilles françaises (1492-1664) : Mémoires et documents publiés par la société de l’École de Chartres VI. Paris. A picard et fils, Éditeurs. 1904.

Deschamps, Louis. Histoire de la question coloniale en France. Plon. Paris 1891

Gannier, Odile. Les derniers indiens des Caraïbes ; Images mythe et réalité. Ibis rouge éditions. 2003.

Moreau, Jean-Pierre. Un flibustier français dans la mer des Antilles en 1618/1620. Manuscrit inédit du début du XVII° siècle publié par Jean-Pierre Moreau. Éditions Jean-Pierre Moreau. 56 rue Emmanuel-Sarty, 92140, Clamart. 1987

Mollat du Jourdin, Michel et Jacques Habert. Giovanni et Girolamo Verrazano navigateurs de François I er. Imprimerie nationale. Paris 1982.

Staden, Hans. Nus féroces et anthropophages. 1557. Éditions A.M. Métailié. Paris 1979


Pointe-à-Pitre Mercredi 29 septembre 2010