lundi, août 31, 2009

1910 - 2009 : Un siècle de luttes en Guadeloupe

1910 - 2009 : Nou toujou goumé



Wi sé vré lespwa éklò pendant les 44 jours de grève générale que nous avons mené en Guadeloupe. Dans notre pays de janvier à mars 2009, les femmes, les hommes, la jeunesse, les travailleurs : le peuple a envahi la rue pour signifier aux pwofitan, à tous les pwofitan notoires, sa revendication de vivre autrement.
Wi sé vré, par milliers, NOU Les guadeloupéens, Nèg, Zendyen, Blan, avòté kon matrité, avons fait la démonstration, avec nos mès é labitid, paré de nos couleurs, scandant notre chanté, que konplo a nèg a pa konplo a chyen !
Faut-il voir là, comme certains, un certain hasard qui sait si bien faire les choses, ou pire, une chance providentielle, cadeau tombé du ciel ? Erreur masili a gwotèt !
C’est bien là le fruit d’une construction par des luttes successives que bien d’autres vayan avant nous, d’autres Nonm é Fanm, ont mené depuis tantôt. Sé on filyasyon a konba a pèp, konba a travayè é a mouvman kiltirel.
Wi sé vré, padavwa sonjé :
Février et mars 1910, la grève des ouvriers agricoles de la Grande-Terre et de la région de Capesterre Belle Eau pour revendiquer la suppression du travail à la tâche et des augmentations. Bilan : 4 morts et 12 blessés.
Février 1925, grève des petits planteurs, à l’usine de Duval, Petit-Canal, pour réclamer un meilleur prix de la tonne de cannes. Les militaires présents tirent sur les manifestants. Bilan : 6 grévistes tués et 7 blessés.
Février 1930, Tuerie de Bonne-Mère et des Abymes. Non respect par les usiniers de l’arrêté du gouverneur qui fixe le prix de la tonne de cannes à 127, 75 francs et une augmentation de 10% de salaires pour les ouvriers agricoles. Les gendarmes fusillent les grévistes. Bilan : 3 morts.
14 février 1952, grève des travailleurs dans la région du Moule noyée dans le sang. Meilleure rémunération de la journée de travail, allègement des tâches, meilleur prix de la tonne de canne, sont les principales revendications des petits planteurs et colons de la Guadeloupe. Suite aux barrages érigés à l’entrée de la ville du Moule, les CRS tirent sur la foule ; tuant 4 guadeloupéens (Constance DULAC, Capitolin JUSTINIEN, Edouard DERNON et François SERDOT) et en blessant 14.
Mai 1967, grève des ouvriers du Bâtiment réclamant 2% d’augmentation et de meilleures conditions de travail. Là encore, les CRS tirent sur les guadeloupéens partout dans les rues de Pointe à Pitre. Bilan : 87 morts, dont Jacques NESTOR, et 200 arrestations.
1971, grève de L’UTA pour revendiquer sa représentativité. Mouvement de grande envergure qui s’étendra dans le secteur du Bâtiment avec l’unité syndicale comme ferment de la lutte et le soutien des étudiants, lycéens et enseignants. [1]
1972, année de bilan et de consolidation. Mise en place des écoles du soir pour l’éducation populaire. Grande collaboration des intellectuels avec les travailleurs paysans et les ouvriers. Epoque des grands koudmen dans les champs.
1975, grève dans le secteur de l’industrie sucrière. Séquestration des directeurs d’usines. Remplacement des travailleurs guadeloupéens par des travailleurs haïtiens déportés. Grève de la faim du père Chérubin CELESTE en soutien aux manifestants grévistes. Grand soutien des étudiants, lycéens et enseignants, des artistes.
1982, grève à Air Guadeloupe.
1985, l’affaire Georges FAISANS.
1999, l’affaire Pascal SEBASTIEN.
2001, l’affaire Michel MADASSAMY.
Par conséquent on comprend aisément qu’après une telle succession de luttes en Gwadloup, qu’il n’y a pas de place pour le hasard.
Liyannaj Kont Pwofitasyon s’inscrit bien évidemment dans cette continuité du soulèvement des masses, affirmant constamment lalit klas kont klas ainsi portée par des hommes et des femmes, syndiqués ou non, des associations culturelles et politiques, contre la pwofitasyon et pour la dignité et le travail. Mouvement rassembleur et largement fédérateur de revendications qui a su faire état de sa capacité à liyanné la lutte de masse lors des grands rassemblements et la lutte militante sur les barrages.
Malgré certaines conséquences dramatiques comme la mort de Jacques BINO et du jeune Steeve FISTON, l’amplification du mouvement et le franchissement de tous les obstacles ont permis au LKP de faire tomber au fur et à mesure toutes les oppositions et obtenir la signature de l’accord salarial interprofessionnel jacques BINO dès le 26 février 2009 et du protocole d’accord du 4 mars 2009.
Ainsi donc, pour nous adhérents, militants et dirigeants de L’UGTG, c’est la traduction la plus fidèle de notre engagement pris sur nos orientations lors de nos trois derniers Congrès :
2002, Gwadloup péké konstwi san travay ni san travayè.
2005, Sé Fanm, Nonm é angajman, An konsyans, balan é inité, san janmé manjé an men a yo Ka kalbandé espwatasyon kapitalis é kolonyalis.
2008, Sé silon jan ou bityé ou kapab rékolté saw planté. Annou kontinyé nouri lalit. Pon disou pa pèd !
Nous pouvons aisément comprendre les contorsions multiples et le malkadik qui secouent nos politiciens et autres accoucheurs de pensées. Car un tel déferlement a Fanm, Nonm et de créativités d’un peuple constamment réprimé, dénigré, ne peut que désemparer et faire grincer jusqu’à exploser les sempiternels rouages.
Mais pour nous, acteurs depuis l’aube, c’est bien cette partition que nous comptons jouer sans relâche avec détermination. Immense fierté a kontinyé nouri lalit sur l’idée que nous nous faisons de nous mêmes et sur nos prétentions à la construction d’une société nouvelle et plus juste pou nou é pou pitit annou.
Encore une fois, Liyannaj Aksyon, Kanpèch... LKP, c’est NOU. Toute une suite d’expériences construites par les luttes que nous avons menées et qui aujourd’hui nous autorisent à toujours plus d’audace pou maché si yo.
UGTG - Juillet 2009
Source : La Lettre du Militant, Journal d’information des adhérents de L’UGTG

dimanche, août 30, 2009

Fesman : Doit-on occulter la dimension Arabe de la culture noire ?


Dès sa première édition, le festival n’a été qu’une succession de nuits folkloriques où régnaient les tambourins. Et des pas de danse plus ou moins bizarres, voire diambiques. Ces grands du monde noir n’y ont jamais pris part. S’ils n’en ont pas été écartés ! Je pense à des sommités comme PELE, Cassius CLAY (MUHAMED ALY), RAY CHARLES, MARTIN LUTHER KING, MALCOM X, SIDNEY POITIERS, HARRY BELAFONTE, ALBERT LUTHILI, DESMOND TUTU, MANDELA, CAMARA LAYE, KWAME NKRUMAH, JULIUS NYERERE et même - tenez-vous bien - CHEIKH ANTA DIOP.

L’organisation n’a jamais tenu compte de la première critique du Prix Nobel de Littérature Wole SOYINKA. Expression simple, mais combien profonde : «Le tigre ne crie pas sa tigritude, il griffe». En d’autres termes, il ne faut pas se contenter de paroles superficielles (même bien distillées). C’est d’action en profondeur que nous avons besoin. Ayant été aux côtés du Chef de l’Etat, Me Abdoulaye WADE, au siège des Nations Unies à New YORK pour le lancement du FESMAN, je me demande aujourd’hui si l’objectif était de faire adhérer la diaspora vivant aux Amériques. Si tel est l’objectif, le résultat sera nul. Car rien n’est fait à cet effet. En outre, si l’objectif était de conscientiser le continent, la chose parait, aujourd’hui, bien sénégalo-sénégalaise.
Pour en venir à la dimension arabe de la chose africaine, il y a lieu de rappeler que le Yémen (berceau des Arabes), le sud de l’Arabie et l’actuel sultanat d’Oman ont presque toujours fait partie de l’Abyssinie. D’ailleurs, c’est du Yémen que régnait la Reine de SABA. C’est le lieu où fut érigé le premier barrage permettant la rétention des eaux de la rivière Aarym, pour les cultures de contre-saison. Sur les vestiges de ce barrage, l’on trouve des inscriptions en Ghez, langue d’Abyssinie, probablement ancêtre des langues sémites que sont l’Arabe, l’Hébreu et même l’Araméen parlé par JESUS. Cette langue africaine était écrite avec des idéogrammes, dont l’alphabet a fortement inspiré les écritures arabes, grecques et même latines.
La Mecque, en tant que centre spirituel, a vu les prêtresses éthiopiennes dominer ce sanctuaire durant les périodes qui ont précédé l’ISLAM. La montagne qui jouxte la KA’ABA s’appelle le Mont des Abyssins. La KA’ABA, elle-même, doit être toujours habillée d’une étoffe noire. Couleur sacrée. La pierre angulaire du sanctuaire s’appelle Pierre Noire ou Pierre du Noir. Nous savons que la littérature arabe antéislamique était dominée par les sept plus grands poètes arabes de tous les temps. L’un des plus célèbres parmi eux, le prince noir Antar, chantait déjà sa couleur dont il était fier :
« Par ma couleur, comme la nuit, à mes ennemis, je fais peur. Par mon immensité, je les absorbe. Et, ainsi, en moi, je sens leur torpeur». D’ailleurs l’Arabe est la seule langue où le mot Noir et Seigneur découlent de la même racine linguistique : saada, yaa suudu ; si yaadatan (seigneurie) sa waadan (noirceur)

Le premier khalifat noir

Combien savent qu’au IXème siècle, un khalifat noir fut fondé autour de l’actuelle ville de Bassorah ? Qu’il s’étendait jusqu’à l’actuel royaume de Bahreïn et jusqu’à la région iranienne du Khûzistân? Le Roi ALI, surnommé Shirzanj -le Lion Noir- y avait bâti monnaie et organisé une armée régulière qui avait résisté à trois khalifes Abbassides de Bagdad. L’un après l’autre, ils finirent par reconnaître, de facto, sa souveraineté sur cette zone. Durant une période qui s’étala sur 20 ans. Le Roi ALI avait même renversé la pyramide généalogique.

Au point que seul un Noir pouvait être Chérif et se réclamer du PROPHETE (L’Homme au Turban et à l’Etendard noirs). L’influence de ce khalifat traversa la Mer Caspienne, pour voir ses plénipotentiaires atteindre la cour de Russie. Un FESMAN où des pans de la géographie, de la religion, de la culture sont occultés, est-il celui que nous devons célébrer ? Une influence qui a fait que le PROPHETE de l’ISLAM ait choisi la couleur noire pour son étendard et son turban, pour se distinguer (Lui et Sa Descendance) des autres, ne doit pas être occultée. A moins qu’il ne s’agisse de profiter d’une occasion pour faire la promotion d’un certain paganisme, auquel l’on aura voulu donner une couleur obscure.

Ahmed Khalifa Niasse
Président du Présidium du F.

5/06/09

samedi, août 29, 2009

La révolution haïtienne, trop longtemps occultée, par Jean-Michel Caroit


Rendre justice à la révolution haïtienne dont la portée universelle a été longtemps occultée après la révolte victorieuse, en 1791, des esclaves de Saint-Domingue. Dans ce but, l'Unesco a organisé, du 21 au 23 août à Port-au-Prince, un colloque international sur "la révolution haïtienne et l'universalité des droits de l'homme". La commémoration et le travail de mémoire avaient été troublés en 2004, année du bicentenaire de l'indépendance d'Haïti, par les violents affrontements qui avaient précédé le départ en exil de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide.
"La révolution haïtienne a été un moment-clé de l'histoire de l'humanité", a souligné Pierre Sané, le sous-directeur de l'Unesco. Elle a donné corps au concept de l'universalité des droits humains. La première République noire est aussi devenue "le catalyseur de la libération des oppressions esclavagiste et coloniale". Elle a apporté "la première contribution majeure et concrète au combat antiraciste mondial naissant".

Cette révolution était "impensable", selon le mot de l'anthropologue Michel-Rolph Trouillot, en raison de sa radicalité face à la pensée dominante de l'époque. Elle a dépassé les révolutions française et américaine en étendant le concept de droits humains à l'ensemble de l'humanité, sans distinction de race ou de sexe. Les rédacteurs de la déclaration française de 1789 se référaient à l'homme occidental "blanc" lorsqu'ils écrivaient : "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit." La révolution haïtienne ajoutera l'adverbe "tous": "Tous les êtres humains..."

L'insurrection des esclaves de Saint-Domingue, la plus riche des colonies françaises, était considérée comme une "aberration de l'Histoire" par les puissances du XVIIIe siècle. Elle remettait en cause les fondements du système économique dominant : la plantation, productrice du sucre, dont l'importance dans le commerce international est comparable à celle du pétrole aujourd'hui, l'esclavage et la traite négrière. Face à la Société des amis des Noirs, le club Massiac, représentant le parti colonial, soutenait que la fin de l'esclavage provoquerait la faillite de l'économie française. Craignant la contagion dans leurs colonies, les grandes puissances de l'époque ont mis la jeune République noire au ban des nations.

En Europe et aux Etats-Unis, la presse a construit l'image d'une insurrection sanguinaire et sauvage ne méritant pas le nom de révolution. Les historiens, de Michelet à Renan, ont nié ou minimisé son impact. Dans l'histoire officielle, le corps expéditionnaire de Napoléon, envoyé pour rétablir l'esclavage et la colonie de Saint-Domingue, n'a pas été défait par les combattants haïtiens, mais par les épidémies. L'intellectuel haïtien Laënnec Hurbon a déploré que l'esclavage demeure "un impensé de la philosophie politique moderne ", y compris chez des auteurs comme Michel Foucault ou Jürgen Habermas.

Le Martiniquais Aimé Césaire (Cahier d'un retour au pays natal), le Trinidadien C.L.R. James (Les Jacobins noirs), le Cubain Alejo Carpentier (Le Royaume de ce monde) et l'Afro-Américain Frederick Douglass ont été les premiers à rendre compte de la dimension de la révolution. "Haïti est la terre mère idéologique de la Caraïbe, le lieu où la lutte pour la liberté a produit une conscience collective, une nouvelle façon de penser la question raciale et de concevoir l'identité nationale", a relevé l'universitaire Michael Dash. Pour Césaire, Haïti est le lieu "où la négritude se met debout pour la première fois" et Toussaint Louverture est le restaurateur de la dignité des Noirs.

L'onde de choc de la révolution a accéléré l'abolition de l'esclavage dans les autres colonies françaises des Antilles et la fin de la traite, d'abord décrétée par le Danemark, en 1803. Internationalistes, les révolutionnaires haïtiens ont apporté leur soutien aux mouvements d'indépendance latino-américains : au Vénézuélien Francisco de Miranda dès 1806, à Simon Bolivar, au Mexique, et à la Colombie.

Certes, plus de deux siècles après cette épopée, la révolution est inachevée. Les droits humains ont été bafoués durant de longues périodes de dictature comme celle des Duvalier au XXe siècle. Haïti est aujourd'hui un des pays les plus pauvres de la planète, soumis à un semi-protectorat qui ne dit pas son nom. Sa souveraineté est limitée par la présence de 9 000 casques bleus. Plusieurs dizaines de milliers d'enfants, les restaveks, travaillent comme domestiques. "Haïti n'a pas su entrer dans la modernité", a regretté le chercheur haïtien Watson Denis. "Le doute persiste sur la portée universelle de la révolution haïtienne car Haïti a raté sa sortie de l'esclavage", a renchéri M. Hurbon.

Plusieurs intervenants ont suggéré d'ancrer Haïti "dans le destin africain". M. Sané s'est prononcé pour son adhésion à l'Union africaine. Il a préconisé "l'érection de l'ensemble d'Haïti en Patrimoine de l'humanité comme symbole de la résistance triomphante face à l'esclavage". En hommage aux révolutionnaires haïtiens, le président du conseil exécutif de l'Unesco, le Béninois Olabiyi Yai, a appelé tous les pays du monde à inclure la lutte contre l'esclavage et la traite négrière dans les manuels scolaires.

Correspondant en Amérique centrale
Courriel : caroit@lemonde.fr

Jean-Michel Caroit

vendredi, août 28, 2009

Pr Iba Der Thiam (Historien) : ‘L’Afrique est aujourd’hui universellement reconnue comme le berceau de l’humanité’


L’égyptologue Cheikh Anta Diop l’avait dit et répété : Les Noirs sont à l’origine de la civilisation humaine puisque l’Afrique est la mère des civilisations et des nations. Des chercheurs africains-américains viennent de le confirmer, révèle le Pr Iba Der Thiam dans l’entretien qu’il nous a accordé sur l’antériorité des civilisations noires. Selon lui, ces chercheurs ont porté le flambeau à un niveau d’analyse et de recherche qui a balayé toutes les contrevérités enseignées encore de nos jours. Entretien à bâtons rompus.

Wal Fadjri : Vous avez dit, récemment, que le peuple noir était à l’origine de la civilisation. Pourquoi cela n’est-il pas enseigné dans les écoles d’Afrique et des autres continents ? Le racisme et les préjugés n’auraient-ils pas diminué, si de telles informations étaient connues du grand public ?

Iba Der THIAM : Je confirme l’idée que ‘l’Afrique est la mère des civilisations et des nations’. Cette expression n’est pas de moi, mais d’un chercheur américain, nommé Georges Welles Parker, né en 1882. Avant lui, un autre savant Gerald Massey, né en 1828, disait que ‘l’Afrique est le berceau et l’Egypte, la voie’. Il était l’un des plus grands spécialistes de l’Antiquité de son époque.

Il faut, en effet, savoir que, depuis le XIXe siècle, des anthropologues, des archéologues, des historiens, des linguistes, des spécialistes des religions, des spécialistes de l’architecture se fondant sur des documents irréfutables, sur des témoignages d’auteurs grecs comme Homère, Ephore, Diodore de Sicile, d’autres, latins ou arabes, comme Al Jahiz, qui a écrit un livre intitulé : ’Des titres de gloire des Noirs sur les Blancs’, au VIIIe siècle, avaient, tous, signalé le rôle que les civilisations noires ont joué dans la naissance et la diffusion du progrès par leur présence, depuis l’aube du temps, en Asie et en Europe, par exemple. Cette présence, estiment les spécialistes, a duré environ 300 millions d’années.

Si ces notions ne sont pas encore enseignées, la faute incombe aux Africains et aux citoyens des autres continents. Il est clair que si ces notions étaient diffusées, connues et enseignées, bien des choses auraient été différentes.

Wal Fadjri : Comment ce processus s’est-il effectué ?

Iba Der THIAM : L’Afrique est, aujourd’hui, universellement reconnue, comme étant le berceau de l’humanité. C’est, donc, sur son sol, que se sont constituées les premières formations sociales. C’est d’Afrique que les premières populations, dont la peau était noire, en raison des conditions climatiques tropicales, ont essaimé en direction des autres continents. Tout cela, Cheikh Anta l’avait dit.
Wal Fadjri : Cela veut-il dire que la dispersion des populations noires à travers le monde ne s’est pas opérée pendant l’esclavage, c’est-à-dire, les traites arabes et atlantiques, comme on le dit souvent, mais bien avant ?

Iba Der THIAM : C’est la stricte vérité. L’esclavage et les traites négrières arabes, en particulier, n’ont duré que du VIIe au XIXe siècle. Certes, des Noirs ont été tirés et vendus d’Afrique, par exemple, avant le VIIe siècle. Ce dont nous parlons, précède de beaucoup la traite pharaonique, grecque, romaine ou arabe. Elle date de 300 millions d’années. Tout cela, les savants occidentaux le savaient, depuis le XIXe siècle, au moins, mais ils l’avaient soigneusement caché et travesti. En effet, entre le IVe et le VIe siècle, la théorie de la damnation de Cham avait été élaborée et diffusée par certaines religions. C’est elle qui, entre autres facteurs, a servi de fondement à la traite négrière et au Code noir et, plus tard, à celui de l’indigénat du 30 septembre 1887. On disait que le Noir n’avait pas une âme, qu’il incarnait la couleur du péché, celle du démon et de la perversion. Dans la même lancée, alors que le Noir était la couleur des divinités les plus respectées, y compris de La Vierge Marie, dans beaucoup de cultures, on en a fait la couleur de Satan et du diable, en lui substituant la couleur blanche. Jean Devisse, ancien directeur du Centre d’études africaines de la Sorbonne, dans un ouvrage publié en 1987 (L’image du Noir au Moyen-Âge) devenu classique, rend compte de ce processus.

Fait aggravant, à l’époque des ‘Lumières’, on a glorifié la supériorité de la culture européenne sur toutes les autres cultures, au point d’en faire, avec le soutien de l’Eglise, des modèles et des références et même des instruments de mesure par rapport à toutes les autres cultures connues de l’époque. Doudou Diène a expliqué, dans une conférence faite au Guatemala sur la diversité, le rôle que Voltaire et le botaniste Buffon, par exemple, ont joué dans cette entreprise. Il a découlé de tout cela, la notion de ‘mission civilisatrice’, celle de la ‘hiérarchie des races’ si chère à Gobineau, avec pour corollaire, la légitimation de la domination coloniale, de l’expansion impérialiste et du partage de l’Afrique, au Congrès de Berlin, en 1884-1885.

Pourtant, dès le XVIIIe siècle (1787), le Comte de Volney avait révélé le rôle que les civilisations noires avaient joué dans l’Egypte Antique. Edward Blyden avait conforté ces thèses, de même que Mortillet, donnant ainsi raison, par anticipation, à l’inégalable égyptologue sénégalais, notre maître à tous, le Professeur Cheikh Anta Diop. Marcus Garvey, dans sa Revue ’Le Monde Noir’ avait, lui aussi, développé l’antériorité des civilisations noires et africaines sur les autres.

Wal Fadjri : D’où est-ce que tout est parti ?

Iba Der THIAM : Ce sont des migrants noirs venant de la Vallée du Nil, qui ont donné naissance à la civilisation de Summer, dont l’éclat rayonna sur toute l’Asie, sur l’Europe et même au-delà. Les summériens étaient appelés les ‘têtes noires’. Les villes assyriennes de Ninive et Babylone étaient peuplées de Noirs. Ce sont ces peuples anciens dans lesquels, les Noirs dominaient, qui ont inventé les mathématiques, l’astronomie, l’alphabet, l’écriture, le calendrier, la religion, créé des villes, développé l’architecture, bâti des empires.

Les auteurs de ces belles réalisations appartiennent à une civilisation originaire de la Vallée du Nil, comme le sont nos ancêtres primitifs, qui ont quitté l’Afrique pour coloniser l’Europe, le Moyen-Orient et l’Inde, il y a plus d’un million d’années. L‘Inde où existent, encore, dans la baie du Bengale, des populations noires d’origine africaine, appelées ‘Andamans’, qui s’y sont établies depuis 60 000 ans. Le numéro du 28 mars du journal ‘Le Monde’ leur a, d’ailleurs, consacré un reportage récemment. Il ne s’agit donc pas d’un rêve narcissique, mais d’une réalité scientifique établie.

La présence noire est, également, attestée dans tout le reste de la Mésopotamie, en Jordanie, en Palestine, en Ouzbékistan, au Kazakhstan, à Myanmar, au Cambodge, au Vietnam, au Pakistan, en Indonésie, en Iran, aux Philippines, en Malaisie, en Thaïlande et dans toute l’Asie du Sud-Est, y compris dans les îles. Ils sont plus de 350 millions rien qu’en Asie. Ce sont ces Noirs qui ont produit la prestigieuse civilisation d’Angkor et mis au point des canaux d’irrigation, dont certains avaient 64 kilomètres de long, des ouvrages hydrauliques admirables, des lacs artificiels, dès le IXe siècle, une civilisation qui a duré 600 ans. Ce sont des Noirs qui ont conçu un statut avancé de la femme à Elam.

Tout ceci, l’incomparable Cheikh Anta Diop l’avait pressenti et quelquefois, révélé. Après lui, heureusement que les Africains-Américains, qui se réclament, tous, de sa pensée, de ses idées et de son école, ont porté le flambeau à un niveau d’analyse et de recherche, qui a balayé toutes les contrevérités qu’on enseigne, encore, de nos jours et révélé, publiquement, ce qu’on cache au reste de l’humanité, par une conspiration du silence, qui constitue, assurément, la plus grande entreprise de falsification intellectuelle de notre temps.

Oui, les Noirs sont à l’origine de la civilisation humaine. Ils ont été les pionniers du progrès. Cela a été tellement évident dans l’Antiquité que, dans des pays comme le Japon, dont les premiers habitants étaient, eux aussi, noirs, l’histoire a même retenu l’existence d’un shogun noir. Mieux, la notion de Samouraï, si chère à la culture nipponne, doit beaucoup à la culture noire, puisqu’un proverbe japonais dit que ‘pour qu’un Samouraï soit courageux, il faut qu’il ait un peu de sang noir’.
Ce sont les Noirs, également, qui ont été les premiers occupants de la Chine où des tests d’Adn ont prouvé que 1/5 de la population totale de la Chine actuelle présente des caractères génétiques d’origine africaine. Ce sont les Noirs qui ont été, également, les premiers occupants de l’Arabie, où beaucoup de familles khoraïchites comptaient des Noirs dans leur généalogie.

Ce n’est pas un fait du hasard, si Seydina Muhammad a envoyé, en Afrique, pays d’Abyssinie et de la Reine de Saba, les premiers réfugiés musulmans provenant d’Arabie Saoudite et que la culture arabe confère au mythique Antar, guerrier noir, dont le geste a inspiré toute la chevalerie du Moyen-Orient et de l’Europe, une place tout à fait à part. Le Prophète Daniel, lui-même a été enterré à Elam, autre foyer antique de la civilisation noire. Même Bouddha présente des traits négroïdes incontestables, attestés par tous les chercheurs, sans compter qu’il reçut l’illumination à Bihâr, sous l’arbre Bodhi, dans un environnement, dont le caractère négroïde a été largement attesté.

La présence noire est, également, attestée en Russie, en Colchide, en particulier, que d’anciens égyptiens avaient envahi sous le règne du Pharaon Sesostris. La Colchide sera, d’ailleurs, dénommée sous le régime communiste, le ‘Soviet Noir’. Les Noirs ont été, également, les premiers habitants de la Turquie. Des chefs de guerre, aussi prestigieux que Nemerod ou Memnon étaient, aussi, d’origine noire.

Wal Fadjri : Comment tous ces Noirs, si puissants et si prestigieux ont-ils fini ?

Iba Der THIAM : Dans certains cas, les anciens royaumes se sont effondrés, à la suite de facteurs multiples : décadence, séismes, éruptions volcaniques, etc. Dans d’autres, les envahisseurs étrangers (Aryens, Mongols, etc.) ont surgi et se sont imposés. Les Noirs vaincus, ont été ravalés au rang de classe dominée, comme les intouchables en Inde. Les autres populations, à la suite des mutations climatiques, sur la longue durée et des modifications subies par l’environnement, ont vu la couleur de leur peau passer du brun au jaune, puis au blanc, au cours d’une présence attestée, je le répète, sur environ 300 millions d’années.

Wal Fadjri : Cela veut-il dire que nous appartenons, tous, à la même souche africaine et noire ?

Iba Der THIAM : Cela ne fait aucun doute. L’unité universelle du peuple africain ne peut plus être contestée, de nos jours. Il nous revient de transmettre ce message à toute l’humanité, moins pour en tirer des motifs d’orgueil, de suffisance, d’arrogance, ou de mépris, qu’une attitude de main tendue fraternellement à tous les peuples, dans le respect réciproque et l’égalité absolue. Un grand chercheur américain, nommé Runoko Rashidi, qui se considère comme un élève de Cheikh Anta Diop, vient de publier un livre palpitant, intitulé : ‘Histoire millénaire des Africains en Asie’, dans lequel, il répertorie, avec une rigueur de métronome, tous les travaux scientifiques qui prouvent plus 100 000 ans de présence noire en Asie, présence, au demeurant, tellement forte, que tous les voyageurs européens, qui ont visité ce continent du Moyen-Âge (Marco Polo), les Espagnols, en passant par les Portugais (Magellan), y ont, tous, noté une présence si importante des populations noires, que la communauté scientifique croyait que les Noirs étaient originaires d’Asie, d’où ils s’étaient, ensuite, déplacés, pour venir s’installer en Afrique. Or, c’est le contraire qui correspond à la vérité. Le livre de Runoko Rashidi doit pénétrer dans toutes les écoles, dans toutes les bibliothèques, dans toutes les universités, dans toutes les salles de rédaction des radios, des télévisions et des journaux, ainsi que sa traduction dans toutes les langues, dans Internet.

Wal Fadjri : Ce que vous venez de dire renverse complètement l’ordre culturel existant. Mais ne souffrez-vous pas de vous voir contesté ?

Iba Der THIAM : Tout ce que j’ai avancé est conforme à la vérité. D’autres avant moi l’avaient dit et écrit. Runoko Rashidi a ouvert la voie, en faisant des recherches dans soixante pays, en tenant des conférences dans plus de trente-cinq autres, sur l’antériorité des civilisations noires, thématique à laquelle Cheikh Anta Diop a consacré un livre. Il indique, ce faisant, aux générations présentes et futures d’historiens, la voie à suivre et qu’avait indiquée l’incomparable égyptologue sénégalais.

Nos départements d’Histoire doivent s’ajuster, en donnant à la question de l’antériorité des civilisations noires, une place capitale dans leurs recherches et dans leurs publications, pour que nul n’en ignore et pour que les curricula changent dans nos pays et dans le reste du monde, au nom de la stricte vérité. Si ce combat est mené, l’Afrique et l’homme noir seront réhabilités dans la paix, la fraternité pan humaine et le respect des autres, car, en disant que nous sommes les premiers à avoir civilisé le reste de l’Humanité, nous ne disons que la vérité. Je suis sûr que nous aurons, enfin, le respect des autres.

Propos recueillis par Mamadou Aliou DIALLO

jeudi, août 27, 2009

Saint-George, un Noir pour sauver la République


1745-1799. « Voltaire de la musique », Joseph de Boullongne, devenu le Chevalier de Saint-George, cultivera tous les talents : compositeur, escrimeur et bel esprit des Lumières. Sa couleur de peau le condamnera aux yeux de la « bonne » société blanche.

Au petit matin du 2 avril 1793, les portes de Lille se referment derrière le général Miaczynski, envoyé par Dumouriez pour pénétrer dans la ville par ruse, jeter en prison tous les responsables de la Révolution et marcher ensuite sur Paris avec le reste de l’armée pour rétablir la monarchie.

Un homme va faire échouer ce coup d’État. Il signe ses courriers « Colonel George » ou simplement « George ». C’est le chevalier de Saint-George, colonel noir, musicien et escrimeur de légende. Quelques heures avant que ne s’ébranle l’avant-garde de l’armée de Dumouriez, Saint-George, flanqué de trois officiers dont son lieutenant, Dumas (le père d’Alexandre Dumas), a quitté le camp de Maulde où est stationnée l’armée. À bride abattue, le groupe a foncé vers Lille où le colonel Saint-George a pu prévenir les élus. L’effet de surprise raté, Dumouriez se réfugie chez les Autrichiens. La République est sauvée.

Mais qui est donc ce « fameux Saint-George » dont les livres d’histoire ont oublié jusqu’à l’existence ? Son père, Guillaume-Pierre Tavernier de Boullongne, a émigré en Guadeloupe, ce pays de l’or noir où les fortunes se construisent rapidement sur la peine des esclaves. D’un amour fou avec la plus belle esclave de l’île naîtra sur le lieu-dit Saint-George, le 25 décembre 1739, Joseph. Condamné par sa naissance à devenir esclave car il est le fils d’une esclave et du péché, Joseph dit « de Saint-George » échappe à ce sort grâce à l’amour de ce père qui, fortune faite, amène à Paris le fils et la mère.

Devenu par l’achat de charges l’un des puissants du royaume, Boullongne impose son fils noir à la société blanche, et lui confie les plus grands précepteurs. Travailleur acharné, le jeune métis va bientôt devenir le meilleur escrimeur de France. Mais l’arme avec laquelle il part à la conquête du Paris des Lumières est le violon. Dans les concours, alors très prisés, de virtuosité, il est imbattable. Il l’est aussi dans les salons où madame Roland le croise souvent.

Saint-George devient vite l’un des symboles de ces esprits des Lumières. Il illustre à merveille les discours de ses amis Condorcet et Brissot, qui ont créé la Société des amis des Noirs afin d’abolir l’esclavage. Il va d’ailleurs être le centre de polémiques enflammées. Grimm lui dénie ainsi toute capacité de création car il n’est qu’un « mulâtre » (l’étymologie vient de mulet). En tant que tel, il ne peut, au mieux, qu’être doué de talents d’imitation.

Saint-George répond en musique. D’une part, il innove et invente. Avec Gossec, il va introduire en France l’art du quatuor initié à Esterhaza par Haydn. Et il va surtout incarner ce goût italien défendu par Rousseau qui privilégie les sentiments que doit exprimer la musique. Ses concertos pour violon sont tantôt animés par une joie et une virtuosité incroyables qui évoquent ce « droit au bonheur » revendiqué par les philosophes des Lumières, tantôt empreints d’une profonde mélancolie. Ses créations évoquent Watteau, Fragonard et Greuze. L’abbé Grégoire le désigne, lui, comme le « Voltaire de la musique ».

Saint-George devient vite la coqueluche de ce jardin du Palais royal qui, les soirs d’été, draine l’intelligentsia parisienne. Le duc d’Orléans (le futur Philippe Égalité) a banni du lieu deux symboles de l’oppression : les femmes en tablier et les militaires en uniforme. Sa réputation va bientôt courir jusqu’à Versailles. En 1774, Marie-Antoinette décide de confier à Saint-George la direction de l’Académie royale de musique qui lui confère un droit de regard sur toute la musique jouée en France. Mais la bonne société se cabre. Une bonne partie des musiciens et des divas de l’époque refuse la tutelle d’un Noir. Les journaux s’emparent de cette polémique dont le chroniqueur Bachaumont écrit qu’elle est « la plus grande affaire » depuis 1750. Marie-Antoinette finit par renoncer.

Pour Saint-George, le coup est terrible. Pour la première fois il comprend que, dans cette société, il ne sera jamais considéré comme l’égal des Blancs. Sans doute habilement conseillé par le duc d’Orléans, il s’engage alors corps et âme pour le changement, fréquente la Société des amis des Noirs dont son père va devenir l’un des piliers, puis va devenir le premier franc-maçon à la peau noire. Avec le duc, Saint-George participe aussi à la création du club des Jacobins. Les chroniqueurs le décrivent, ainsi, discutant fermement dans le salon du Théâtre de la Montansier (qui donne sur le jardin du Palais royal) avec Danton et Robespierre.

À l’été 1789, quand la Révolution éclate, il séjourne à Londres où Philippe Égalité en a fait son ambassadeur. Il y fait la une du Times du 4 décembre 1789 pour l’organisation d’une fête célébrant la victoire du tiers état. Au début de 1790, il rentre en France et s’installe à Lille où il apparaît toujours comme le représentant du duc d’Orléans. La fuite de Louis XVI et son arrestation le 21 juin 1791 à Varennes précipitent les événements.

Le 11 juillet, Saint-George s’engage dans la garde nationale et reçoit le grade de capitaine, chargé du commandement d’une des quatre compagnies. L’homme qui se qualifie de « citoyen-soldat de la ville de Lille » fait de nombreuses incursions à Paris où il assiste au déchirement des Jacobins entre les Montagnards et les Girondins. Il émet alors dans un libellé les plus vives craintes sur la montée de Robespierre, Marat et de leurs « factions ». « Conduits par l’envie de faire parler d’eux », ceux-ci saisissent selon lui « toutes les occasions de flatter le peuple » et s’ingénient à « exalter les hommes sans les éclairer ».

Mais la guerre lui impose bien vite d’autres priorités que le débat. Le 25 juillet 1793, le duc de Brunswick menace de détruire Paris. Une délégation d’originaires des Antilles conduite par le député de Saint-Domingue Julien Raymond est reçue à l’Assemblée et propose la création d’une « légion » de volontaires noirs et métis qui combattront pour cette « patrie » qui, le 24 mars précédent, a accordé le droit de vote aux « libres de couleur ». Dans l’émotion générale, le président Hérault de Séchelles répond : « La vertu dans l’homme est indépendante de la couleur et du climat… Vos efforts seront d’autant plus précieux que l’amour de la liberté et de l’égalité doit être une passion terrible et invincible dans les enfants de ceux qui, sous un ciel brûlant, ont gémi dans les fers de la servitude. » Avant d’annoncer que, grâce à eux, Paris deviendra bientôt « la capitale du monde libre ».

Ainsi naît le 13e régiment de hussards, composé de fils d’esclaves ou d’esclaves affranchis, qui sera bientôt surnommé la « Légion de Saint-George », du nom de son premier colonel. À la tête d’une troupe mal armée et mal équipée, Saint-George va livrer des combats difficiles dont témoignent ses hommes. Il assurera aussi, très vite, le lien entre la Convention et Dumouriez, qui est, comme lui, un proche de Philippe Égalité. Le « Colonel George » est donc l’un des premiers que le général informe de son projet de coup d’État et se heurte très violemment à son chef. Et il désobéit pour sauver la République.

Il n’en sera pas récompensé. Quatre jours après l’arrestation de Lille, la Terreur est décrétée et s’acharne d’abord sur le « clan » de Philippe Égalité dont Dumouriez avait été proche avant de s’attaquer aux Girondins - dont les anti-esclavagistes Brissot et Condorcet - qui monteront à l’échafaud en chantant la Marseillaise. Saint-George, lui, est jeté en prison près de Beauvais. Il restera onze mois, jusqu’au 9 thermidor, dans le couloir de la mort.

Après sa libération, il reprend une baguette de chef d’orchestre avant de s’éteindre le 10 juin 1799. « Le bourreau frappe toujours deux fois, la deuxième fois par le silence », a écrit Élie Wiesel. C’est ce qui arrivera à Saint-George. En 1802, l’une des premières décisions de Napoléon est le rétablissement de l’esclavage. Il faut alors faire oublier le génie de Saint-George dont l’oeuvre est jetée aux oubliettes.

Pour faire aimer cette musique si représentative de l’école française des Lumières, pour attester que le talent est indépendant de la couleur de peau et pour montrer que l’homme ne se réalise vraiment que dans l’engagement pour les autres, l’association le Concert de monsieur de Saint-George a entrepris, en 1999, de sortir Saint-George de l’apartheid culturel dont il avait été victime post mortem. En dix ans, une quinzaine de CD ont été enregistrés, des centaines de concerts proposant sa musique en France et à l’étranger (notamment en Russie et aux États-Unis) ont été organisés ainsi que quelques centaines de conférences et expositions. Le dernier concert français, le 17 août, a aussi été un beau message d’espoir puisque le jeune orchestre de Slovaquie jouait à la prison de Fleury-Merogis.

Le rendez-vous est pris pour le 12 septembre avec la représentation à 20 h 30 au Théâtre de Mogador de l’opéra le Nègre des Lumières, écrit sur la musique de Saint-George à partir des airs de ses opéras disparus et inspiré de sa vie. Ce sera la première fois en deux siècles que la musique lyrique de Saint-George sera jouée dans une salle parisienne aussi prestigieuse. Mais ce sera aussi l’une des quatre soirées de la Fête de l’Huma. Cornélien.

Site de l’association : chevaliersaintgeorge.com

Alain Guédé Journaliste, président du Concert de monsieur de Saint-George

samedi, août 22, 2009

23 août : Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition



Message de M. Koïchiro Matsuura, directeur général de l’Unesco, à l’occasion de la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition 23 août 2009

La Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition est un moment unique pour la communauté internationale de concilier ensemble devoir de mémoire et devoir d’histoire. Depuis le lancement en 1994 du projet sur la Route de l’esclave, l’UNESCO entend ouvrir le champ de la coopération scientifique sur l’étude de l’esclavage et de la traite à la pluralité des mémoires, des cultures et des représentations. Un tel respect de la diversité des mémoires est une exigence démocratique qui doit répondre à la demande sociale et s’accompagner de la recherche de références communes. Nous pouvons le faire grâce à une éducation de qualité, pluridisciplinaire, qui intègre dans les manuels et programmes scolaires les enjeux de mémoire et de transmission de mémoire liés à l’histoire de la traite, de façon scientifique et rigoureuse. Nous pouvons le faire également grâce à des politiques de sauvegarde du patrimoine culturel qui rendent compte de la diversité et complexité de cette histoire : ouverture de musées interdisciplinaires, numérisation de cartes et archives, collecte et préservation de traditions orales, identification de lieux de mémoire comme sites reconnus de valeur universelle, promotion d’un tourisme durable respectueux des individus et des environnements socioculturels.

Enfin, et c’est là un choix désormais encouragé par l’UNESCO, il convient de diversifier les approches par aires géoculturelles, et replacer l’histoire de l’esclavage et de la traite dans le contexte d’une histoire globale, couvrant aussi bien la traite atlantique que les traites dite « orientales ». Un dialogue interculturel durable ne peut s’épanouir que dans un rapport apaisé à l’histoire et à la mémoire. Contre toute forme de sacralisation de la mémoire, et pour conjurer les effets dévastateurs des concurrences mémorielles, nous devons promouvoir une recherche et un enseignement de l’histoire qui permette à la fois d’expliquer et de comprendre, de restituer la trame des récits conflictuels, et de combler les silences. En nous rassemblant autour d’une vision partagée de l’histoire de la traite et de l’esclavage, nous pourrons ainsi construire une histoire commune et poser les fondements d’un dialogue interculturel qui délivre un message universel de savoir et de tolérance.

Koïchiro Matsuura

jeudi, août 20, 2009

Victor Hugues, corsaire de la Révolution



1761-1826 . Personnage énigmatique, le commissaire civil délégué par la Convention aux Isles-du-Vent a épousé tous les méandres de son époque. À la Guadeloupe, il usa de l’émancipation des esclaves noirs comme d’une arme dans la guerre contre l’Angleterre, ralliant à son armée les nouveaux libres acquis à la cause républicaine, faisant tomber les têtes des colons blancs royalistes. Le même, huit ans plus tard, fit appliquer avec zèle, à la Guyane, le décret de Bonaparte rétablissant l’esclavage.


« C ette nuit j’ai vu se dresser à nouveau la Machine. C’était, à la proue, comme une porte ouverte sur le ciel. » Sur le pont du navire qui transporte le commissaire civil délégué par la Convention aux Isles-du-Vent, une guillotine se dresse, redoutable instrument enfanté par la terreur et la vertu. La lugubre vision ouvre le Siècle des Lumières, le roman que le Cubain Alejo Carpentier consacra à l’équivoque personnage de Victor Hugues.

Investi de pouvoirs illimités par le Comité de salut public, le révolutionnaire débarque au Gosier, en Guadeloupe, à la fin du printemps 1794. Il apporte le décret du 16 pluviôse qui « abolit l’esclavage des Nègres dans les colonies ». Adopté par la Convention nationale après que Léger-Félicité Sonthonax et Étienne Polverel eurent proclamé l’émancipation des esclaves de Saint-Domingue, le texte dispose que « tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution ». Victor Hugues est chargé de faire appliquer la nouvelle législation dans les colonies françaises de la Caraïbe.

Ce fils d’un boulanger marseillais, qui s’est embarqué dès l’âge de treize ans comme mousse à destination des Amériques, est un personnage énigmatique. Tour à tour flibustier, commerçant, imprimeur, il séjourne pendant près de dix ans à Saint-Domingue, où il fréquente une loge maçonnique et s’imprègne des idéaux des Lumières. À la veille de l’insurrection des esclaves dirigée par Toussaint Louverture, Victor Hugues, pourtant philanthrope et humaniste, se méfie des revendications égalitaires des libres de couleur. Chez lui, comme chez la plupart des révolutionnaires, un incommensurable abîme sépare encore le réel de l’idéal. Fuyant les troubles qui agitent la Grande Île, il revient en France au début de 1790. À Paris, il se mêle aux sans-culottes, affûte ses talents de polémiste, rejoint le club des Jacobins. Un rôle d’accusateur public au tribunal révolutionnaire de Rochefort, puis de Brest, forgera sa réputation de procureur impitoyable.

Lorsqu’il revient dans la Caraïbe, en juin 1794, son mandat tient en quelques mots : « Établir solidement les principes de la Révolution dans les Isles-du-Vent, y défendre la République contre toute agression étrangère (…), punir exemplairement les contre-révolutionnaires. » Dans ces îles d’Amérique se joue alors l’un des actes de la guerre opposant la jeune République à la coalition des monarchies d’Europe. Le 23 mars, malgré la résistance des troupes de Rochambeau, la Martinique est tombée aux mains des Anglais avec l’appui des colons blancs royalistes, opposés à cette abolition au nom de laquelle ont éclaté maintes insurrections. La Guadeloupe, elle aussi, est occupée.

La reconquête de cette dernière est impensable sans l’appui des esclaves noirs, majoritaires dans l’île. Habile tacticien, Victor Hugues usera de leur émancipation comme d’une arme. « Libérer les Noirs, c’était créer une armée pour combattre les maîtres d’esclaves, alliés des Anglais », résume l’historien martiniquais Armand Nicolas. Dès le 7 juin, le commissaire proclame l’abolition et recrute une armée de Noirs et de Mulâtres qui repousse la flotte anglaise et reprend possession de la Grande-Terre. Le 6 octobre 1794, les Anglais capitulent à Basse-Terre. Victor Hugues se retourne dès lors contre leurs complices. Le Tribunal révolutionnaire qu’il installe fait fonctionner la Machine à plein régime. Les têtes des planteurs royalistes tombent. Ceux qui échappent à la guillotine prennent la fuite. En 1790, l’île compte 9 371 Blancs. Cinq ans plus tard, ils ne sont plus que 1 092, dont 255 hommes.

Mais le camp « contre-révolutionnaire » s’étend à mesure que s’affirme l’intransigeance de l’Investi de pouvoirs. De nouveaux affranchis hostiles au système de travail « forcé » institué par les autorités révolutionnaires sur les habitations abandonnées par les maîtres seront, eux aussi, conduits à l’échafaud. Il reste qu’au coeur même de la Terreur, le nouveau régime, avec toutes ses contradictions, fait souffler sur la colonie un vent de liberté.

La Guadeloupe reconquise par la République, Victor Hugues en fait une base arrière de ses offensives contre les Anglais. Il noue des alliances avec les Indiens Caraïbes de Saint-Vincent, regagne Sainte-Lucie, lance des

corsaires à l’assaut des navires de la rivale impériale, s’accommode de la revente des esclaves pris aux Anglais. Si les multiples tentatives pour reprendre possession de la Martinique n’ont pas réussi, cette « guerre de course » terrorise l’ennemi et assure à la Guadeloupe des rentrées financières appréciées de Paris.

Louant le « caractère empli d’énergie et d’audace » de cet homme « d’apparence médiocre, de manières vulgaires, de mauvaise éducation », l’aventurier Alexandre Moreau de Jonnès rapporte que Victor Hugues « lutta contre ses ennemis avec un bonheur dont aucun autre, avant et après lui, n’a pu donner l’exemple ».

À la Guadeloupe, il se fait gestionnaire sourcilleux, inflexible gardien de la séparation des pouvoirs, pourfendeur des croyances religieuses. Ce fin politique, mû par l’obsession de l’ordre, régentera l’île durant quatre ans.

Dans ce nouveau monde lointain, où l’écho des bouleversements qui se nouent à Paris parvient à contretemps, le coup d’État du 9 thermidor ne signe pas la chute du « Robespierre des îles ». Ses détracteurs invoqueront sa duplicité, plutôt que la distance, pour expliquer son exceptionnelle longévité. L’homme, il est vrai, sait louvoyer, contourner les tempêtes, épouser jusqu’à se dédire les méandres de son époque. En décembre 1798, le Directoire le rappelle à Paris. Un an plus tard, le Consulat le dépêche en Guyane, où il institue un régime de travail forcé, prélude au rétablissement de l’esclavage. Victor Hugues, commissaire, puis proconsul de la colonie, fera exécuter le décret du 30 floréal an X rendant les anciens esclaves à leurs chaînes avec autant de zèle qu’il fit appliquer en Guadeloupe le décret d’abolition de la Convention. « Si rétablir l’esclavage est une nécessité politique, je dois m’incliner devant elle », lui fait dire Alejo Carpentier.

Victor Hugues fait ensuite appliquer à la lettre le Code civil, qui interdit strictement les mariages entre Noirs et Blancs, n’admet l’adoption qu’entre personnes de même couleur, frappe de nullité les donations d’un Blanc à un Noir. On dit le proconsul autoritaire, orageux, tyrannique. L’impôt qu’il instaure, surtout, cristallise le mécontentement à son endroit.

Déporté au bagne de Cayenne après le coup d’État de fructidor, le journaliste et chansonnier monarchiste Louis-Ange Pitou brosse de lui un portrait aussi féroce qu’admiratif : « Son caractère est un mélange incompréhensible de bien et de mal ; il est brave et menteur à l’excès, cruel et sensible, politique, inconséquent et indiscret, téméraire et pusillanime, despote et rampant, ambitieux et fourbe, parfois loyal et simple ; son coeur ne mûrit aucune affection ; il porte tout à l’excès : quoique les impressions passent dans son âme avec la rapidité de la foudre, elles y laissent toutes une empreinte marquée et terrible ; il reconnaît le mérite lors même qu’il l’opprime : il dévore un esprit faible ; il respecte, il craint un adversaire dangereux dont il triomphe. (…) Le crime et la vertu ne lui répugnent pas plus à employer l’un que l’autre, quoiqu’il en sache bien faire la différence. (…) Il est administrateur sévère, juge équitable et éclairé quand il n’écoute que sa conscience et ses lumières. C’est un excellent homme dans les crises difficiles où il n’y a rien à ménager. »

Après la conquête de la Guyane par les Portugais, en 1809, Victor Hugues est accusé de trahison, puis acquitté. Il est rétabli dans ses fonctions en 1817. Il s’éteint en 1826, après avoir traversé tous les régimes. Arrivé au Nouveau Monde avec la liberté, il aura emprunté sans états d’âme les chemins tortueux qui menèrent à la restauration de l’ancienne servitude.

Rosa Moussaoui

mercredi, août 19, 2009

Extrait de "Discours afrocentriste sur l'aliénation culturelle


(…) L'Eurocentrisme est un courant philosophico-historique qui vise à faire de l'Europe et en particulier de la Grèce antique, le berceau de l'éclosion du génie intellectuel de l'humanité. Ce courant, aussi appelé "Modèle Aryen" par certains historiens occidentaux (ex.
Martin Bernal), inonde près de 99 % de la production écrite occidentale (ouvrages divers, média...). A vrai dire, on ne peut y échapper.

Quelles sont les particularités de ce "Modèle" ? Né surtout à l'époque des "Lumières", il a pris appui sur le modèle « Sémitico-centriste » qui l'a précédé. Ce modèle vise à son tour à faire du Proche-Orient, le berceau de naissance de l'humanité, de la spiritualité et du savoir. Développé dans les écrits monothéistes issus de cette région, il est complètement battu en brèche par la science mais a la vie dure en raison de l'endoctrinement religieux dont il procède. Il demeure néanmoins, la source originelle de l'apparition de l'antikamitisme dans l'histoire de l'humanité (ex. malédiction de Cham). L'Eurocentrisme donc, fait de la Grèce antique, le berceau des disciplines scientifiques et philosophiques de l'humanité (mathématique, philosophie, architecture, démocratie, etc...). Ainsi, les Thalès, Platon, Euclide et autre Pythagore ont donc été non seulement les premiers penseurs de l'histoire mais aussi les premiers théoriciens dans le domaine de l'investigation scientifique. Tout ce qui a été fait par d'autres peuples dans l'histoire de l'humanité, est systématiquement déprécié ! Ce "Modèle", qui fait la fierté des historiens occidentaux (ils y trouvent la justification historique de leur main mise sur les richesses de la planète), a fait de la négation systématique du génie intellectuel des Kamits, son fond idéologique. Ses règles secrètes établies sont les suivantes et malheurs à tout universitaire qui contreviendrait à celles-ci :
Règle 1 : Ne pas perdre de vue l'objectif suprême : Nier toute intelligence aux peuples noires. Toute démonstration doit aboutir explicitement ou implicitement à cette carence intellectuelle. 1l convient de maintenir dans l'esprit du public la vision d'une Afrique sauvage, non civilisée qui sert éternellement de justification moralisatrice à l'occident.
Règle 2 : Eviter de mentionner les écrits valorisants des explorateurs étrangers ayant visité l'Afrique, peu importe la période. Nier par tous les moyens leurs attestations quant à l'origine nègre des faits
civilisationnels décrits (réalisations architecturales, organisations sociales, découvertes, etc...).

Règle 3 : Tout faire pour nier l'origine africaine des Egyptiens anciens (documentaires, TV, articles de presse, ouvrages historiques, sites web...). Nier ou travestir les écrits des Grecs anciens, des Arabes anciens et des Hébreux, témoins visuels reconnaissant l'origine africaine de cette civilisation. Ne jamais citer les passages concernés. Traiter avec dérision tout auteur reprenant les citations concernées, voir l'étiqueter comme « raciste ».

Règle 4 : Trafiquer la documentation historique africaine : falsifier les textes, les datations, les fresques murales, multiplier les erreurs de traduction. Eviter de dévoiler tout document africain dévoilant l'origine autochtone des Egyptiens anciens.

Règle 5 : Eviter de divulguer les vrais résultats des fouilles archéologiques et des datations au carbone 14 afin de placer continuellement la Mésopotamie devant l'Afrique pour les découvertes cruciales (inventions de l'écriture, des mathématiques, de l'astronomie, etc...). Pour la Mésopotamie, maintenir le flou artistique : Qui a découvert ? Qui a daté ? Quand ? Où ? Comment ? Voilà les questions auxquelles il ne faut jamais répondre.

Règle 6 : Ne jamais dévoiler les résultats des colloques internationaux de confrontation de thèses historiques et scientifiques entre chercheurs panafricains et occidentaux. Passez sous silence l'existence des rapports (Actes) car ceux-ci sont tous en défaveur des thèses historiques occidentales.

Règle 7 : Ne jamais inviter un chercheur non-occidental à un débat public sur l'histoire de l'humanité car il risquerait de dévoiler nos subterfuges.

Règles 8 : Présenter les analyses historiques actuelles comme exactes même si elles sont en parfaite contradiction avec les aveux des historiens anciens. Pour y parvenir, passer sous silence l'existence de documents contradictoires à notre thèse.

Règle 9 : Défendre explicitement ou implicitement, à travers toute analyse historique, la supériorité intellectuelle des peuples nordiques sur l'Afrique noire. Nier l'héritage africain (sciences, culture, spiritualité, etc...) par tous les moyens malhonnêtes.

Règle 10: Ne jamais dévoiler l'intégralité de la documentation historique universelle car cette démarche risque de nuire aux thèses occidentales. Ne jamais citer les travaux de quelconque chercheur ou spécialiste africain. Préserver par tous les moyens la tutelle intellectuelle occidentale.

Règle 11: Injecter artificiellement dans les consciences panafricaines, le souvenir d'une Afrique sauvage, perpétuellement asservie, à la dérive, civilisée par l'occident et sans avenir. Mettre à profit l'ignorance des Noirs vis à vis de leur propre histoire pour les maintenir éternellement en servitude.

Règle 12 : Mettre en quarantaine tout chercheur occidental refusant de collaborer. Résilier les commandes de ses ouvrages, éviter de l'inviter à des débats et le supprimer des listes bibliographiques en université.

Règle 13 : Ne jamais faire la promotion d'un ouvrage émanant d'un auteur panafricain présentant l'Afrique de façon positive et Pragmatique. Au contraire, médiatiser tout auteur panafricain, dévalorisant le continent ou ses ressortissants.

Règle 14 : Faire en sorte que les personnes d'ascendances africaines se culpabilisent au point d'attendre leur salut de l'extérieur.

Règle 15 : Nier l'héritage spirituel de l'Afrique noire et maintenir l'image d'une Afrique maudite en ayant recours à des textes religieux subversifs et sans fondement historique (ex. Malédiction de Cham). Forcer les Africains a ne percevoir leur salut que dans l'au-delà, par le biais exclusif de Dieux étrangers voir même extra-terrestres, qu'ils prieront avec dévotion et naïveté.
Règle 16 : A travers les ouvrages historiques destinés aux enfants, induire explicitement ou implicitement la vision de la hiérarchisation des races chères à Gobineau. Présenter les personnages Noirs exclusivement en position servile même s'il s'agit de civilisations implantées en Afrique. Préférer, des décors précaires (huttes en paille) aux grands empires noirs comme lieu de déroulement des actions. Passer sous silence les cours royales des grands empires, la chevalerie africaine précoloniale et le prestige international des civilisations africaines (..).

De J-Ph. Omotundé Ed. Manaibuc
Image représentant Ramses II

Sonthonax et Polvérel, révolutionnaires oubliés dans la tourmente coloniale !


Envoyés en mission à Saint-Domingue en septembre 1792, ils iront plus loin que leur mandat en proclamant l’abolition de l’esclavage.


La mémoire et l’histoire ne se travaillent pas de la même manière. Le travail de la mémoire se déploie plutôt sur le mode subjectif et contribue ainsi à tout processus d’identification ; le travail d’histoire, lui, a une visée objective (même si celui qui le fait est pétri de subjectivité) que justifie en quelque sorte la lecture critique des archives. Pourtant ces deux types de travaux obéissent au souci vital de l’être humain de trouver réponse théorique et pratique à des questions présentes. S’approprier le passé, de façon mémorielle ou historique, n’a de sens que pour, à l’avenir, reproduire le présent ou, au contraire, essayer de le transformer et commencer à construire un devenir autre pour le genre humain.

Je parle de travail et non de devoir. Car le devoir de mémoire, si couramment imposé aujourd’hui par l’idéologie dominante, a la fâcheuse tendance à proposer une galerie de « héros » (élites aristocratiques ou populaires qu’importe !), et donc laisse souvent de côté les résidus, scories, imperfections ou imprévus de l’histoire concrète. Un tel devoir fait peu de place au débat historique d’idées contradictoires. Alors qu’entre travail de mémoire et travail d’histoire, si les rapports sont contradictoires, ils ne sont pas forcément antagoniques.

J’ai donc choisi ces deux révolutionnaires qui, s’ils sont restés peu présents dans les mémoires, sont pourtant à l’origine, parmi beaucoup d’autres mais à leur manière singulière, d’un processus historique d’importance séculaire : l’abolition de l’esclavage dans les colonies. Que d’autres personnalités comme Toussaint Louverture et Victor Schoelcher aient recueilli les lauriers de la mémoire « collective » dans ce domaine est source d’interrogations fructueuses, en particulier pourquoi ceux-là et non ceux-ci ?

Léger-Félicité Sonthonax et Étienne de Polvérel ont respectivement vingt-huit et cinquante-quatre ans quand ils débarquent, en septembre 1792, à Saint-Domingue, envoyés par l’Assemblée législative comme commissaires civils avec les pleins pouvoirs. Leur mission ? Faire appliquer le décret du 4 avril qui accorde la pleine citoyenneté à tous les libres de couleur, c’est-à-dire aux affranchis. Mais pas aux esclaves, cela va mieux en le disant !

Pourquoi eux et pourquoi Saint-Domingue ? Tous les deux avocats, puis journalistes après 1789, proches de Brissot au club des Jacobins, ils se font connaître par leurs positions anticoloniales. Saint-Domingue est alors la plus riche colonie sucrière de l’empire colonial français. Or, le 29 août 1793, Sonthonax proclame l’abolition de l’esclavage au Cap-Français, suivi par Polvérel les 21 et 27 septembre pour les provinces de l’ouest et du sud. Ainsi, de manière imprévue, les commissaires ont agi au-delà de leur mission. Ce qu’ils viennent de faire est considéré par beaucoup d’historiens (Yves Bénot, Marcel Dorigny, Michel Vovelle, Jacques Cauna) comme un acte fondateur d’un mouvement plus général d’émancipation.

Oui mais voilà… ! Pour comprendre ce résultat, il faut s’interroger plus avant sur les processus qui lui ont permis de se concrétiser. Et là, l’analyse historique s’enrichit, se transforme, et permet en retour de mieux comprendre l’amnésie mémorielle.

Car, qu’est-ce qui a poussé Sonthonax et Polvérel à aller aussi loin ? D’abord, et fondamentalement, au nord, une révolte massive d’esclaves (50 000 sur les 450 000 présents sur l’île) commencée le 22 août 1791, soit un an avant l’arrivée des commissaires et deux ans avant la « célèbre » proclamation. Et qui n’en finit pas. C’est dire si la pression des événements est considérable et cela explique sans aucun doute l’accueil glacial qui est réservé à Sonthonax et Polvérel par des colons blancs racistes pressés de maintenir ou de retrouver leur pouvoir de propriétaires esclavagistes. Il faut aussi tenir compte de l’hostilité intéressée de l’Angleterre et de l’Espagne, alors en guerre contre la France, et qui espèrent ainsi occuper cette colonie, si prospère par temps calme. Pour déjouer les réactions violentes des colons et des puissances étrangères, Sonthonax et Polvérel n’ont d’autre choix que de se rallier les esclaves révoltés en échange de leur liberté. C’est donc contraints par les « circonstances » (le mot est dans le texte d’abolition) qu’ils agissent.

Il n’empêche que le texte du 29 août est non seulement éclatant mais aussi éclairant par les contradictions qu’il dévoile ! Lisons-le avec attention : « Art. 2. Toute nègues et milates, qui zesclaves encore, nou déclaré io tout libe. Io gagné même droit que toute les autres citoyens Français. » (« Tous les nègres et sang-mêlé actuellement dans l’esclavage sont déclarés libres pour jouir de tous les droits attachés à la qualité de citoyens français). » Eh oui, ce texte a été publié en créole pour en faciliter la compréhension par les esclaves révoltés ! Dans le reste du texte, il est intéressant de noter l’impact de cet article : les « ci-devant esclaves seront jugés comme les autres citoyens » (art. 28), « Les dispositions du Code noir demeurent provisoirement abrogées » (art. 38), « La correction par le fouet est absolument supprimée » (art. 27). Autrement dit, voilà un texte qui s’attaque bien à ce qui faisait l’horreur du quotidien de l’esclave.

Mais en même temps : « Les nègres actuellement attachés aux habitations de leurs anciens maîtres seront tenus d’y rester ; ils seront employés à la culture de la terre » (art. 9) ; « Pour les fautes contre la discipline […], la plus forte peine sera la perte d’une partie ou de la totalité des salaires » (art. 27). Autrement dit, voilà un texte qui assure la transition entre la condition d’esclave et le statut de salarié dans le cadre de rapports sociaux capitalistes, exploitation de l’île oblige. Il faut pourtant savoir que Polvérel, deux jours avant cette proclamation, avait envisagé d’assortir la liberté des esclaves (progressive certes) à la copropriété communautaire des plantations. Cette divergence de vue a eu des conséquences majeures sur l’avenir indépendant d’Haïti (mais c’est une « autre » histoire !).

Polvérel meurt en 1795 et Sonthonax en 1813 en exil (Bonaparte ne lui a pas pardonné ce texte).

Voici donc deux révolutionnaires responsables historiques majeurs et pourtant oubliés, non pas seulement parce qu’ils n’ont pas laissé de « mémoires » recomposées pour entrer au panthéon élitiste de la nation, mais surtout parce qu’ils ont tenté de mener à bien une oeuvre d’émancipation qui n’avait pas les caractères rêvés. Cette abolition-là est pleinement engluée dans le quotidien de multiples rapports de forces qui obligent à composer, à aller plus loin et plus profond, mais aussi à révéler les contradictions biographiques des acteurs comme celles, plus objectives, du mouvement des rapports sociaux.

Ils ont été ainsi oubliés aussi bien en France qu’en Haïti, ici parce qu’ils ne correspondaient pas bien au mythe de l’anti-esclavagiste pur et dur ni à celui d’une décolonisation unilatéralement octroyée par le colonisateur « bienveillant », et là peut-être parce qu’ils symbolisent l’alliance obligée que Toussaint Louverture et les esclaves

révoltés ont dû faire pour que leur insurrection, nécessaire pour s’émanciper, devienne suffisante.

Mémoire et histoire ont encore bien du boulot devant elles pour accorder leurs violons !


Pascal Diard Historien, professeur à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)

mardi, août 18, 2009

Abolition de l'esclavage et histoire des Antilles, Martinique, Guadeloupe


En accord avec les historiens, pas moins de 12 millions d'africains furent déportés de leur continent aux Amériques par la traite Européenne entre le milieu du XVIIème siècle et les années 1850. En France, ce commerce triangulaire a fait la fortune des ports de Nantes, La Rochelle et la ville de Bordeaux. Les expéditions ralliaient les côtes africaines pour échanger leurs marchandises contre des esclaves. Au terme d'une traversée de l'Atlantique qui pouvait durer de trois à treize semaines, les négriers regagnaient la France chargés de produits coloniaux (coton, cacao, sucre...)
Le 27 avril 1848, la IIème République Française proclame l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises. Le décret préparé et porté par Victor Schoelcher prendra vraiment effet :
*le 22 mai en Martinique *le 27 mai en Guadeloupe *le 10 juin en Guyane *le 20 décembre à La Réunion
En 1790, les colonies françaises comptent 735000 esclaves dans les plantations agricoles pour la plupart. L'intérêt des planteurs et des armateurs négrier ont ralenti le mouvement d'émancipation né avec la Révolution Française. La première abolition a eu lieu en 1794, avant que Napoléon Bonaparte ne rétablisse l'esclavage en 1802. Les luttes armées qui commencent à Saint Domingue, lancent un mouvement de résistance à la servitude dans les colonies. Toussaint Louverture, symbole des luttes abolitionniste, mènera les luttes de Saint Domingue jusqu'à l'indépendance de la colonie en 1804. Le marronage représenta également une forme de résistance individuelle trouvée par les esclaves pour lutter contre l'asservissement.
A la fin du XVIIème et jusqu'en 1848, les révoltes armées et le ralentissement de la production vont miner le système du travail forcé par la servitude. Parallèlement, dans l'hexagone, le mouvement des idées issues de la philosophie des lumières s'enracinent pour amener à la Révolution de 1848 : Suffrage universel, République, instruction civique et abolition de l'esclavage seront les idées véhiculés par ces intellectuels, qui, comme Victor Schoelcher resteront les pères fondateurs de la République fondée sur l'article 1er de la Déclaration des Droits de l'Homme : "Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit "
Entre 1789-1794
1788- A la veille de la Révolution, le courant abolitionniste en France est défendu par la société des Amis des Noirs. Elle regroupe plus d'une centaine de membres dont L'abbé Grégroire, Condorcet, La Fayette, Mirabeau et le juriste Sonthonax.

26/08/1789- Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le cas des colonies fut oublié.

15/05/1791- Assemblée constituante adopte les droits politiques des gens de couleurs nés de père et de mère libre (soit 5 à 6% d'entre eux).

Chez les Noirs, un soulèvement dans la clairière de Bois-Caïman à Saint Domingue, mené par Bouckman. L'île est à feu et à sang pour plusieurs années. ce fut cet esclave qui, dans la nuit du 22 août 1791, rassemble au cours d'une grande cérémonie vaudou, des milliers de noirs et appela au soulèvement. Dans la matinée du 23 août l'insurrection est générale. Huit jours après le bilan : deux cents sucreries et six cents caféières détruites, des centaines de blancs massacrés. Il ne reste plus aux blancs que le Cap, ville hâtivement transformée en camp retranché et dans l'assaut de laquelle tombera Bouckman.

Alors que les colons arrivent à circonscrire la rébellion à l'Est et au Sud de l'île, émerge au premier rang Toussaint-Louverture. Il n'eût de cesse de discipliner la révolte, d'élever son niveau politique, de l'élargir en révolution, avec un seul mot d'ordre : la liberté générale et une devise " vaincre ou mourir pour la liberté ". En 1793, pour faire face aux colons et pour organiser une armée bien à lui, il traitera avec les espagnols, en guerre contre la France et possesseur de l'autre moitié de l'île.

28/09/1792- La Constituante abolit l'esclavage en France (mais pas dans les colonies).

1793- Arrivée de Sonthonax à Saint Domingue, qui profite de l'éloignement pour abolir l'esclavage dans l'île le 29 août et organise l'élection de plusieurs députés dont celle d'un Noir, Jean-Baptiste Belley (Photo ci-dessous)
1794- La Convention adopte un décret abolissant l'esclavage.

Entre 1802-1848 20/05/1802- Napoléon rétablit l'esclavage et envoie ses soldats dans les colonies. La Guadeloupe et la Guyane sont reprises en main. A Saint Domingue, le Général Leclerc doit faire face à la guérilla mené par Toussaint Louverture. Juin 1801- Toussaint Louverture fut arrêté et embarqué pour la France où il mourra. L'ordre esclavagiste est rétabli dans les colonies. Après la chute de l'Empire, les grandes puissances abolissent l'esclavage (comme l'Angleterre en 1833).

En France, si la traite continue, les courants anti-esclavagistes se multiplient.

1830- Sous la monarchie de juillet , Victor Schoelcher, un député d'extrême gauche farouchement opposé à l'esclavage commence à se faire connaître.
1848- Proclamation de la IIe République. François Arago obtient le ministère de Marine et nomme Schoelcher sous-secrétaire d'Etat chargé des affaires coloniales (en mars). 27/04/1848- Au nom du peuples français, le gouvernement provisoire signe le décret définitif d'abolition inspiré par Schoelcher.

C'est un travail qu'il est difficile sinon impossible à conduire. On connaît généralement les lieux de traite mais on ne sait pas quels étaient réellement les captifs vendus. Il est parfois difficile de retrouver ces noms qui ont parfois disparu. Pour implanter les lieux ayant expédiés des esclaves vers les Caraibes.
Pour savoir l'origine des esclaves les documents des capitaines négriers assez précis sur les lieux, sont totalement imprécis sur les origines ethniques. Les esclaves venaient de l'intérieur par des caravanes de marchands d'esclaves.

Mais ces documents sont plus précis que les appellations données à la Martinique aux esclaves débarqués, où souvent le fait que des esclaves parlent la même langue suffisait à les déterminer. Or on sait qu'il existait en Afrique des langues vernaculaires parlées par différentes ethnies en plus de leur propre langue. Le plus souvent on se basait sur des caractères morphologiques et sur des scarifications pour déterminer l'origine des nouveaux débarqués.

Pour aller plus loin faute de documents précis, il faudrait année par année, et en prenant chaque lieu de traite, interroger l'histoire de ces pays d'Afrique, pour savoir si des guerres avaient eu lieu à cette période, et qui avait alors été vaincu. Il y a une forte chance que la majorité des captifs aie été partie des populations vaincues.

Mais il y a aussi des guerres de succession, et les prétendants écartent des groupes rivaux en les réduisant en esclavage et en les vendant. (Cette mésaventure est arrivé plus tard à la Mère du futur Roi Guezo, et tout un groupe de dignitaires et de prètres dahoméens qui furent expédiés au Brésil.)

Prenons les cas des esclaves embarqués en Guinée, Sierra Leone, et à Mesurade. Dans cette zone, qui correspond aujourd'hui à la côte d'Afrique de Free-Town en Sierra Leone à la limite actuelle du Liberia, et une partie de la côte d'Ivoire, les anglais y étaient les maîtres du commerce. Il est un peu surprenant de trouver un si grand nombre d'expéditions vers la Martinique en provenance de cette origine.
En terme d' Ethnies, les « Sosos », les « Téménés », les « Kisis », les « Miserables » déformation de Mesurade, parfois appelés « Cangas », les « Yacoubas », les « Shebrous » venaient de cette zone.

Plus au sud est la Côte des Dents, correspond à la Côte d'Ivoire au Ghana, et au Togo actuel. C'est véritablement à partir de là que les français vont implanter des lieux de traite.

Bien que des cartes avant donne une certaine idée de la façon dont au début du XVIII° siècle les marchands d'esclave européens voyaient la répartition des populations à l'intérieur, on ne peut pas aisément en tirer une information exploitable sauf qu'à coup sur, les européens ont su largement jouer des rivalités entre les diverses populations à leur profit. Il est clair que les conflits entre ces populations ont servi les desseins des négriers.
Revenons à la région de Juda, celle qui a été à l'origine de la grande majorité des opérations de traite vers la Martinique. On sait que Juda a été le principal port d'embarquement d'esclaves pour la Martinique.

Le problème c est que l'on ne sait pas si les captifs de Juda sont des « Fons » des « Aradas » très recherchés, des « Nagos », des « Barbas », des « Cotocolis », des « Mahis » ou des « Popos », ou peut être même d'autres ethnies.

Dans la Région de Banny et Calbany, (correspondant au Nigéria actuel) ce pourrait être surtout des « Ibos » qui furent embarqués.

Les histoires des Antilles sont liées, donc à la colonisation européenne et à l'esclavage pratiqué durant plusieurs siècles par les Espagnols, les Anglais, les Français et les Hollandais. Néanmoins, la présence humaine aux Antilles s'est manifestée bien avant l'arrivée des Européens.

Les Ciboneys : Quelques 3500 ans avant JC : des hommes pénètrent dans l'arc caraïbéen, appelés Ciboneys (ou syboneys), ils étaient de l'ère précéramique. Des vestiges archéologiques, en particulier des pierres, témoignent de leur présence.
Les Huécoïdes : Vers 700 à 500 avant JC : Les Huécoïdes viennent en provenance des Andes précolombiennes. Ils apportent le manioc dans l'île puis partent vers Porto-Rico.

Les Arawaks : Entre 300 et 700 ans après JC : Une nouvelle migration, très importante en nombre, arrive en provenance du delta de l'Orénoque : les Arawaks ou Tainos, un peuple indien originaire de l'Amérique du sud.

En 295 (avant notre ère), une éruption de la montagne Pelée fit fuir les Arawaks qui quittèrent alors la Martinique et ne revinrent sur l'île que vers l'an 400. D'ailleurs, une soixantaine de sites arawaks ont aujourd'hui été inventoriés et ils témoignent de l'existence de villages habités arawaks.

La traduction littérale de Taïno signifiait : "bon", "noble".
Ces indigènes sont en fait de lointains descendants de la civilisation Saladoïde qui, suite à de nombreuses évolutions et de nombreux voyages arrivèrent dans les Grandes Antilles.

Leur territoire s'étendait des Bahamas jusqu'à Porto Rico en passant par Haïti / Saint Domingue, Cuba et la Jamaïque.

Dans un espace géographique aussi vaste, la culture Taïno présentait des différences locales et spécifiques sur un fond culturel commun.

Tous les experts s'accordent sur le fait que l'organisation sociale, politique et religieuse des Arawaks, l'expression de leur art, la structure de leur économie, faisaient d'eux sans aucun doute le groupe d'indigènes le plus développé de la région antillaise.

Ils possédaient un répertoire varié d'expression d'art dans divers domaines : sculptures, céramiques, joaillerie, danses, musiques et poésies.
C'était un peuple paisible, sédentaire, très évolué, pacifiste et très hospitalier.
Les Arawaks étaient empreints d'une grande sagesse et vivaient en parfaite harmonie avec la nature.

Ils vivaient essentiellement de l'agriculture, de la chasse et de la pêche.
Bien que le manioc (Yuca) était leur nourriture principale, ils amélioraient leurs repas de nombreuses façons : haricots, fruits, produits de la chasse et de la pêche. Ils cultivaient le coton, qui leur permettait de confectionner les hamacs dans lesquels ils s'allongeaient, mais aussi des cordes de fibre.

Quelques traces de leur existence demeurent encore visibles aujourd'hui, notamment en Guadeloupe à Trois Rivières, au site des Rochers Gravées.
La Basse-Terre présente la plus grande concentration d'art rupestre de toutes les Petites Antilles.

Ainsi, des archéologues ont trouvé en Martinique et dans le reste des Antilles des outils en pierre dont l'appartenance est attribuée aux Amérindiens, leur ancienneté étant estimée entre 3000 à 3500 ans. En réalité, l'histoire connue de l'île commença quelque 1500 ans avant Christophe Colomb quand s'y installèrent les Amérindiens arawaks originaires des côtes vénézuéliennes.

Fin du VII ème siècle après JC, un autre peuple envahi la région : les Caraïbes.
Migrants de l'Orénoque,(des Guyanes), les indiens Caraïbes (Karibs) ou Kalinas (guerriers) sont des peuples guerriers redoutables. Ils vont conquérir toutes les petites Antilles en exterminant sur leur passage les premiers habitants connus des îles.

Les caraïbes étaient de surcroît cannibales (le nom indien de Kalinas, hommes féroces, a donné par altération en espagnol “Canibal”).

Le tempérament guerrier des Caraïbes s'exprima de façon redoutable face aux Arawaks qu'il exterminèrent systématiquement et impitoyablement.

Au court de leurs raids sanglants contre les Arawaks, les indiens Caraïbes épargnèrent cependant les femmes - non pas par galanterie, mais pour uniquement les conserver intacts ... à des fins personnelles.

Les premiers colons eurent ainsi la surprise d'entendre parler deux langues distinctes chez les mêmes indiens : la langue Caraïbe pour les hommes et l'Arawak pour les femmes.

Les caraibes auraient nommé la Guadeloupe du nom de Caloucaera (Karukera) signifiant « l'île aux belles eaux ». La Martinique Madinina, « l'île aux fleurs », Madiana, Matinite et enfin, par influence de l'île voisine de la Dominique, le nom est devenu Martinique. Selon l'historien Sydney Daney, l'île aurait été appelée « Jouanacaëra », par les Caraïbes, ce qui signifierait « l'île aux iguanes » Pour HaÏti, ils auraient nommé leur île, selon le cas, Ayiti, c'est-à-dire « Terre des hautes montagnes », Quisqueya et Bohio. Lorsque Christophe Colomb aperçut cette île pour la première fois, l'île d'Ayiti comptait probablement quelques centaines de milliers d'habitants.

Ils vivaient dans des maisons appelées Carbet. Ils se nourrissaient de racines (ignames, patates douces), de " Kassav" (galette de manioc) et de pêche.
On a mis au jour leurs armes, leur vannerie et leur poterie de technique "colombin", (datées de 600 à 1500 environ) à Morel, à l'Anse à la Gourde et à Grande Anse. Ce sont ces indiens Caraïbes, guerriers invincibles, et excellents navigateurs qui habitaient l'île, lorsque Christophe Colomb débarqua pour la première fois en 1493, à Capesterre-Belles-Eaux.

Lorsque Celui ci débarqua en Martinique, le 15 juin 1502, (lors de son quatrième voyage), il fit la connaissance des Caraïbes puisque les Arawaks avaient déjà disparu depuis le XIIIe siècle. Redoutant les terribles Caraïbes pour leur anthropophagie, Colomb quitta l'île et, par la suite, les Espagnols ne s'intéressèrent plus à la Martinique. Ainsi, ils laissèrent la place aux Français et aux Anglais.

Christophe Colomb découvrit l'île d'HaÏti en 1492 et la baptisa Española (« l'Espagnole ») que les cartographes confondront en Hispaniola (« Petite Espagne »). L'île d'Hispaniola fut organisée en colonie par Bartolomeo Colomb — le frère de Christophe — qui fonda, en 1496, la Nueva Isabela (la « Nouvelle Isabelle », du nom de la reine de Castille), laquelle deviendra plus tard Santo Domingo (Saint-Domingue, en français). Les Espagnols soumirent les Arawaks et les Caraïbes à des travaux forcés afin d'extraire l'or des mines. En moins de vingt-cinq ans, les populations autochtones de Santo Domingo furent complètement décimées. Les Espagnols firent alors venir des Noirs d'Afrique pour remplacer les autochtones.

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mercredi, août 12, 2009

Portrait. 220 ans après la révolution française



Toussaint Louverture, père de l’émancipation des esclaves

1743-1803. Né esclave dans une plantation de Saint-Domingue, Toussaint Louverture est le premier leader noir à avoir vaincu les forces d’un empire colonial européen.

Àla fin du XVIIIe siècle, la colonie de Saint-Domingue, possession française depuis le traité de Ryswick de 1697, est la plus riche des Antilles. La valeur de ses exportations dépasse même celle des États-Unis. La culture de la canne à sucre et celle du café emploient alors près de 500 000 esclaves noirs. Le reste de la population est composé de 32 000 colons blancs et de 28 000 mulâtres et affranchis. La Révolution française va complètement changer la donne puisque moins de quinze ans après la prise de la Bastille, l’ancienne Saint-Domingue aura définitivement chassé l’occupant de ses terres. Première République noire indépendante, quarante-trois ans avant la création du Liberia et plus de cent cinquante ans avant la décolonisation, Haïti (de l’arawak Ayiti) était auparavant parvenue à libérer ses travailleurs asservis grâce à la fougue et à la ténacité d’un homme, un ancien esclave devenu général de la République : Toussaint Louverture.

Né le 20 mai 1743 dans la plantation du comte de Bréda, située dans la province du nord, près de Cap-Français, François-Dominique Toussaint serait le petit-fils d’un roi nommé Gaou-Guinou qui possédait une portion de territoire de l’actuel Bénin. Petit, malingre, il est surnommé Fatras-Bâton du fait de sa laideur. Son maître, Baillon de Libertat, l’aurait avantagé, l’encourageant notamment à apprendre à lire et à écrire. Selon les témoignages, il a été cocher, domestique ou encore gardien de bétail. Une chose semble certaine : Toussaint Louverture fait partie de la minorité privilégiée des « nègres de grand’case » qui était au service du propriétaire de la plantation et qui ne travaillait pas dans les champs.

Toussaint Louverture est affranchi en 1776, à l’âge de trente-trois ans. Hasard de l’histoire : il se libère du joug de l’esclavagisme l’année de la déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique. En 1779, son gendre lui loue une parcelle d’une quinzaine d’hectares et les esclaves qui y travaillent. Il exploite ces terres jusqu’à la Révolution française et amasse ainsi une petite fortune. Le futur général anti-esclavagiste n’évoquera jamais cette période de sa vie, préférant mettre en avant son statut d’ancien esclave plutôt que celui d’affranchi. Peut-on lui en tenir rigueur ?

En août 1791, les esclaves du Nord se révoltent contre leurs maîtres après la cérémonie vaudoue de Bois-Caïman. Plus de 1 000 Blancs sont égorgés et plusieurs dizaines de plantations incendiées. Toussaint Louverture ne participe pas directement à ces événements. Il rejoint néanmoins rapidement les rangs des insurgés en devenant l’aide de camp de Georges Biassou, l’un des chefs de la rébellion. Fuyant la répression des colons, celui-ci se réfugie dans la partie orientale de l’île. Alliés aux Espagnols, qui contrôlent Santo Domingo (future République dominicaine) et, à l’époque, en guerre avec la France, les révoltés y reçoivent une formation militaire. Leur objectif est simple : l’accession à la liberté. Car si l’égalité des droits entre tous les hommes libres, quelle que soit leur couleur de peau, est promulguée par la Législative le 4 avril 1792, il n’est, pour l’instant, pas encore question d’abolir l’esclavage. Toussaint Louverture compte donc bien profiter de l’aide espagnole et de ses bases arrière sécurisées pour défaire les Français esclavagistes. À la tête de ses troupes, il remporte plusieurs succès en 1793. Il est rapidement nommé général des armées du roi d’Espagne. C’est à cette époque qu’on lui donne le surnom de « L’Ouverture ». Le 29 août 1793, dans une célèbre déclaration, Toussaint se présente comme le leader de la révolution : « J’ai entrepris la vengeance de ma race. Je veux que la liberté et l’égalité règnent à Saint-Domingue. Unissez-vous, frères, et combattez avec moi pour la même cause. Déracinez avec moi l’arbre de l’esclavage. » Son aura est jalousée par ses chefs militaires, qui tentent de le faire éliminer, sans succès.

Les victoires de Toussaint Louverture et des rebelles mettent le commissaire Léger-Félicité Sonthonax, l’un des deux représentants de la toute jeune République française, dans une situation catastrophique. Attaqué de toutes parts par les Britanniques et les Espagnols, eux-mêmes soutenus par les colons royalistes - en lutte contre la République - et les esclaves révoltés, il est acculé dans la partie nord de l’île. Le 29 août 1793, le jour même de la déclaration de Toussaint Louverture, il décide, de son propre chef, d’abolir l’esclavage dans le nord de la colonie. Il espère ainsi rallier à lui les nouveaux affranchis. Le commissaire Étienne Polvérel fera de même dans le Sud. Cet acte aura des conséquences considérables sur la suite des événements puisque l’abolition de l’esclavage est non seulement votée par la Convention le 4 février 1794, mais elle est également étendue à l’ensemble des possessions françaises. Ayant obtenu ce pour quoi il se battait, Toussaint Louverture, déçu par l’attitude des Espagnols, décide de changer de camp et rejoint celui de la République. En une année, à la tête de son armée composée de soldats noirs, mulâtres et blancs, il refoule les Espagnols jusqu’à Santo Domingo et élimine les derniers foyers de résistance des rebelles. En juillet 1795, auréolé de ses succès, il est élevé au grade de général de brigade, puis de général de division, en août 1796.

La paix n’est cependant pas encore totalement revenue à Saint-Domingue puisque les Britanniques occupent toujours certaines parties de l’île. Toussaint Louverture mène dès lors une bataille sur trois fronts. Il s’affaire tout d’abord à relancer l’économie de la colonie. Pour cela, il incite les colons à revenir dans leurs plantations. Les Noirs, désarmés par leur ancien chef, y travaillent en tant qu’hommes libres. Louverture cherche ensuite à asseoir son pouvoir politique. Nommé commandant en chef de la colonie de Saint-Domingue le 15 mai 1797, il précipite le départ des commissaires de la République et des chefs militaires métropolitains afin d’être le seul aux commandes de l’île. Enfin, disposant d’une armée d’environ 50 000 hommes, Louverture va reprendre la lutte contre les Britanniques, sans en informer la France, dont il se méfie toujours. Il n’obtient pas de succès décisif, mais, usés par cette guerre sans véritable but, les Britanniques vont accepter de négocier avec le général. Ils quittent finalement Saint-Domingue le 31 août 1798, suivis de peu par le général Hédouville, représentant militaire de la France. Toussaint Louverture doit encore faire face au soulèvement des mulâtres, jaloux de l’influence des Noirs. Une guerre sans pitié éclate. Elle durera un an et s’achèvera par la défaite des forces du général Rigaud.

L’objectif de Toussaint Louverture est désormais de mener Saint-Domingue à l’indépendance. Pour cela, il faut, selon lui, relancer l’économie de la colonie. Le 12 octobre 1800, il publie un règlement relatif au fonctionnement des plantations qui réintroduit de facto le travail forcé. Pour le général anti-esclavagiste, ce dernier est absolument nécessaire, durant quelque temps, pour assurer la future indépendance de l’île. Il va également chercher à rallier les Blancs en rappelant les émigrés (beaucoup de colons s’étaient réfugiés en Louisiane) et en imposant le catholicisme comme religion - d’État au détriment du culte vaudou pratiqué par les anciens esclaves. Enfin, il va réunifier l’île en occupant sa partie orientale le 26 janvier 1801. Le 9 mai, une constitution autonomiste le nomme gouverneur à vie. Il ne reste plus qu’un pas à franchir jusqu’à l’indépendance.

Cette situation n’est cependant pas du goût de Napoléon Bonaparte. Convaincu par le lobby colon du nécessaire rétablissement de l’esclavage, le Premier consul envoie une armée de 30 000 hommes reprendre le contrôle de Saint-Domingue. Les troupes françaises prennent pied sur l’île le 29 janvier 1802. Toussaint Louverture s’oppose militairement au débarquement en appelant les Noirs à l’insurrection, mais au bout de quatre mois, il doit se résoudre à déposer les armes. Le 7 mai 1802, après s’être assuré auprès des Français que l’esclavage ne serait pas rétabli, il se retire dans son domaine d’Ennery. Un mois plus tard, alors qu’il fait partie d’un complot qui vise à chasser l’occupant français, il est trahi et dénoncé par le général Dessalines, le père de l’indépendance haïtienne. Il est arrêté et envoyé en France à bord du vaisseau le Héros. Sa famille l’accompagne dans ce dernier voyage. Le 23 août, il est enfermé au fort de Joux, dans le Doubs. Isolé, humilié, brimé, il est soumis à plusieurs interrogatoires. Le vieil homme ne résistera pas longtemps au régime pénitentiaire. Il succombe à une pneumonie le 7 avril 1803. Toussaint Louverture sera inhumé dans l’enceinte du fort où il a fini ses jours. Le 25 mars 1983, le gouvernement français remettra une urne contenant ses restes mortels au gouvernement haïtien. Le libérateur des esclaves retrouvera, cent quatre-vingts ans plus tard, la terre qui l’a vu naître et se battre et qui a, finalement, fait triompher son idéal en accédant à l’indépendance le 1er janvier 1804, devenant ainsi la première République noire indépendante.

Philippe Peter