lundi, mai 29, 2006

Esclaves et Colonies

LUNDI 29 MAI

Esclaves et Colonies (1/5)

D'un marché à l'autre, les fers aux pieds

Au hasard des lectures, on tombe sur un chiffre ou plutôt sur une proposition de deux chiffres et un abîme s'ouvre devant vous. Il s'agit du nombre d'esclaves noirs emmenés aux Amériques et aux Antilles au cours des siècles d'esclavage. Selon les historiens, le nombre varie de six à cinquante millions. Pourquoi une telle différence ? Il est rattaché au mode de calcul, les uns ne comptabilisant que les esclaves arrivés à destination, les autres tentant d'affiner leur estimation en tenant compte de tous ceux et celles qui, pour bien des raisons, auront péri avant, soit sur le sol africain au moment des rafles, soit en mer au moment de la traversée sur les bateaux négriers.

Le coup d’envoi de ce commerce sera donné par les monarques espagnols, qui accorderont en 1501 la permission à leurs colons des Caraïbes d'importer des esclaves noirs. Dès lors, les grandes puissances de l’époque, l’Angleterre, le Portugal et la France en tête, suivis de l’Espagne, de la Hollande et du Danemark, vont intensifier la traite négrière à travers un réseau maritime triangulaire.


Entretiens

Pour ouvrir cette semaine consacrée à l'esclavage, nous vous proposons d'entendre en nouvelle diffusion l'entretien que Jacques Mouriquand a eu il y a quelques mois auprès de Thomas David, professeur-assistant à l'Institut d'Histoire Economique et Sociale de l'Université de Lausanne et co-auteur d'un ouvrage collectif paru aux éditions Antipodes à Lausanne La Suisse et l'esclavage des Noirs. En quoi la Suisse peut-elle avoir été impliquée dans cette affaire ? Et tout d'abord un premier point de repère ? De quelle époque s'agit-il ?



Notre deuxième entretien est avec Marcel Dorigny, docteur ès lettres et maître de conférence au département d'histoire de l'université Paris VIII, spécialiste des colonies sous l'Ancien Régime, de l'esclavage et des abolitionnismes. Marcel Dorigny est également rédacteur en chef de la revue Dix-huitième siècle et vice-président de l'Association pour l'étude de la colonisation européenne 1750-1850. Il est l’auteur de : Société des amis des Noirs, 1788-1799 : Contribution a l'histoire de l'abolition de l'esclavage (Unesco, 1998)
Le comité pour la Mémoire de l’Esclavage Archives de l'UNESCO traitant de l'Esclavage

MARDI 30 MAI

Esclaves et colonies (2/5)

D'un marché à l'autre, les fers aux pieds

Perles Noires XVème siècle, à l'aube des grandes découvertes géographiques, les pays d'Europe s'apprêtent à faire un immense bond en avant. La production marchande va croissant, la pénurie de matières premières, de métaux précieux grandit. Les négociants rêvent d'établir des contacts directs avec les marchés d'épices, sans passer par la Méditerranée. Des îles fantastiques, bourrées d'or et d'argent, vers lesquelles il semble facile de frayer une route, apparaissent sur les cartes. La navigation connaît un essor sans précédent, on fait des projets. On se prend à rêver d'atteindre les Indes par mer, en contournant l'Afrique par le sud et en traversant l'Océan Indien.


MERCREDI 31 MAI

Esclaves et colonies (3/5)

D'un marché à l'autre, les fers aux pieds

Un affranchissement en impasseA l'époque coloniale, il y a près de 800 plantations en Haïti. Un demi-million d'esclaves travaillent dans les champs de canne à sucre. Saint-Domingue est alors la colonie la plus prospère du Nouveau Monde. Elle fournit les trois-quarts de la production mondiale de sucre.
Pierre-Dominique Toussaint Louverture (1743 – 1803), esclave affranchi à 33 ans, a été le plus grand dirigeant de la Révolution haïtienne. Il est devenu par la suite gouverneur de Saint-Domingue (le nom d'Haïti à l'époque). A quoi ressemblait une plantation coloniale ? A-t-on quelques chances d'en trouver trace ici en Haïti, lors même qu'il y a peu de temps, elles emplissaient le paysage ?
JEUDI 1er JUIN

Esclaves et colonies (4/5)

D'un marché à l'autre, les fers aux pieds

L’AbolitionnisteDès le XVIème siècle, pour exploiter les immenses richesses du nouveau monde, il faut de la main d’œuvre. Les bateaux quittent les ports européens chargés de marchandise à bon marché, bibeloterie mais aussi alcool et armes. En Afrique, celles-ci sont échangées à des potentats locaux, échangées contre des hommes. Mais combien peut valoir un esclave ? A quelle circonstance peut-on relier le phénomène de l'esclavage ? Pourquoi spécifiquement l'Afrique ?
Au cœur du Panthéon repose un homme sur la tombe duquel François Mitterand ira déposer une rose symbolique ? Quel est cet homme et quel aura été son combat ?

VENDREDI 2 JUIN

Esclaves et colonies (5/5)

D'un marché à l'autre, les fers aux pieds

Une mission colonialeDe l'esclavagisme au colonialisme. Quinze années après le décret d'abolition, la France entre prend des missions en Afrique. Les hommes envoyés là-bas découvrent un terrain, des coutumes, des règles qui leur sont inconnues, contre lesquelles ils se révoltent ou devant lesquelles ils doivent s'incliner. Le rapport entre l'Europe et l'Afrique se modifie sensiblement. C'est le temps premier de la mise en place de futures plates-formes économiques. Un temps où il faut inventer, prendre les marques et les repères pour ceux qui suivront. C'est aujourd'hui l'un de ces périples en terre africaine que nous retracerons.

mercredi, mai 24, 2006

Le poids des chaînes

Françoise Vergès publie ses recherches sur l’esclavage et sa mémoire au sein de la nation française. Un travail essentiel.




Pour la première fois, le 10 mai dernier, la République française a officiellement célébré la mémoire de la traite négrière et de l’esclavage. La date fut d’ailleurs l’objet d’âpres débats au sein même des partisans de cette commémoration. Ce crime, qui dura dans les possessions françaises plus de deux siècles, ne pouvait en effet être identifié par aucune date symbolique précise, dont la simple évocation eût immédiatement renvoyé au souvenir et à la douleur des victimes. Ce simple fait souligne à lui seul la difficulté pour cette mémoire de se fixer, de se trouver une place dans l’Histoire de France avec un grand « h ». Édouard Glissant, l’un des plus grands écrivains « francophones » contemporains, lui-même héritier en tant qu’Antillais de ce pan mémoriel de la nation française, ne la qualifie-t-il pas justement de « mémoire raturée », tant elle fut gommée, niée ou du moins exclue aussi bien des recherches historiques que dans les récits populaires ? L’extraordinaire Siècle des Lumières, de l’écrivain cubain Alejo Carpentier, fait toujours aujourd’hui figure d’exception.


Il faut toutefois reconnaître que les autorités françaises, à différents niveaux, ont organisé pour cette première édition nombre de cérémonies, du maire de Paris au Président Chirac. Or, curieusement, c’est davantage dans certains milieux intellectuels parisiens que cette décision de commémoration nationale dérangea : on vit là un nouvel exemple de ces multiples « communautarismes » qui menacent la République. Ainsi, Pierre Nora, qui, en tant qu’auteur de la magistrale série des Lieux de mémoire, sait peut-être mieux que d’autres quelle signification collective peut avoir ce type d’événement « républicain », n’hésita pas à mettre en garde les lecteurs du Monde contre les risques d’une France « malade de sa mémoire » !
Surtout, le débat se focalisa sur un mot qui revenait sans cesse : chaque groupe de victimes dans l’Histoire allait bientôt exiger de la République qu’elle fasse oeuvre de « repentance ». Un terme révélateur puisque le Petit Robert en donne la définition suivante : « Souvenir douloureux, regret de ses fautes, de ses péchés ». « Malade », selon Pierre Nora, la nation française en aurait donc assez de regretter ses fautes... De qui se moque-t-on ?


C’est autour de ce substantif, entendu régulièrement ces derniers temps, que Françoise Vergès a entamé ses réflexions sur l’esclavage et sa mémoire au sein de la nation française. Elle relève ainsi à juste titre la différence flagrante entre excuses et repentance : « L’excuse a ceci de positif qu’elle présuppose un lien relationnel. On demande des excuses à quelqu’un. [...] La repentance, quant à elle, se passe entre soi et soi. » Or, la « loi Taubira » du 10 mai 2001 (qui reconnaît l’esclavage comme crime contre l’humanité) n’a « aucunement indiqué l’attente de repentance ». Ce rappel de la signification des termes est une des premières qualités de l’ouvrage que publie aujourd’hui la chercheuse réunionnaise. Si un certain nombre d’ouvrages historiques de qualité viennent aujourd’hui documenter un débat sur la mémoire du fait colonial





(1), la France continue d’avoir bien du mal à simplement se souvenir de ce passé si peu glorieux.

Lire la suite dans Politis n° 903




La Mémoire enchaînée. Questions sur l’esclavage, Françoise Vergès, La Mémoire enchaînée. Questions sur l’esclavage, Françoise Vergès, Albin Michel, 208 p., 16 euros.


(1) Napoléon, l’esclavage et les colonies, Pierre Branda et Thierry Lentz, Fayard, 364 p., 25 euros ;



la Démence coloniale sous Napoléon, Yves Bénot, La Découverte/poche, 410 p., 12,50 euros ;



la République raciale (1860-1930), Carole Reynaud Paligot, PUF, 346 p., 28 euros ;



le Choc colonial et l’islam. Les politiques religieuses des puissances coloniales en terres d’islam,



Pierre-Jean Luizard (dir.), La Découverte, 552 p., 35 euros ;



Aux origines de la guerre d’Algérie. De Mers-el-Kébir aux massacres du Nord-Constantinois,



Annie Rey-Goldzeiguer, La Découverte/poche, 406 p., 13 euros ; les Massacres de Guelma.





Algérie, mai 1945, une enquête sur la furie des milices coloniales, Marcel Reggui, La Découverte, 192 p., 16 euros.

(2) Nègre je suis, nègre je resterai, Albin Michel, 154 p., 14 euros (voir Politis n° 880).Politis n° 880

Olivier Doubre

source

lundi, mai 22, 2006

DE LA FRANCE, DE L’ESCLAVAGE ET DE LA BRETAGNE

Le 10 mai, la France a célébré pour la première fois l’abolition de la traite négrière et de l’esclavage. Cette première fait suite aux prises de conscience de leur passé par les Français et la promulgation de lois mémorielles relatives à la traite, à l’esclavage et au colonialisme. Avoir pratiqué l’esclavage et déclaré, par la loi dite Taubira du 21 mai 2001, que c’est un crime contre l’humanité, interdit définitivement à la France de s’autoproclamer la «patrie des Droits de l’Homme», et de donner des leçons à la terre entière....

Le devoir de mémoire nécessite de se souvenir que le Danemark fut le premier pays européen à abolir l’esclavage et que son abolition doit au moins autant au Royaume-Uni qu’à Victor Schoelcher dont le combat doit être reconnu au même titre que celui de l’anglais William Wilberforce. Il est malsain de laisser accroire, sans situer la traite et l’esclavage dans son contexte européen, que la France aurait implicitement ouvert la voie.

Il convient aussi de rappeler que l’abolition véritable de l’esclavage en tant qu’action directe de l’état français n’a eu définitivement lieu qu’en 1962, lors de la libération de l’Algérie, où prévalait encore le statut indigène qui obligeait les peuples colonisés à des servitudes diverses non rémunérées.

Il appartient à la Bretagne et aux Bretons, de garder en mémoire l’implication de leur nation dans ce phénomène européen. Alors que la Bretagne a été la première nation européenne à abolir le servage, elle est aussi pratiquement le dernier pays d’Europe à pratiquer la traite qui perdura à Nantes plus de vingt ans après l’abolition de 1848.

Quand bien même la Bretagne était sous administration française, ce passé n’est pas très honorable et la Bretagne a une dette morale envers les descendants des victimes de la traite et de l’esclavage, une obligation à comprendre les traumatismes qu’ils vivent encore quelques générations après. Le cas de Dieudonné, fils d’une Bretonne et d’un Camerounais donne à réfléchir. Il aurait pu être le symbole d’une réconciliation entre les communautés, il a choisi une voie bien décevante. Mais il peut encore revenir à plus de pondération.

Cette prise de conscience du passé négrier breton est initiée depuis quelques années, non sans douleur, et l’on peut se réjouir qu’un espace de mémoire sur ce sujet douloureux soit consacré au château des Ducs de Bretagne. Si l’on ouvre un jour un musée de la traite à Nantes, le Parti Breton demande qu’il porte le nom de Toussaint-Louverture plutôt que celui d’un Européen.
Si la prise de conscience du passé est une étape qui est doit être menée complètement, il convient également de ne pas se complaire dans la culpabilité, qui peut être aussi stérile que l’ignorance délibérée. Car le passé est intangible et il vient un moment où il faut se consacrer au futur.

Les actions concrètes, qui sont souvent le fait d’associations, restent difficiles à mener dans un contexte de difficultés économiques et d’immigration mal gérée, propice au racisme. L’action en Afrique noire ou aux Caraïbes reste délicate du fait des contextes politiques. Il faut éviter l’écueil qui consiste à aider en se donnant seulement bonne conscience et persévérer dans une attitude paternaliste ou colonialiste, faute d’être suffisamment à l’écoute ou respectueux des identités. Malgré toutes ces circonstances contraires, la Bretagne doit et peut développer une collaboration économique équitable et moderne s’inscrivant dans le très long terme.
A SAMSOM

samedi, mai 13, 2006

conférence : Histoire des Noirs en France

Ci-joint un message pour une conférence qui aura lieuce samedi à 19 H, avec Jean Charles Coovie Gomez, celui qui quand on l'a écouté, vous permet d'éliminer tous les usurpateurs, menteurs dans la Communauté noire et tout ceux qui sont contre notre Communauté aussi.
Allez sur le site écouter son interview audio, vous comprendrez mieux. Interview de Jc Gomez :http://www.africamaat.com/article.php3?id_article=672
Conference exceptionnelle Samedi 13 mai 2006 de 19h00à 22h30 a la Maison des Mines (270 rue St Jacques, 75005Paris) RER B LUXEMBOURG sur le theme Histoire des Noirs en France... avec Jean Charles Coovi Gomez Le Professeur Mubabinge BILOLO introduira les debats et l’auteur procedera à la dedicace de l’ouvrage.

vendredi, mai 12, 2006

L'esclavage, un passé trop noir pour les chaînes



Silence, on commémore. En ce jour d'hommage national aux victimes de la traite négrière et de l'esclavage, la télévision fait preuve d'un recueillement extrême. Au point de faire l'impasse sur cet indigne commerce dans ses programmes phares. Un petit reportage dans le JT de TF1 par-ci, une spéciale du « Jour du Seigneur » sur France 2 par-là... Reconnu crime contre l'humanité en 2001, l'esclavage serait-il encore un thème télévisuel inabordable ? « Les journalistes perdent leurs réflexes professionnels dès qu'on parle des descendants d'esclaves, assène Claudy Siar, journaliste de RFI. Inconsciemment, ils prennent un ton condescendant, comme s'ils admettaient qu'ils n'ont pas affaire à des gens comme les autres. »

Pourtant, coproduit par France Télévisions, le docu Noirs a bénéficié de moyens exceptionnels : 300 000 e de budget, pas de contrainte éditoriale, un dossier de presse classieux pour ce film qui tente de définir l'identité noire à travers l'histoire de l'esclavage et de la colonisation française. Et « un soutien constant de Patrick de Carolis », insiste son réalisateur, Arnaud Ngatcha. Mais aujourd'hui, Noirs n'est diffusé par France 5 que sur le satellite (à 20 h). Il sera bien repris vendredi sur France 3, mais à 23 h 45. « Les conditions de production ne sont pas normales, parce que le sujet lui-même n'est pas considéré comme normal, relève Pascal Blanchard, historien de la colonisation. Pour France Télévisions, ce documentaire est un acte politique et symbolique. On met les moyens pour marquer le coup, mais peu importe la qualité et l'audience du film. »

Aux soupçons de politiquement correct qui pèsent sur les commémorations du 10 mai, Françoise Vergès, vice-présidente du comité pour la mémoire de l'esclavage, préfère opposer un louable effort de vulgarisation : « Les Français doivent apprendre à connaître leurs compatriotes noirs. Il faut créer un tronc incontournable de faits connus de tous, comme pour la Seconde Guerre mondiale. A quand de grandes fictions sur l'esclavage ? » Bientôt peut-être : « Tabous avant les années 1980 », dixit Pascal Blanchard, la Shoah et Vichy ont fait l'objet, depuis, de 650 documentaires francophones.

Christel Brigaudeau

Les 40 indécents

Monsieur le Président,

Le 15 février dernier, suite au déclassement prononcé par le Conseil Constitutionnel, l’alinéa 2 de l’article 4 de la Loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Patrie et contribution nationale en faveur des rapatriés a été abrogé.Il est regrettable que la deuxième partie de cet alinéa qui accordait “à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit”, ait été également supprimée.Toutefois, au titre du parallélisme des formes, et par soucis d’égalité de traitement, il conviendrait d’abroger l’article 2 de la Loi n°2001-434 du 21 mai 2001 dite “Loi Taubira” qui précise que “Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent”, ce qui, comme l’a très justement rappelé la décision n°2006-203 L du 31 janvier 2006 du Conseil Constitutionnel, ne relève pas du champ législatif.Vous remerciant par avance de l’intérêt que vous voudrez bien accorder à notre démarche, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de notre plus haute considération.Lionnel LUCA, Député des Alpes-Maritimes
Christian KERT, Député des Bouches-du-Rhône
Jacques REMILLER, Député de l’Isère
Jacques-Alain BENISTI, Député du Val de Marne
Philippe VITEL, Député du Var
Jérôme RIVIERE, Député des Alpes-Maritimes
Olivier DASSAULT,Député de l’Oise
Richard MALLIÉ, Député des Bouches-du-Rhône
Daniel SPAGNOU,Député des Alpes de Haute Provence
Bernard DEFLESSELLES,Député des Bouches-du-Rhône
Maryvonne BRIOT, Député de Haute-Saône
Christophe PRIOU, Député de Loire Atlantique
Jean-Jacques DESCAMPS, Député d’Indre et Loire
Léon VACHET, Député des Bouches du Rhône
Muriel MARLAND-MILITELLO, Député des Alpes-Maritimes
Philippe PEMEZEC,Député des Hauts de Seine
Arlette FRANCO, Député des Pyrénées-Orientales
Daniel MACH, Député des Pyrénées-Orientales
Maryse JOISSAINS-MASINI,Député des Bouches-du-Rhône
Thierry MARIANI,Député du Vaucluse
Georges GINESTA,Député du Var
Jean-Pierre DECOOL,Député du Nord
Jean-Paul GARRAUD,Député de la Gironde
Jean-Marc NUDANT, Député de la Côte d’Or
Paul-Henri CUGNENC, Député de l’Hérault
Jean-Jacques GUILLET, Député des Hauts-de-Seine
Jean-Claude GUIBAL,Député des Alpes-Maritimes
Josette PONS, Député du Var
Jacques MYARD, Député des Yvelines
Jacques DOMERGUE, Député de l’Hérault
François GUILLAUME, Député de Meurthe et Moselle
Christian VANNESTE, Député du Nord
Guy TEISSIER,Député des Bouches-du-Rhône
Bruno GILLES, Député des Bouches-du-Rhône
Dominique TIAN,Député des Bouches-du-Rhône
Michel ROUMEGOUX,Député du Lot
Patrick BEAUDOUIN,Député du Val de Marne
Geneviève LEVY,Député du Var
Loïc BOUVARD, Député du Morbihan
Michèle TABAROT,Député des Alpes-Maritimes”

CONSIDÉRATION ET BON SENS POUR LES MEMOIRES DE NOS AIEUX

Le 10 Mai appelle de la part de chacun la mémoire de nos aïeux esclaves, sous le joug de Colbert et son code noir, qui ont connu les plus inhumaines conditions de vie et d’existence. Pendant quatre siècles la déportation perpétrée de plus d’un million d’africains en esclavage aux Antilles …

Comment les petites filles et les petits fils de ces esclaves ne peuvent t’ils pas avoir un peu de dignité d’honneur et de respect pour cette mémoire ? Comment les petites filles et les petits fils de ces esclaves, aujourd’hui émancipés et libres, ne peuvent t’ils discerner encore de nos jours que par leur éternel bal boudin acras – pratique d’un nombre d’associations ? Comment peuvent t’ils se regarder en face ceux du CRAN descendant des vendeurs africains pensent qu’ils doivent aujourd’hui parler et décider au nom des petites filles et des petits fils de ces esclaves des DOM-TOM ?

Si le CRAN veut se réjouir avec ses amis d’être les descendants des vendeurs libres à eux, mais de grâce pas au nom de la mémoire des esclaves, pas au nom des victimes du génocide et crime contre l’humanité de nos aïeux.

Arrêtons de les massacrer encore aujourd’hui !!! Agissons tous ensemble contre le bal organisé par le CRAN au nom de la mémoire de nos aïeux !!!…
CONSIDÉRATION ET BON SENS POUR LES MEMOIRES DE NOS AIEUX…La Bastille doit être un lieu de recueillement pour tout les DOM-TOM de France et de tous les conscients de l’histoire de France telle qu’elle doit être écrite et non pas de bal du CRAN.

De grâce soyons digne le 10 mai 2006. Chaque DOM, Chaque TOM doit s’arrêter de travailler pour s’instruire et instruire son histoire : l’esclavage perpétré envers ses aïeux.

Chaque DOM, Chaque TOM sur le sol de France doit exiger de la République un lieu digne afin de permettre le 10 mai un recueillement digne pour les mémoires de nos aïeux et ainsi éviter toutes dérives auxquelles nous assistons.

Anne-Clémence VALENTIN, Conseillère Municipale de Stains

mercredi, mai 10, 2006

«1802», une ode à la révolte

«1802», une ode à la révolte
Une grosse production sur la sédition d'un colonel mulâtre en Guadeloupe, signée Lara.

Par Antoine de BAECQUE
mercredi 10 mai 2006


le 10 mai 1802, le colonel mulâtre Louis Delgrès fait afficher en Guadeloupe une proclamation protestant contre le rétablissement de l'esclavage que veut imposer dans la Caraïbe le premier consul Bonaparte. C'est un cri «de l'innocence et du désespoir» lancé «à l'univers entier», ce qui vaudra à ce texte sa postérité, symbole de la cause noire et antiesclavagiste. C'est aussi le signal de la révolte d'une petite armée menée par quelques officiers noirs ou métis, rejointe par hommes, femmes et enfants, qui tiendra tête quelques semaines aux bataillons de l'armée menée par le général Richepance. Avant anéantissement, fusillades et massacres.

Le film de Christian Lara raconte ce moment telle une épopée martyre, c'est-à-dire sans trop de nuances mais avec un lyrisme incarné. On y verra surtout un récit de la fierté noire, filmé avec luxe détails, figurants, costumes, «200 coups de canons et 5 000 tirs de fusil», précise le dossier de presse, le tout financé par des sociétés de la Guadeloupe.

1802, l'épopée guadeloupéenne, de Christian Lara. Sortie ce jour.

source

Esclavage : commémoration sur fond de polémiques

Cinq ans jour pour jour après l’adoption définitive, le 10 mai 2001, de la loi Taubira reconnaissant la traite et l’esclavage comme un "crime contre l’humanité", la France métropolitaine commémore pour la première fois son abolition, qui date du 23 mai 1848. Cette journée du 10 mai, retenue par Jacques Chirac sur proposition du comité pour la mémoire de l’esclavage, présidé par l’écrivain Maryse Condé, ne concerne pas les départements d’outre-mer, qui conservent leurs différentes dates de commémoration.

En 2001, le texte présenté par la députée (app. PS) de Guyane, Christiane Taubira, avait été adopté à l’unanimité, et dans une relative indifférence. On en est loin. L’irruption d’une "question noire" liant l’esclavage du passé aux discriminations d’aujourd’hui, dans un contexte associant tentations communautaristes et bataille des mémoires, a considérablement avivé les passions.

Quant à l’unanimité, elle n’est plus de mise. En témoigne l’initiative de quarante députés UMP qui, le 5 mai, ont demandé au chef de l’Etat d’abroger l’alinéa de la loi Taubira stipulant que "les programmes scolaires (...) accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place qu’ils méritent". Ces députés, qui s’étaient mobilisés en faveur de la loi sur les rapatriés du 23 février 2005, soulignent la similitude entre l’alinéa - abrogé - de ce texte, qui évoquait le "rôle positif" de la colonisation, et la disposition précitée de la loi Taubira.

Cette initiative, qui constitue la première incursion, au Palais-Bourbon, de la bataille des mémoires - en l’espèce, rapatriés contre descendants d’esclaves -, a reçu une volée de bois vert. Les signataires de l’appel "Liberté pour l’histoire", qui avaient réclamé, en décembre 2005, l’abrogation de différentes dispositions législatives mémorielles, ont pris leurs distances avec une démarche qui ne leur "paraît nullement" exempte "de précipitation, de règlements de comptes partisans et, a fortiori, de calculs électoralistes". Le ministre de l’outre-mer, François Baroin, s’est également "opposé" à cette proposition, soulignant qu’il ne fallait pas "renouveler, raviver ce qui pour beaucoup d’Antillais représente des blessures".

En Guadeloupe - comme dans le reste des Antilles -, la proposition des quarante députés UMP a effectivement été immédiatement perçue comme un nouveau déni de l’importance de l’esclavage. Les élus UMP de l’île se sont d’ailleurs promptement désolidarisés de leurs collègues sur les antennes locales.

Professeur à l’université des Antilles et de la Guyane, Frédéric Régent, 37 ans, a été un des signataires de la pétition d’historiens qui a appelé, en 2005, à l’abrogation de l’alinéa sur l’enseignement du "rôle positif" de la colonisation. Il voit avec inquiétude "une frange de la France, de ses penseurs et de ses hommes politiques se débarrasser de ses complexes historiques".

Auteur d’un ouvrage remarqué, Esclavage, métissage, liberté (Grasset, 2004, 504 pages), ce fils d’un Guadeloupéen et d’une Corrézienne souligne que la République devrait se féliciter des revendications et doléances des Antillais : en tentant d’insérer pleinement l’histoire des esclaves dans l’histoire de France, leurs descendants ne feraient finalement que démontrer leur volonté d’intégration dans ladite République. "Faire admettre sa propre mémoire, ce n’est qu’une manière d’être reconnu, d’être visible au sein même de la société française, assure M. Régent. Cette montée de la revendication va de pair avec le recul des perspectives d’indépendance. Elle est intégrationniste."

Fût-elle "intégrationniste", cette démarche ne va pas sans à-coups et tiraillements, y compris parmi ses promoteurs. Une vive polémique sur le programme de la commémoration entre les différentes associations qui se disputent la représentation, en métropole, des noirs et/ou des "Domiens".

En liaison avec SOS Racisme, la Ligue des droits de l’homme et la Ligue de l’enseignement, le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) a décidé d’organiser place de la Bastille, à Paris, le 10 mai au soir, un grand concert intitulé "Mémoire pour l’avenir", afin d’"anticiper la participation et la représentation de la France dans toute sa diversité". Sitôt connue, cette initiative a suscité de vives critiques d’associations concurrentes, parmi lesquelles le Collectif DOM, qui proteste "contre toute récupération carnavalesque de la mémoire de la traite négrière".

"Comment peut-on commémorer une tragédie en se trémoussant ?", s’interroge l’écrivain et cinéaste Serge Bilé, tandis que Claude Ribbe - l’auteur du livre polémique Le Crime de Napoléon (édition Privé, 2005, 206 pages) - dénonce un "inacceptable zouk". En réponse, différentes associations et personnalités ont appelé à un "rassemblement digne et solennel", place la Nation, pour y célébrer un "10 mai républicain et de recueillement".

Ces polémiques ne doivent pas faire oublier que l’objectif de cette journée est aussi de chasser les vieux démons. Frédéric Régent racontait un jour à sa grand-mère qu’il avait retrouvé la trace de leur ancêtre venu d’Afrique. "Un Africain dans la famille ?, s’est étonnée l’aïeule. Eh bien, heureusement qu’on ne l’a pas su avant !"
© Le Monde.fr

lundi, mai 08, 2006

La traite negrière au Havre


Pour la première fois, la République française commémorera, le 10 mai 2006, l'abolition de la traite négrière et de l'esclavage, devenus crimes contre l'humanité.

La CNT havraise n'a pas attendu cette commémoration pour dénoncer cette infamie humaine.

Nous étions même intervenus dans la presse locale au moment du classement du centre ville du Havre au patrimoine de l'Unesco.

Nous reprenons donc sans en changer un terme les exigences qui étaient les nôtres et qui sont toujours d'actualité.

Suite à quelques critiques infondées nous précisons que nous n'avons pas occulté la traite des Noirs organisée par les musulmans durant des siècles jusqu'à une époque encore récente. Simplement les musulmans n'existaient pas au Havre au XVII et XVIII.

Gageons que s'ils avaient été présents, ils auraient au même titre que les autres religions cautionné et encouragé la Traite en France.

Toute religion est l'ennemie du peuple et de la liberté. CQFD.

Lycéens et Enseignants de Porte Océane :
Débaptisons la rue du criminel Jules Masurier !

Savez-vous que durant la période de 1713 à 1792 , 68 « honorables Maisons » du Havre se livrèrent à la traite des Noir(e)s. Que durant ces années près de 100 000 Noir(e)s furent traités par les navires du Havreau cours de 392 voyages triangulaires.

Que l'on peut évaluer à 6% le nombre d'Africains morts pendant « ces voyages ».

Que ces êtres humains furent entassés, enchaînés, victimes du scorbut,de la dysenterie, traités pire que du bétail, voire jetés en pleine mer en cas de suicide ou de rébellion.

Que les bénéfices réalisés par les armateurs havrais spécialisés dans le commerce triangulaire dans les années 1770 avoisinaient les 446%.

Que de belles fortunes se firent, de belles demeures s'élevèrent dans notre ville grâce à ce commerce juteux.

Que les principales familles de négriers havrais s'appelaient : Chauvel, Begouen-Demaux, Foache, Feray, Legrand , Ruellan, Mouchel et Beaufils...(Plus de 100 armateurs négriers furent recensés localement, sans compter les bateaux naviguant sous pavillon étranger).

Qu'un certain œcuménisme régnait dans la traite puisque les Feray étaient protestants, les Homberg étaient juifs et de nombreux autres armateurs étaient catholiques (les Lestorey de Boulongne...).

Que de nombreuses fortunes havraises d'aujourd'hui sont les héritières en droiture de ces négriers d'hier.


Et Jules Masurier ?

Il faut attendre 1793 et les Révolutionnaires de la Convention pour que la traite soit interdite. A compter de Napoléon la traite se fera de manière détournée mais au vu et au su de tout le monde jusqu'en 1848 date de l'abolition de l'esclavage.


Plusieurs milliers de Noirs seront donc encore déportés par les navires havrais jusqu'au milieu du XIX ème siècle.

Cependant Masurier « jeune » est condamné en 1840 pour « trafic de nègres » avec son bateau « le Philanthrope ». Masurier et Cie passe à nouveau en procès en 1849.

En 1860, le négociant havrais Jules Masurier fait brûler son bateau à La Havane car son odieux commerce est découvert : son navire le « Don Juan» avait effectué un voyage en Afrique où il avait pris 850 Noir(e)s ; 243 moururent durant la traversée, les 607 restants furent débarqués à Cuba et vendus ! Jules Masurier fut traîné en cours d'Assises par son assureur à qui il avait demandé des dommages et intérêts pour la perte de son navire, à Rouen , en 1862, pour « traite des Noirs et baraterie ».

Acquitté comme beaucoup de ses pairs dans ce genre de procès, il dut cependant démissionner la même année de la chambre de commerce.

La loi, c'est connu, doit surtout être respectée par les pauvres.

Le Nègre

« Le nègre fait mille efforts inutiles pour s’introduire dans une société
qui le repousse, il se plie aux goûts de ses oppresseurs, adopte leurs opinions
et aspire en les imitant à se confondre avec eux »


Alexis de Toqueville

Le nègre du Surinam, par Dominique Dhombres



La France va commémorer, pour la première fois, le 10 mai, l'abolition de la traite négrière et de l'esclavage, désormais considérés comme des crimes contre l'humanité.
Le magazine "Thalassa" avait un peu d'avance sur l'événement, vendredi 5 mai, sur France 3. La traite a longtemps été occultée dans les manuels d'histoire. Elle n'occupait que quelques lignes en catimini. On préférait insister sur la figure lumineuse et fraternelle de Victor Schoelcher, député de la Guadeloupe et de la Martinique, qui fit adopter, le 27 avril 1848, le décret abolissant définitivement l'esclavage dans les colonies.
La France a pourtant été, avec le Portugal et l'Angleterre, un des pays qui ont le plus pratiqué, pendant trois siècles, la traite transatlantique. Les navires, partis d'Europe avec des cotonnades et de la verroterie, chargeaient les esclaves sur les côtes africaines et allaient les vendre en Amérique. Ils revenaient les cales remplies du sucre produit par ces mêmes esclaves dans les plantations des Antilles. Ce commerce triangulaire a fait la fortune de nombreux armateurs.
Les quatre grands ports négriers français étaient Bordeaux, La Rochelle, Le Havre et Nantes. Les hôtels particuliers des grands négociants sont restés. Les archives ont souvent disparu. On apercevait ainsi un livre de comptes, retrouvé un peu par hasard à Bordeaux, mentionnant le nombre d'hommes, de femmes et d'enfants transportés. Les navires étaient assurés. Leur "cargaison" aussi.
Le Code noir, rédigé en 1685 à l'initiative de Colbert, définissait l'esclave comme un "meuble". Le voile commence à peine à être levé, sur les bords de la Garonne, à propos de ce honteux commerce qui a fait, au même titre que le vin, la fortune de la ville. On en parle plus volontiers sur les rives de la Mersey. Liverpool a été le premier port négrier d'Europe.
Une aile entière de son Musée maritime est consacrée à la traite. "Notre ville s'est construite grâce à l'argent sale", remarque un conseiller municipal. L'âge d'or de la traite a coïncidé avec les Lumières. Les historiens sont désormais sévères avec les philosophes.
Voltaire raconte pourtant ainsi la rencontre de Candide avec le nègre du Surinam, qui gît au bord de la route, en guenilles, amputé de la jambe et de la main : "Quand nous travaillons aux sucreries et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe", explique ce malheureux. Tout était dit.

Dominique Dhombres

source

L’esclavage et le songe de Gorée



Le 10 mai prochain se déroulera la première journée de commémoration de l’abolition de l’esclavage. Cette date correspond à la date d’adoption de la loi Taubira reconnaissant l’esclavage et la traite négrière comme « un crime contre l’humanité » . Le président Jacques Chirac inaugurera au Luxembourg un site destiné à devenir lieu de mémoire.

De notre envoyé spécial sur l’île de Gorée C’EST UNE ÎLE qui se trouve à trois kilomètres au large de Dakar, « à un coup de canon de la terre ferme » , fut- il précisé au XVIIe par un géographe. Elle mesure 900 mètres de long, 300 mètres de large et a la forme d’un jambon. Elle s’appelle Gorée. Pour beaucoup, elle incarne l’histoire de l’esclavage. Ce qui n’est pas exact. L’île de Gorée en est le symbole. Et, comme tous les symboles, elle a l’allure d’un songe.

Il suffit de quelques minutes, après l’appareillage du Coumba Castel qui vient de larguer ses amarres du port de Dakar, pour la voir se profiler à l’horizon. Son charme est indéniable. Les murs ocre safran des maisons rivalisent avec les grappes de bougainvillées perlées de fleurs orange, violettes, jaunes, roses. Des palmiers ajoutent à l’ensemble une touche de tropiques doucereux.

La chaloupe n’a pas encore abordé l’île que, déjà, le malentendu plane. Gorée, transformée en symbole de la traite négrière, présente bien trop d’attraits pour se revendiquer de la continuité d’une histoire chargée de fers, de larmes et de sang. Non qu’il n’y ait eu ici de l’esclavage, cela est attesté. Non que l’île n’ait servi de point de départ à des navires chargés de leur cargaison humaine et cinglant vers les Amériques, cela est véridique. Non qu’il n’y ait eu commerce d’hommes, de femmes et d’enfants vendus, échangés et jetés comme on le ferait de « meubles », ce qu’ils étaient juridiquement à l’époque, cela est exact.

Alors ?... Alors, la difficulté posée par Gorée est d’un autre ordre. Elle est dans l’usage du symbole, dans le sens qu’on veut lui donner et dans l’exemplarité qu’on lui attribue. A ces points, l’île n’a pas encore vraiment trouvé de réponses. On la sent osciller, à la fois hésitante et partagée. Incapable de trancher entre l’histoire qui fut et l’utilisation qui, parfois, en est faite aujourd’hui.

La faute, si faute il y a, en revient peut- être à un homme. Et a un lieu. L’homme s’appelle Joseph N’Diaye. Il a la réputation de « raconter en des termes admirables des choses qui ne sont pas tout à fait exactes » . Le lieu est la Maison des esclaves de Gorée. L’histoire de l’homme et celle du lieu ont fusionné. Leurs destins mêlés ont fini par se transformer en une allégorie célébrée à travers le monde : Jean-Paul II – qui qualifia Gorée de « site emblématique de la traite des esclaves » – , Bill Clinton et Nelson Mandela ont rencontré l’homme et visité le lieu.

Aujourd’hui, Joseph N’Diaye n’est pas là. Il est à Paris où, justement, il va participer aux cérémonies du 10 mai, organisées pour la première fois en France à la suite de l’adoption en 2001 de la loi Taubira reconnaissant l’esclavage et la traite négrière comme « un crime contre l’humanité » . Joseph N’Diaye présente également en France le livre qu’il vient d’écrire à destination des enfants : « Il fut un jour à Gorée... » (Ed. Michel Lafon).

En l’absence de l’enfant de la « colo », du tirailleur sénégalais, de l’ancien combattant de la Libération et de l’Indochine qui fut nommé, en 1960, par Léopold Sedar Senghor, conservateur d’une ancienne esclaverie de Gorée, son adjoint Eloi assure les visites. Dans l’étroite cour, une trentaine de visiteurs, Noirs et Blancs, prêts pour le « grand voyage sans retour ».

Un rez- de- chaussée composé de caves, lugubres et humides. Une salle de pesage. La salle des hommes ( 2,60 mètres de côté), puis celle des femmes et des enfants. Une cellule pour « inaptes temporaires », c’est-à-dire pour les hommes ne pesant pas soixante kilos : « Il fallait les engraisser, explique le guide. On les nourrissait de haricots farineux » . Les cachots, étroits et au nombre de deux, placés en recoins sous les escaliers menant au premier étage : « Quand Nelson Mandela est venu ici, souligne Eloi, il s’est enfermé dans ce cachot en souvenir de sa captivité et en est ressorti en larmes. »

Enfin, la « porte du voyage sans retour » , un sombre couloir traversant les soubassements de la maison sur quelques mètres avec, à son extrémité et dominant l’immensité, un porche ouvrant sur la mer. « Une longue passerelle en bois de palmier, poursuit Eloi, menait jusqu’au bateau qui attendait un peu au large. Les esclaves devaient marcher jusqu’à l’extrémité de cette passerelle pour monter à bord du navire qui les emporterait au bout du monde. Parfois, certains tentaient de fuir et se jetaient à l’eau. Ils étaient dévorés par les requins. » Accroché à un mur, un mot signé du conservateur, Joseph N’Diaye : « De cette porte, pour un voyage sans retour, ils allaient les yeux fixés sur l’infini de la souffrance. »

La visite est presque finie. Eloi conclut : « De 1536 au milieu des années 1800, de quinze à vingt millions d’esclaves ont transité par Gorée. Six millions sont morts. » Et, à peine ces mots sont- ils prononcés, que resurgit ce que l’on pourrait nommer le songe de Gorée.

Deux raisons à cela. Les chiffres cités, impressionnants et terribles, sont supérieurs aux estimations faites par les historiens. Olivier Pétré-Grenouilleau, auteur d’une somme sur Les Traites négrières ( Gallimard), fait état d’un bilan de onze millions d’esclaves partis d’Afrique vers les Amériques entre 1450 et 1869. « 9,6 millions y sont arrivés », préciseC’est le premier point.

Le second tient, lui, à la place de Gorée dans la traite. Que l’île, jouissant du statut de « gîte de traite », ait servi de port de transit et de plate- forme d’embarquement aux négriers, cela, nul ne le discute. Mais l’île a- t- elle été le point de passage obligé de tous les esclaves embarqués à travers l’Atlantique ? Difficile à admettre en songeant seulement à ce que fut Ouidah, au Bénin, sur ces côtes du golfe de Guinée alors justement nommées « Côte des esclaves ».

« Crime de lèse-humanité »

Comme sont tout autant ésotériques les petits mots signés de Joseph N’Diaye, le conservateur. Ils parsèment la maison des esclaves. Ici, il est affirmé : « Gorée, Dachau, quel long chemin nous reste à parcourir avant de devenir des hommes. » Là, il est asséné : « Comme à Oradour, on peut seulement dire jamais, plus jamais. » Là encore, cette sentence : « Aujourd’hui... ceux qui ont entrepris de faire croire qu’il ne s’est rien passé à Auschwitz et à Dachau... n’auront même plus besoin, demain, d’affirmer qu’il ne s’est rien passé à Gorée. »

Alors, on ne sait plus très bien. Alors, la réalité de ce que fut la traite négrière semble se gommer. Entrant en collision avec le passé, l’histoire contemporaine tord l’appréhension, la brouille, la travestit. En son temps, Victor Schoelcher qualifiait la traite de « crime de lèse- humanité » . C’était en 1848 tandis qu’il se battait pour l’abolition de l’esclavage en France. Aujourd’hui, l’Assemblée nationale a retenu la qualification de « crime contre l’humanité » , un concept juridique apparu en 1945, soit un siècle après la bataille menée par Victor Schoelcher.

Une réalité complexe

En 1847, justement, l’Anna, un navire venu du havre, accostait à Gorée. En descendait un homme désigné sur son passeport comme « un rentier habitant Paris » . Victor Schoelcher, qui avait déjà publié après un premier voyage aux Caraïbes De l’esclavage des Noirs et de la législation coloniale, venait poursuivre son enquête en terre africaine.

Dans une lettre en date du 28 septembre 1847, le commandant de Gorée signale la présence du trublion : « Ce Monsieur prend, dit- on, des notes sur la traite des nègres et se classe comme un écrivain appartenant à l’opposition. Il s’adressait à tout le monde pour obtenir des renseignements et, de toutes les données hétérogènes qu’il a pu recueillir, il composera sans doute un ouvrage sur le Sénégal. Il est impossible qu’un pareil mode de composition ne conduise à des erreurs grossières, malgré toute la bonne foi que peut apporter l’auteur à discuter les éléments de son travail. »

Victor Schoelcher l’emportera, mais la réalité de Gorée, elle, restera à écrire. Car au fil de la traite, de cette longue traite ayant débuté en 1444 lorsque le navigateur Lanzarota de Lagos ramena d’Afrique des esclaves vendus au Portugal, les sociétés liées à l’esclavagisme évoluèrent. Aux premiers temps, encore peu connus et sans doute d’une extrême brutalité, succédèrent des adaptations souvent dues aux impératifs économiques. La mort des esclaves ne profitait à personne. Et celles- ci étaient nombreuses. Parti de Gorée en 1727 avec 347 esclaves à son bord le duc de Noailles ne livra ainsi à SaintDomingue qu’une cargaison de 264 esclaves.

Dans le même temps, les comptoirs à esclave, comme l’île, durent s’adapter. Apparurent des castes. Il y eut des esclaves de case, faisant partie des maisonnées et impossible à vendre, des esclaves de traite, prisonniers de guerre et captifs enchaînés jusqu’à leur départ. Il y eut la population d’hommes libres, souvent commerçants, parfois métis. En 1772, ils adressèrent un mémoire au « ministre de la Marine » dans lequel, évoquant les esclaves, ils accusaient les commerçants français de vouloir « nous ravir notre bien pour en faire le leur » . « Au reste, précisaient- ils, notre traite se fait le plus souvent au fond des terres et nous ne sommes pour ainsi dire que les courtiers des Européens. »

Il y eut aussi les Signares, ces femmes libres chantées par Senghor – « Je me rappelle les Signares kà l’ombre verte des vérandas » – , qui descendaient des premiers négriers et de leurs esclaves noires. Elles constituèrent une aristocratie locale. Aujourd’hui, ce sont leurs maisons, avec esclaverie en soussol et appartements des maîtres à l’étage, qui se trouvent disputées par les investisseurs attirés par les charmes de Gorée, cette île à l’allure d’un songe qui n’aurait pas encore trouvé sa place dans l’océan de la mémoire.

PATRICK DE SAINT-EXUPÉRY

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Vaudou


le mot vaudou* est venu du Dahomey, qui fut, par la traite négrière, à l'origine de la migration de ce culte vers l'Amérique du Sud, les Caraïbes. Au Dahomey, le nom vodoun désigne les puissances auxquelles s'adresse ce culte : “Vodoun et humains sont liés par une sorte de pacte de solidarité, d'échange : les divinités influent sur la destinée humaine, mais leur force, leur puissance agissante, est conditionnée par les offrandes, les sacrifices – le sang – qui les ‘nourrissent’. Si les hommes les négligent, ils s'affaiblissent. (...)

C'est sans doute le mythe de l'unité perdue entre le ciel et la terre qui permet le mieux de comprendre cette interdépendance. A l'origine, en effet, ciel et terre n'étaient pas séparés. Puis un jour vint où le ciel s'éloigna de la terre. Depuis, l'être suprême, devenu pour les humains l'Inconnaissable, a délégué la gestion de l'univers aux vodouns, lesquels apparaissent en quelque sorte comme ses ministres chargés des 'relations terrestres et humaines', chacun dans le domaine qui lui a été dévolu.” (dans Pour une reconnaissance africaine, Dahomey 1930, Musée Albert-Kahn)

* Le terme désigna d'abord une “danse des Noirs”.

mercredi, mai 03, 2006

L’écran carnavalesque



Le CRAN : fédération d’associations noires regroupant une centaine d’associations africaines et moins d’une dizaine d’associations antillaises en son sein, sans poids réel, sans consistance, n’ayant aucune prise sur la communauté afro-antillaise a décidé de s’approprier la mémoire de nous autres, en proposant de célébrer le 10 mai. Pourquoi pas !

Cette fédération, qui n’est qu’un écran de fumée, derrière laquelle se cache une association ayant fait des antillais des antisémites, et dont la création du CRAN a pour but, de lutter contre un pseudo antisémitisme rampant au coeur de notre « communauté », a offert à son baron, à son laquais une assise médiatique, sans précédent, sans commune mesure, et lui a ouvert tout grand les pompes à subventions de la république. Et pour cause !

Le Cran qui ne représente rien, pas grand-chose, pas grand monde, parle et pustule dans les médias, les « opportuneux » les bonimenteurs, les politicards et les journaleux aux ordres sont sous le charme, écoutez leurs dithyrambes, louanges ou leurs mensonges. C’est comme on veut !
Le CRAN a demandé plus de 600 000 euros de subventions pour commémorer le 10 mai à la Bastille, dont 179 400 euros pour le plateau artistique et 105 000 euros pour les organisateurs, après tout la mariée est gironde, il faut en profiter. Et puis, pourquoi pas !

Le CRAN se propose pour le 10 mai d’offrir à la France une Commémoration Nationale de l’abolition de l’Esclavage, par un concert-évènement gratuit : « Mémoire pour l’avenir » et le CRAN amène le nègre danser la gigue sans le fouet, SVP. Elle n’est pas belle la vie ?

- Mais là, nous disons aux «dévoyeurs » et aux fossoyeurs de la cause noire qu’il n’en n’est pas question ! C’est NON.
Le 10 mai est un jour de commémoration de la souffrance, celle endurée par des millions esclaves, déportés d’Afrique vers les Amériques pour enrichir les siècles.
C’est la souffrance de nos ancêtres déshumanisés, bestialisés, transformés par le droit en bien meuble ou en immeuble par destination, dont il s’agit.
C’est un jour du souvenir, et ce jour, à travers les siècles qui séparent, un lien se tissera entre nos ancêtres esclaves et les hommes libres mais pas égaux que nous sommes. C’est un lien de mémoire, un lien d’affection, et en aucune manière cette commémoration ne peut prendre un caractère festif, mais un caractère solennel ou religieux. Et le 10 mai solennisé, il ne sera pas temps, ni l’heure d’une monstrueuse zoukerie, ni d’un grand méchant zouk.

Le 10 mai, il sera temps de se souvenir et de se recueillir. Tout simplement !

Par ailleurs, nous serons attentifs aux artistes qui prostitueront la mémoire de nos ancêtres pour un franc six sous, et à tous ceux qui leur apporteront leur soutien.

Tony Mardaye

jeudi, avril 27, 2006

LETTRE OUVERTE AU CRAN ET AUTRES PROFANATEURS ASSOCIES DE LA MEMOIRE DES VICTIMES DE LA TRAITE NEGRIERE TRANSATLANTIQUE

Mesdames, Messieurs,

La France se souviendra, pour la première fois, de la tragédie des millions d’Africains, Hommes, Femmes et Enfants, razziés, déportés et esclavisés dans le « nouveau monde » au nom de théories racistes postulant de l’infériorité naturelle des Noirs, et d’autres plus utilitaristes ayant fait du continent Africain une source intarissable de main d’œuvre soumise, humiliée et corvéable à souhait pour la mise en valeur des terres des Amériques. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette initiative mémorielle, même si elle intervient tardivement, soit huit années après l’importante mobilisation d’associations Africaines et de descendants d’Africains issus de la Traite Négrière Transatlantique, à l’occasion du cent cinquantième anniversaire de l’abolition de l’esclavage. C’était en 1998, mais curieusement cette commémoration, qui avait réuni 45 000 manifestants pendant une marche silencieuse, n’avait suscité qu’une certaine indifférence dans les médias et la grande majorité de la classe politique.



Toutefois, alors que la loi dite Taubira du 21 Mai 2001, qui reconnaît la traite et l’esclavage des Noirs comme Crime contre l’Humanité par la France, concrétise enfin de longues années de luttes d’associations, de personnalités et d’anonymes, implique de tous un Respect inconditionné de la Mémoire des Victimes et suppose, outre des réparations légitimes, un égard solennel à l’adresse de leurs Descendants, nous demeurons particulièrement attentifs sur la nature des diverses cérémonies qui accompagneront la prochaine journée du 10 mai 2006, désormais, jour national du souvenir des victimes de Traite Négrière Transatlantique.



Notre vigilance est d’autant plus grande qu’il y a, encore une fois, des entreprises tendant à porter atteinte à notre travail de mémoire, chose qui ne serait admise par aucune communauté humaine victime d’un Crime contre l’Humanité. Nous pensons en particulier à ce projet ubuesque dans lequel le CRAN, le 10 Mai prochain, avec le soutien scandaleux des pouvoirs publics, de personnalités du show-biz et d’associations dites antiracistes, entend profiter de l’abolition de l’esclavage, sur un ton festif, pour aussi bien célébrer la fraternité et les victoires des abolitionnistes que la libération des Noirs, sur fond de musique techno parade, chars arc-en ciel, ambiance « touche pas à mon pote » et cotillons . Rien que ça !



Faut-il vous rappeler qu’une telle mise en scène de la commémoration du martyr de millions d’âmes, en plus de s’éloigner totalement de l’esprit de recueillement qu’implique le souvenir de la mémoire de nos ancêtres, aïeux et parents, constituerait un soutien considérable apporté à ceux qui parlent des bienfaits de la mission civilisatrice de la colonisation occidentale en Afrique ? Devrions nous, dorénavant, faire la fête tous les 10 Mai à la Bastille pour mieux oublier les 200 millions de suppliciés Africains pendant 4 siècles de férocité occidentale ?



En effet, si l’on admet que l’on peut tout faire à travers le « spectacle », même mettre en scène les crimes imprescriptibles contre l’Humanité, pourquoi donc continuer à se souvenir d’autres génocides, notamment ceux commis contre les Arméniens et les Juifs ? Ne pensez vous pas qu’il serait insupportable et pris comme une provocation si vous invitiez ces communautés à pratiquer l’oubli des leurs au son des musiques du « monde » ? Inimaginable ! Pourquoi tant de légèreté et de mépris lorsqu’il s’agit d’aborder l’Histoire des Africains et de leurs descendants issus de la Traite Transatlantique ? Ignorez vous que cette tragédie, largement méconnue et occultée, perdure actuellement à travers les diverses formes de racisme et de discriminations régulièrement perpétuées à l’encontre des Noirs.



Faut-il vous rappeler que des Noirs sont quotidiennement, discriminés à l’emploi, au logement et loisirs, insultés dans les stades de football, agressés dans les rues, voire tués par balles, par exemple, en Russie ?



Nous ne pouvons admettre que, à travers votre grotesque « commémoration » de la Bastille, vous vous permettiez d’aborder notre Histoire sous un angle folklorique et vulgaire, et ce en ayant recours à d’illustres anonymes regroupés dans un groupuscule ne disposant d’aucune assise populaire, ce qui démontre tout le dédain que vous inspire cet hommage aux victimes d’un Crime contre l’Humanité unique dans les annales de l’Histoire.



Par conséquent, parce que votre « spectacle » contribue directement à la banalisation de notre Histoire, par le jeu inacceptable d’une « commémoration festive », et que vous alimentez insidieusement les postures révisionnistes visant à entretenir la confusion sur les causes, les mobiles et les principaux responsables de la Traite négrière, Nous entendons faire respecter, en toutes circonstances, l’honneur et la dignité de nos ancêtres en marquant fermement notre désaccord face à votre démarche qui, sous couvert d’humanisme, participe activement au préjudice subi par les Nôtres.

Nous vous informons donc que parce que notre dignité ne se marchande pas, même pour 620 000 Euros, somme promise au CRAN pour commettre ce CRIME contre Notre Mémoire, Nous donnerons les suites qui s’imposent à cette provocation supplémentaire, notamment en engageant toutes actions nécessaires en vue de mettre un terme à vos velléités racoleuses que Nous considérons non seulement attentatoires à notre Mémoire, mais également parties prenantes de l’apologie manifeste de crime contre l’Humanité.




Cordialement,



Collectif Alert2neg

vendredi, avril 07, 2006

Pour la commémoration du CRIME, le 10 mai a été retenu, et après ?



Entre la lumière et l’ombre portée, dans la pénombre fleurissait l’horreur et l’inhumain

L’esclavage et la traite négrière de par sa durée, son ampleur et ses conséquences furent une tragédie qui endeuilla un continent, une salissure enlaidissant l’humanité, car ce fut un crime contre l’homme, un crime contre le droit des gens L’abomination ne concerna pas que le peuple noir ou le peuple blanc, elle dépassa allègrement les frontières de la race, de la religion, de la couleur pour vicier l’humanité toute entière, car le nègre chosifié fut une marchandise vendue de l’Afrique vers les Amériques, le Moyen-Orient, la Chine, l’Inde et ailleurs. Il fut l’or du monde et ce pour son propre désastre.
La mémoire de l’homme est fugace voire taisante, des pans d’histoire sombrent dans le néant, mais la souvenance est vivace, elle transcende les siècles et nul d’entre-nous, les Nègres conscients ne peuvent s’accommoder de l’oubli ou de la négation du crime, dont les séquelles taraudent nos êtres et obombrent nos âmes, car nous sommes le fruit de cette histoire.

Le racisme et la discrimination sont nés de cette histoire, ils ont créé le Nègre, maléficié la couleur, infériorisé l’Homme Noir, le reléguant dans une sous-humanité, faisant de lui un être toléré, vivotant tant bien que mal, quel que soit le lieu où il prend son élan ou s’enracine. Combien d’entre nous (hommes et femmes noires) aspire à une société où les individus seraient égaux en devoir et en droit ? Nous n’y sommes pas, la société est ce qu’elle est, à l’image de homme : traumatisante et imparfaite, et ce à l’image des hommes.

L’esclavage et la traite négrière sont relégués dans les poubelles de l’histoire, d’aucuns diraient que les crimes du passé sont au passé, comme nous pouvons le lire et l’entendre :- C’est le passé ! Toutefois, il est juste de rappeler que les traumatismes du passé se conjuguent au présent pour certaines communautés humaines, qui plus que d’autres, sont en demande de reconnaissance. Une reconnaissance afin de se dégager des fardeaux de l’histoire, une reconnaissance qui participe un tant soit peu à la réparation intérieure des individus, fortifier l’ego car le traumatisme est grand.

Le 30 janvier 2005 le président de la République Française Monsieur Jacques Chirac a fait un acte, non pas symbolique mais cathartique. Nous l’en remercions. En effet, en inscrivant la date du 10 mai, aux dates officielles de commémoration, la France se souviendra de l’une des pages les plus sombres de son histoire : l’esclavage et la traite négrière.

Est-il nécessaire de se rappeler le contexte de la traite négrière et de l’esclavage atlantique, le président Jacques Chirac l’a résumé lors de son allocution « Un trafic dont il faut se représenter la réalité : des villageois vivant dans la peur, enlevés en masse, privés de leur identité, arrachés aux leurs et à leur culture. Tant d'hommes et de femmes captifs, entassés dans des bateaux où plus d'un sur dix mourait. Tant d'hommes et de femmes vendus comme du bétail et exploités dans des conditions inhumaines ! Schœlcher. » Ces quelques mots n’explicitent pas les souffrances, les humiliations, la terreur, la barbarie de ce trafic d’êtres humains, ils décrivent un pan de l’infamie, de ce qui n’aurait jamais dû être et qui fut.

C’est de l’histoire me direz-vous, mais l’histoire à tendance à se répéter si nous n’en prenons garde. Il s’avère que c’est aussi le présent, ce dans une moindre mesure, la terre d’Afrique porte encore des esclaves sur son sol, il y a encore des êtres humains, de nombreux enfants qui sont vendus au Niger, en Mauritanie au Soudan, et ailleurs sur notre planète. Donc, cela perdure, il y a des mentalités, des rapports humains à changer, et lutter contre les penchants hobbesiens, ceux qui font de l’homme un loup pour l’homme.

Le 10 mai pourrait être, certes, un jour de commémoration de la mémoire de nos aïeux, acteurs et actrices de cette funeste tragédie ou un jour où leurs descendants pourraient faire leur abréaction. Le 10 mai pourrait être aussi le jour de la dénonciation de cette pratique inhumaine qui avilit l’homme et en fait une bête de somme, un objet sexuel, un déduit, un moins que rien.

Il est nécessaire d’en parler au passé, il est tout aussi vital d’en parler au présent. Il est temps que les livres scolaires relatent ce drame, il est temps que tous connaissent leur histoire.

Nous devons rétablir nos ancêtres dans l’humanité, nous devons aussi rétablir ceux qui subissent ce joug dans leurs droits humains. Il y a des combats communs à mener et c’est ensemble que nous réussirons à faire reculer la haine, le racisme et la barbarie.

Et c’est ensemble, les noirs, les blancs, les jaunes, tous les hommes de compassion et les êtres de bonne volonté que nous arracherons la reconnaissance au niveau européen.

Il n’est pas juste, ni de bon ton de dire comme a pu le faire Serge Romana président du CM98 :
- le 10 mai une date pour les «noirs» de France et non pas pour les descendants d’esclaves.
Non ! C’est une date pour tous ceux et celles qui se sentent concernés par la justice et combattent l’injustice, quelle que fusse leur couleur de peau ou leur religion.

C’est une date qui honore la France, c’est une date porteuse d’espoir, c’est une date qui ouvre des perspectives, mais c’est à nous et à nous tous, sans exclusif de la remplir et de faire l’histoire.

France : le 14 mars 2006
Anne-Clémence VALENTIN – valentin.anne@wanadoo.fr www.roseporcelaine.com
Tony Mardaye – Omer62@rocketmail.com – www.pyepimanla.com

lundi, janvier 16, 2006

L'esclavage ne gêne pas grand monde



L'effervescence

Largement abordée par la littérature des Lumières, la question de l'égalité des races resurgit - modestement - à la Révolution. Même les esprits les plus éclairés restent divisés quant à l'abolition.

Par Olivier Coquart

Pendant le règne de Louis XVI, l'empire colonial français n'a pas évolué dans ses frontières coloniales. Depuis le traité de Paris de 1763, cet empire s'est considérablement réduit, amputé des possessions dans les Indes orientales à l'exception des comptoirs détenus avant 1749 : Chandernagor, Pondichéry, Mahé et Karikal, étapes importantes pour le commerce des produits d'Extrême-Orient. Dans l'océan Indien, l'île de France (Maurice) et Bourbon (La Réunion) sont deux des « îles à sucre » dont la mise en valeur repose sur une petite population de colons planteurs et une masse importante d'esclaves. Aux Amériques, la France a encore la Louisiane et, surtout, de nombreuses îles des Caraïbes dont Saint-Domingue, la « perle des Antilles », la Guadeloupe et la Martinique ainsi que la Guyane.

Si l'on fait abstraction des Indes, les sociétés coloniales françaises opposent donc une masse considérable d'esclaves (peut-être 600 000 dans les Antilles en 1789) à un faible nombre de colons blancs (environ 40 000). Les colons sont en relation, d'une part, avec le pouvoir royal auquel ils demandent protection puisque les colonies sont propriétés royales et, d'autre part, avec les grands négociants principalement situés à Nantes et Bordeaux. Ces négociants assurent le commerce du sucre et des autres produits des plantations (café et indigo sur les hautes terres de Saint-Domingue). Ils assurent également l'approvisionnement des îles en esclaves appelés « bossales », amenés d'Afrique dans les bateaux de la traite négrière. Le règne de Louis XVI correspond, pour la traite comme pour l'économie sucrière, à un apogée : cette économie est à la fois adaptable et performante, et le restera jusqu'aux années 1820.

Selon les colonies, les problèmes sont évidemment différents. Les Antilles, plus que les îles de l'océan Indien, sont, à la fin de l'Ancien Régime, influencées par l'indépendance des Etats-Unis tout proches : un sentiment indépendantiste semble poindre chez certains colons et, de l'autre côté du miroir social, des révoltes d'esclaves éclatent sporadiquement à Saint-Domingue ou en Guyane. Certaines îles comme Saint-Domingue ont en effet connu un système de ségrégation raciale qui n'existait pas, par exemple, à la Guadeloupe. Cependant, le règne de Louis XVI voit se développer des problèmes communs à toutes les îles à sucre françaises : la question de l'esclavage ; la question raciale ; la question du régime commercial. Celles-ci s'inscrivent dans un cadre institutionnel reposant, d'une part, sur le Code noir élaboré en 1685 sous Louis XIV et, d'autre part, sur le principe de l'exclusif commercial, caractéristique du colbertisme, qui limite à la seule métropole les débouchés du commerce colonial en confiant sa gestion à des compagnies telles que la compagnie des Indes occidentales sous Louis XVI. De même que les questions se posent différemment selon les colonies, de même, le cadre peut être interprété différemment en fonction des rapports de la métropole avec chaque colonie, et en fonction des différentes sociétés coloniales.

La question de l'esclavage occupe donc une partie importante dans la littérature des Lumières. Voltaire et Bernardin de Saint-Pierre l'évoquent plus ou moins précisément. Une trentaine de cahiers de doléances (sur 60 000...) demandent même la fin de l'esclavage. La deuxième génération des Lumières, celle des encyclopédistes, propose un éventail de thèses extrêmement varié : d'Alembert est plutôt favorable à l'esclavage auquel Jaucourt est très opposé. Un certain consensus parmi les abolitionnistes existe cependant sur un point : l'abolition doit être progressive parce que les esclaves, comme les enfants en bas âge, les imbéciles ou les fous, sont privés d'un certain nombre de droits naturels, selon Condorcet, et il faut qu'ils évoluent pour acquérir effectivement ces droits.

Ces abolitionnistes, très liés aux libéraux anglais comme Adam Smith, qui dénoncent dans l'esclavage un système moins rentable que le salariat, se dotent en 1788 d'un moyen de pression politique, la Société des amis des Noirs. Sa philosophie est rappelée en février 1790 dans une adresse à l'Assemblée nationale : « Nous vous démontrerons que l'abolition de la Traite sera avantageuse aux colons. » C'est au nom de la prospérité et du libéralisme qu'après Adam Smith, les Amis des Noirs plaident pour l'abolition, au moins autant que par un souci, très rarement explicite, d'affirmer l'égalité entre Noirs et Blancs. Outre Condorcet, on y retrouve Brissot, le banquier Clavière, Lavoisier, La Fayette - des hommes qui se rencontrent depuis longtemps dans le cadre de l'Académie voire, au début des années 1780, dans les salons du mesmérisme. Si la plupart d'entre eux sont en contact avec la Cour à différents titres, il ne semble pas que Louis XVI ait prêté un grand intérêt à leur activisme. Cependant, quand Gouy d'Arcy vient demander au roi d'interrompre les activités de la Société des amis des Noirs, celui-ci répond : « Ces pauvres Noirs ont-ils donc des amis en France ? Tant mieux, je ne veux pas interrompre leurs travaux. »

La condition des esclaves fait, par ailleurs, l'objet de quelques améliorations sur les terres exploitées directement pour le souverain. Globalement, celui-ci, peu au fait de ces questions mais sensible aux idées généreuses des Lumières, semble vouloir humaniser le sort des esclaves sans jamais mettre en cause ni le système esclavagiste ni les modalités de la traite négrière.
La question est compliquée par deux variables. La première est démographique : il y a, dans les colonies françaises, une surreprésentation quantitative des esclaves, qu'ils soient bossales (nés en Afrique) ou créoles. Ce phénomène est particulièrement important à Saint-Domingue où, en 1789, on dénombre 450 000 esclaves pour 70 000 libres. La situation des esclaves peut varier selon les individus et les colonies ; cependant, elle est, dans les colonies françaises, depuis l'embarquement en Afrique jusqu'aux plantations ou aux fabriques, véritablement épouvantable. Une abondante littérature historique existe à ce propos, avec des auteurs célèbres comme Aimé Césaire ou plus obscurs comme Félix Modok - cet étonnant conteur martiniquais déploie, dans son oeuvre, un imaginaire où la figure du diable et du Mal s'expriment régulièrement par les voies de la soumission, de la torture, de la mort infligée aux protagonistes, Noirs ou figures métaphoriques de Noirs.

Seconde variable : parmi les libres, un nombre croissant de « libres de couleur », souvent métis, vient contester parfois la prépondérance économique des Blancs. Leur démographie est très dynamique, bien plus que celle des bossales et des Blancs, qu'ils égalent en 1789. Ils sont eux-mêmes souvent propriétaires d'esclaves et, dans certaines îles comme à la Guadeloupe ou dans les îles de l'océan Indien, peuvent avoir des relations relativement bonnes avec les colons européens. En revanche, à Saint-Domingue, un système ségrégationniste s'est mis en place, fondé sur des théories raciales opportunément constituées : on distingue ainsi les « nègres affranchis » des « libres de couleur ».

La question raciale est donc liée à celle de l'esclavage. Le « préjugé de couleur » apparaît dans certaines sociétés coloniales et, au premier chef, à Saint-Domingue, contre le Code noir qui ne fait pas de distinction entre les différents « sujets libres du roi de France », blancs ou noirs. Sans doute cette évolution est-elle un moyen de pallier la progression démographique des populations noires et métissées, susceptible de menacer la prééminence blanche : il semble en effet que dans les sociétés où le ratio Blancs/gens de couleur n'est pas trop déséquilibré, comme à la Guadeloupe, le « préjugé de couleur » s'impose moins radicalement. Juste avant l'avènement de Louis XVI, quatre catégories sont élaborées dans la Perle des Antilles : les Blancs, les quarterons, les mulâtres et les nègres, en fonction de la généalogie. Le droit localement institué, sans l'aval du pouvoir royal, à Saint-Domingue, est clairement établi ensuite à la Guadeloupe et en Martinique (1787) ainsi que dans les îles de l'océan Indien. Interdits d'exercer certaines fonctions dans les îles, nombre de mulâtres aisés se réfugient en France et s'intègrent aux élites roturières. Louis XVI autorise d'ailleurs en 1784 le mulâtre Julien Raimond à rencontrer son ministre De Castries qui écoute avec intérêt mais sans suite ses revendications. Julien Raimond, dans ces conditions, ne peut même pas retourner à Saint-Domingue.

Les théories raciales trouvent un écho y compris chez les esprits les plus éclairés. Condorcet aurait demandé que l'article 1 de la Déclaration des droits de l'homme précise : « Tous les hommes blancs naissent et demeurent libres et égaux en droit. » Au début de la Révolution française, la réflexion est beaucoup moins avancée quant à l'égalité des races en France que dans le monde anglo-saxon. Même si le préjugé racial reste autonome parmi les populations blanches des colonies françaises, il se développe, en tout état de cause, parallèlement en métropole. Cependant, dans les colonies, il a comme conséquence très nette le marronnage, « petit » ou « grand » : la fuite des esclaves, temporaire ou définitive. Des communautés de marrons se créent, en Guyane, dans les mornes de la Martinique et de la Guadeloupe et dans les hautes terres de Saint-Domingue ; là, apparaît à partir des années 1760 l'espoir d'un retour de Macandal, l'esclave qui avait soulevé l'île et que les colons avaient capturé et tué en 1758.

En réalité, la question commerciale commande largement les choix en matière d'esclavage et de préjugé racial. Elle est indissociable du débat théorique opposant les libéraux (Turgot, Brissot, Clavière...) aux partisans du colbertisme très représentés parmi les négociants (Nairac de Bordeaux) et les officiers du roi (Malouet, qui dirige successivement Saint-Domingue et la Guyane). Elle a des implications suffisamment fortes pour conditionner quasi exclusivement les choix coloniaux des gouvernements qui se succèdent de 1774 à 1792. La croissance du commerce colonial français a été remarquable au XVIIIe siècle : entre 1716 et 1788, + 368 % pour les exportations de la France vers les Antilles ; + 784 % pour les importations des Antilles vers la France ; la plupart de ces importations, soit un peu plus des trois quarts, sont réexpédiées vers l'Europe.

Ce commerce est encadré par le principe de l'exclusif. La Compagnie française des Indes, pour assurer cet exclusif dans l'océan Indien, dispose encore, en 1780, de 25 vaisseaux de ligne ; elle assure principalement le développement de l'île Bourbon et de l'île de France. Or, en particulier dans les Antilles, cet exclusif est remis en cause par les colons. En effet, ceux-ci souhaitent pouvoir commercer librement, notamment avec les Etats-Unis, et protestent contre la concurrence, devenue inégale, qui leur est faite par les colonies anglaises, voire espagnoles, dans lesquelles cet exclusif a été abandonné au profit du système de libre-échange. Les colons sont donc en conflit avec les négociants de la métropole - dont ils dépendent pour l'approvisionnement en esclaves - et, à Saint-Domingue par exemple, ils protestent contre le pouvoir monarchique qui maintient le verrou de l'exclusif. A l'image des colons anglais aux Amériques, ils commencent même à revendiquer l'indépendance : c'est le cas en mai 1790, quand une assemblée centrale de Saint-Domingue vote une constitution. Aussi les gouvernements de Louis XVI, sensibles aux thèses libérales, sont-ils contraints de desserrer cet étau : par des mesures ponctuelles dès les années 1780, puis de façon plus large après la signature du traité de libre-échange avec l'Angleterre en 1786.

La capacité du roi à orienter les choix coloniaux devient très limitée à partir de 1789. Son règne « constitutionnel » est donc, en la matière, encore plus passif que son règne « absolu ». Les débats ne manquent pourtant pas, et ce dès l'ouverture des états généraux. En effet, comme les colonies de 1789 n'existaient pas en 1614 [dernière réunion des états généraux par Catherine de Médicis], la question de leur représentation est clairement posée. Pour une part importante de l'opinion politique, les colonies ne doivent être représentées que par deux députés des sujets libres. Les négociants, en particulier, poussent dans ce sens, mais aussi les Amis des Noirs, soucieux de ne pas voir siéger un groupe compact de colons. Ces derniers revendiquent une représentation proportionnelle à leur nombre. Finalement, six représentants des colons siègent aux états généraux puis à la Constituante.

Très vite cependant, ces colons trouvent des alliés inattendus parmi les représentants des négociants et se regroupent avec eux dans le club Massiac. Celui-ci est, grâce au très influent Malouet, un lobby très efficace pour empêcher que les Amis des Noirs, Mirabeau compris, puissent présenter leur rapport favorable à l'émancipation des esclaves. Le 8 mars 1790, les colonies, réparties en départements, sont dotées d'assemblées coloniales où seuls les Blancs sont électeurs et éligibles. Alors que les tensions avec l'Angleterre se ravivent dans la mer des Caraïbes, la Constituante confirme pour les colonies la règle de l'exclusif, contrairement à l'esprit libéral de la plupart de ses décisions.

Les Amis des Noirs obtiennent que les droits civiques soient accordés aux mulâtres libres, le 15 mai 1791. Deux jours auparavant, Robespierre a obtenu que l'esclavage soit exclu du texte constitutionnel comme contraire à la Déclaration des droits de l'homme. Cependant, cette orientation est éphémère : la nouvelle de la révolte des esclaves de Saint-Domingue qui éclate en août 1791 rend au club Massiac toute son influence, et l'un des derniers débats de la Constituante aboutit à l'annulation du décret du 15 mai précédent.

Avant la chute de la monarchie, la question de l'esclavage n'est plus abordée. La conséquence est l'apparition d'une nouvelle solidarité : désormais, les libres de couleur, les esclaves et les marrons sont tous considérés comme inférieurs au droit commun des hommes de la nation. De cette ségrégation naîtra la révolte des esclaves de Saint-Domingue, matrice de l'indépendance d'Haïti, et la première abolition de l'esclavage, immédiate et sans concession, promulguée par la Convention le 5 février 1794.

Docteur en histoire, professeur de première supérieure au lycée Henri-IV à Paris, Olivier Coquart est spécialiste de la Révolution française. Il est l'auteur de Jean-Paul Marat (Fayard, 1993).

http://www.historia.presse.fr/data/thematique/99/9906401.html

mardi, janvier 10, 2006

Traites négrières, esclavage : les faits historiques


C'est une histoire très ancienne, mais qui n'a jamais été si actuelle. Un phénomène né pendant l'Antiquité, et dont on ne prit réellement conscience qu'au XVIIIe siècle.

"L'esclavage est l'établissement d'un droit fondé sur la force, lequel droit rend un homme tellement propre à un autre homme qu'il est le maître absolu de sa vie, de ses biens et de sa liberté", écrivait le chevalier de Jaucourt dans l'Encyclopédie, en 1755. Un état de mort sociale, de dépossession de soi que Victor Schoelcher, architecte de l'abolition en France, qualifia de "crime de lèse-humanité".

Mais c'est aussi un phénomène historique et culturel complexe, qui englobe des aires géographiques immenses et, pour les traites modernes, plus de mille ans d'histoire. Qui bouleversa plus particulièrement le continent africain et fit le lit du racisme, véhiculant l'image d'un Noir inférieur, proche de l'animalité et donc, à ce titre, susceptible d'être acheté, vendu, échangé. Une marchandise humaine.

A l'heure où prospère la "concurrence des mémoires", et tandis que l'historien Olivier Pétré-Grenouilleau, auteur du remarquable Les Traites négrières, est assigné en justice, stigmatisé d'une infamante accusation de révisionnisme, le sujet est de plus en plus explosif : aussi apparaît-il essentiel de faire le point sur l'état des connaissances historiques.

Traites africaines et traites orientales. L'Afrique a connu des trafics d'esclaves dès la plus haute Antiquité, mais c'est au VIIe siècle de notre ère, avec l'apparition d'un empire musulman et sa spectaculaire expansion, qu'est né le cadre du système économique qu'on appellera la traite. En terre d'islam, la loi interdisait de réduire en esclavage les hommes libres : en revanche, on pouvait se procurer des captifs en dehors de l'empire. Ainsi sont nées les premières routes d'un commerce à grande échelle d'êtres humains.

Le monde musulman ne s'approvisionna pas uniquement en Afrique. Il y eut également des captifs venus du Caucase, d'Europe de l'Est ou d'Asie centrale. Mais les Africains furent de loin les plus nombreux, et cette tendance ne fit que s'accentuer au fil du temps. Avec la traite se mit en place une justification idéologique de l'esclavage des Noirs, fondée sur des stéréotypes racistes, et des justifications religieuses, comme celle de la malédiction de Cham. Les Noirs étaient censés descendre de ce fils de Noé maudit par son père : ils étaient donc condamnés à la servitude.

Les routes empruntées par ce trafic sont assez bien connues. On sait également qu'il atteint son apogée au XIXe siècle. Pour ce qui est de son ampleur, les estimations chiffrées restent fragiles : l'historien américain Ralph Austen avance le chiffre de 17 millions de personnes, du VIIe au XIXe siècle. Mais il reconnaît que ce chiffre est relativement imprécis, estimant sa marge d'erreur à plus ou moins 25 %.

Ces traites restent mal connues, tributaires de représentations parcellaires (on a longtemps minimisé le rôle économique des esclaves) et d'une sombre légende forgée au XIXe siècle par les Européens, dans le but de légitimer leur propre colonisation.
Il en est de même pour ce qu'on appelle les "traites intérieures", sur lesquelles les informations sont très lacunaires. En la matière, les recherches sont peu nombreuses. Il est cependant établi qu'il y eut également un commerce à l'échelle de l'Afrique subsaharienne : l'historien Patrick Manning affirme que ces traites intérieures auraient fait 14 millions de victimes, capturées suite à des guerres entre Etats ou à des razzias.

Ainsi, quand commencèrent les "traites atlantiques", un système était déjà en place. Comme le rappelait l'historien Fernand Braudel (1902-1985), "la traite négrière n'a pas été une invention diabolique de l'Europe".

Les traites occidentales. La naissance de la traite atlantique a souvent été interprétée comme une profonde rupture en Occident, voyant renaître un esclavage qui avait disparu depuis la fin de l'Antiquité. En réalité, le phénomène avait constamment reculé durant le Moyen Age, mais il subsistait en Méditerranée un commerce dont les victimes les plus nombreuses étaient des juifs, des slaves et surtout, à partir du XVe siècle, des Africains. Le trafic changea d'échelle et de destination au XVIe siècle, avec la colonisation des Amériques. La violence des conquérants hispaniques et le choc microbien dépeuplèrent vite le continent, créant une pénurie de main-d'oeuvre. D'autant plus que les Européens entreprirent de lancer sur place des cultures de production, en particulier celle de la canne à sucre.

Les Portugais, lancés dès le début du XVe siècle à la découverte des côtes africaines, en produisirent à Sao Tomé, au large de l'Afrique, avant de s'implanter au Brésil, inaugurant bientôt la première grande route de la traite.

Les circuit de la déportation se mirent vite en place. Les esclaves étaient acheminés par des négriers africains jusqu'aux côtes (on estime que 2 % seulement des prisonniers qui traversèrent l'Atlantique avaient été capturés par des Occidentaux). Commençait alors la longue traversée des esclaves, mortelle pour de nombreux captifs.

Le sort des survivants n'était pas plus enviable : la plupart d'entre eux étaient dirigés vers des plantations tenues par des colons qui devaient rembourser au plus vite leur "investissement". La moitié d'entre eux décédaient dans les trois années suivant leur arrivée. Cette effrayante mortalité et le déséquilibre des sexes expliquent que la demande ne se tarissait jamais : il fallait sans cesse de nouveaux esclaves pour que le système colonial fonctionne.

Les données chiffrées concernant cette traite sont assez fiables : elles ont fait l'objet de nombreuses études quantitatives. Un consensus se dessine autour du chiffre de 11 millions d'Africains déportés, dont 9,5 millions arrivèrent en Amérique. Dominé au XVIe et au début du XVIIe siècle par les puissances ibériques, ce commerce connaît son apogée au XVIIIe, alors que la France, et surtout l'Angleterre, constituent dans les Caraïbes de prospères colonies, fondées sur l'exploitation à outrance des esclaves africains.

Le rôle de la France. Comme les Anglais, les Français entrèrent en scène plus tardivement. A partir du milieu du XVIIe siècle, ils commencèrent à peupler leurs colonies de captifs africains. Autorisée par Louis XIII en 1642, la traite prit rapidement son essor, atteignant son apogée au XVIIIe siècle.

En 1685 est édicté le Code noir, texte censé régir le quotidien des esclaves dans les colonies. Toutes les étapes de la vie y sont réglementées, de la naissance à la mort. Pour pouvoir se marier, l'esclave doit avoir l'accord de son maître ; ses enfants appartiendront au propriétaire de la mère. Le texte contient également des dispositions de police et une échelle des peines applicables, allant jusqu'à la mort pour les auteurs de voies de fait sur un Blanc ou les fuyards récidivistes.

En matière civile, l'esclave n'a pas le droit de propriété et ne peut transmettre d'héritage à ses descendants. En contrepartie, le propriétaire doit se montrer modéré dans ses punitions, nourrir ses esclaves et les vêtir correctement. Edifiant pour ce qu'il dit du discours idéologique qui accompagne la traite, ce texte ne doit pourtant pas être pris au pied de la lettre : dans la pratique, la seule loi qui régnait sur les plantations était celle de l'arbitraire des planteurs. Le Code noir ne fut jamais réellement appliqué dans son intégralité.
En métropole, les principaux bénéficiaires du trafic sont les ports de l'Atlantique. Les expéditions négrières françaises ont été répertoriées par l'historien Jean Mettas, qui a retrouvé 3 317 expéditions, partant de 17 ports, au premier rang Nantes, Le Havre, La Rochelle et Bordeaux.

Dans ces villes, le système colonial a permis à nombre de négociants d'amasser des fortunes considérables. A la fin du XVIIIe siècle, les bénéficiaires du système forment un groupe de pression influent en métropole : ils seront un frein puissant à l'heure des mouvements en faveur de l'abolition.

L'abolition inachevée. Comme le souligne l'historienne Nelly Schmidt, "les premiers abolitionnistes, ce sont les esclaves eux-mêmes". Dès le début du XVIe siècle, les révoltes étaient fréquentes, très sévèrement réprimées. On vit même s'édifier, dans les Caraïbes et en Amérique du Sud, des forteresses défendues par des esclaves rebelles, que les Européens eurent parfois le plus grand mal à maîtriser.

En Occident, les Quakers de Pennsylvanie sont les premiers, à la fin du XVIIe siècle, à s'élever contre l'esclavage. Les Encyclopédistes se prononceront eux aussi contre cette institution. Mais c'est en Angleterre que se mit réellement en place le mouvement anti-esclavagiste mondial, porté par deux figures, William Wilberforce et Thomas Clarkson, et par une propagande efficace (libelles, campagnes de boycott, pétitions...).

La révolte de Saint-Domingue (1791-1793) provoque la première abolition de l'esclavage, le 16 pluviose an II (4 février 1794). Celle-ci sera provisoire — Napoléon reviendra dessus en 1802, au prix d'une répression sanglante et de la perte de Saint-Domingue, qui devint Haïti —, et partielle : le décret ne sera jamais appliqué à la Réunion et la Martinique était occupée par les Anglais...

Mais le mouvement est enclenché, irréversible. En 1807, les Anglais interdisent la traite au large de l'Afrique. Le commerce des esclaves continue, mais il devient peu à peu clandestin, à mesure que l'abolitionnisme gagne du terrain. En 1833, Londres l'abolit. La France, de son côté, mettra fin à cette institution — cette fois définitivement — par les décrets du 27 avril 1848.
Les puissances occidentales suivent le mouvement, si bien qu'aux Etats-Unis, l'esclavage est aboli en 1865, à l'issue de la guerre de sécession. En 1888, avec son abolition au Brésil, la page se tourne sur le continent américain.

Mais le phénomène n'est pas éradiqué pour autant : les puissances européennes continueront à tolérer cette institution dans leurs colonies d'Afrique, et à abuser du travail forcé. Albert Londres le notait en 1897 : "L'esclavage en Afrique n'est aboli que dans les déclarations ministérielles de l'Europe."

Plus d'un siècle après, malgré les condamnations de l'ONU et les dénonciations des ONG, celui-ci est loin d'avoir disparu. L'abolition de l'esclavage reste un combat très actuel.

Jérôme Gautheret
À LIRE

Dans le domaine de l'esclavage et de la traite, les travaux de recherche sont très nombreux, mais les ouvrages de synthèse sont très rares. Signalons tout de même, au-delà des Traites négrières, d'Olivier Pétré-Grenouilleau (Gallimard, "Bibliothèque des histoires", 2004) :
Une histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, de Christian Delacampagne. Le Livre de poche, "Références", 320 p., 6,95 €.

L'abolition de l'esclavage. Cinq siècles de combats, XVIe-XXe siècle, de Nelly Schmidt. Fayard, 418 p., 23 €.

Le Livre noir du colonialisme XVIe-XXIe siècle : de l'extermination à la repentance, sous la direction de Marc Ferro. Robert Laffont, 848 p., 29 €.

La Modernité de l'esclavage, essai sur la servitude au coeur du capitalisme, d'Yves Benot.La Découverte, 296 p., 21 €.

LA VÉRITÉ SUR L'ESCLAVAGE, numéro spécial de la revue L'Histoire (octobre 2003).